La rapporteure du Tribunal administratif a demandé l’annulation de la délibération du Conseil municipal de Marseille du 16 octobre 2017

RÉFLEXIONS SUR LE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ DANS LA GESTION DES ÉCOLES MARSEILLAISES

Billet de blog
le 31 Mar 2019
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C’est en avril 2016 que la Ville de Marseille décide d’entreprendre une rénovation des écoles de la ville fondée sur ce que tout le monde, à Marseille, commence à connaître par son sigle,  « P.P.P. », un partenariat public-privé. Il s’agit d’associer les entreprises privées et la municipalité dans la rénovation des écoles, autrement dit de livrer au secteur privé le chantier de la rénovation des écoles, c’est-à-dire, pour la municipalité, d’abandonner ses responsabilités et de fonder les politiques publiques sur le marché. Ce n’est pas sans rappeler le projet de loi de réforme de la fonction publique en cours de débat à l’Assemblée, qui consiste, pour les fonctionnaires, dans le passage de la logique du statut à celle du contrat, c’est-à-dire, une fois encore, dans une forme de passage de la logique du politique et du service public à celle du marché. Sans doute est-il utile de rapprocher ces deux faits, afin de mieux comprendre ce que signifie le « P.P.P. » dans les politiques municipales de l’éducation et des écoles. Le contrat et le politique Sans doute s’agit-il de la première question qu’il importe de se poser : en quoi consiste la différence entre le contrat et le politique ? En quoi consiste le passage du statut au contrat ? En effet, si l’on réfléchit bien, le « P.P.P. » consiste, finalement, dans l’application du passage du statut au contrat dans le domaine de la construction et de la rénovation des écoles. La différence entre le contrat et le politique consiste en trois éléments que l’on peut identifier. Le premier est la réduction de l’État à un rôle d’acteur économique, dans deux de ses expressions, la commune dans le cas du « P.P.P. » et l’État-nation dans le cas de la fonction publique. Alors que l’État est là pour permettre aux citoyens, de reconnaître en lui l’identité pleinement politique dont ils sont porteurs ensemble, sa réduction au rôle d’un acteur du marché parmi d’autres lui fait perdre ce rôle pour les citoyens, ce qui, à terme, peut les amener à ignorer le rôle de la loi. Le deuxième élément de la différence entre le contrat et le politique se situe dans la relation entre les citoyens : alors que l’État est là pour compenser les inégalités, le marché est là, au contraire, pour les encourager. Rappelons-nous ce qu’écrit Rousseau, dans le Contrat social, publié en 1762, vingt-sept ans avant la Révolution : « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en loi et l’obéissance en devoir ». Cela nous amène à la troisième différence entre le contrat et le politique : le contrat repose sur l’accord entre les deux partenaires d’un échange dans le cadre d’un marché, alors que la loi s’impose à tous. Cela donne à la loi le rôle de garantir que ce ne sont pas les rapports de force qui fondent l’appartenance à une société, comme dans le cas du marché, mais le fait de reconnaître que les mêmes lois, les mêmes droits et les mêmes devoirs s’imposent à tous. Le service public et le marché Là se situe la différence majeure entre le service public et le marché. Tandis que la logique du service public est celle de l’égalité entre tous ceux qui habitent le pays – rappelons-nous, tout de même, que ce simple mot, égalité, fait encore partie de la devise de la République française, la logique du marché se réduit à la manifestation de rapports de forces entre les habitants, mais cela implique que la logique du marché ouvre la voie à la violence des affrontements et de la confrontation entre forces différentes. À cet égard, la disparition, à terme, du statut de la fonction publique et la domination du marché dans le logique du « P.P.P. » s’inscrivent dans la même logique que celle de l’évolution du droit du travail voulue par M. Pénicaud, ministre du travail dans le gouvernement d’E. Macron et d’É. Philippe, qui s’exprime, par exemple, dans la multiplication des contrats courts, forme d’affaiblissement des protections des salariés contre les logiques du marché, ou dans l’autorisation donnée par M. Pénicaud, au licenciement d’un syndicaliste de SUD Commerce par l’entreprise dans laquelle il était salarié, SFR. Ces événements et ces évolutions s’inscrivent dans la même logique : l’emprise croissante de la loi du marché dans le monde du travail et dans le monde des activités sociales. Qu’est-ce que l’école ? C’est que l’école n’est pas une simple activité économique soumise à la logique libérale de la concurrence. À terme, ne nous trompons pas, l’évolution commence par l’établissement d’une logique de contrat comme celle du « P.P.P. » dans la construction et la rénovation des écoles et se poursuit par la concurrence entre les écoles et par la libéralisation du métier d’enseignant dans la disparition du statut de la fonction publique. De cette manière, l’école se voit reconnaître le rôle de former de futurs consommateurs ou de futurs salariés soumis à leur employeur, alors que son rôle devrait être de former de futurs citoyens et de les préparer à la construction d’une conscience politique et d’une identité culturelle. Soyons lucides : l’entreprise de démantèlement du secteur public est une sorte d’anticipation du démantèlement de la citoyenneté et de l’affaiblissement de la conscience politique. Il y a là une véritable urgence.

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