Quand Marseille célèbre le nouveau garant de moralité du Rassemblement national

Billet de blog
par MalMass
le 23 Juin 2024
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Quand Marseille célèbre le nouveau garant de moralité du Rassemblement national
Quand Marseille célèbre le nouveau garant de moralité du Rassemblement national

Quand Marseille célèbre le nouveau garant de moralité du Rassemblement national

Les errances et hasards de l’histoire viennent une nouvelle fois percuter une exposition des musées de Marseille. En 2020, ils avaient préparé la célébration du tricentenaire de la Grande Peste mais les musées avaient dû fermer leurs portes pour de longs mois à cause d’une autre épidémie, celle de la Covid-19. Depuis le 18 avril 2024 et jusqu’au 1er septembre, le musée d’histoire de Marseille célèbre Beate et Serge Klarsfeld, leurs combats pour la mémoire de la Shoah, leurs dénonciations des anciens nazis qui avaient, comme le chancelier allemand Kiesinger, retrouvé pignon sur rue, et la poursuite de ceux qui, comme Klaus Barbie, avaient tenté de faire oublier leur passé sous une nouvelle identité. Mais la dissolution de l’Assemblée nationale est arrivée entre temps, avec une victoire quasi annoncée pour le Rassemblement national, laissant comme seul suspense la majorité absolue ou la majorité relative. Face à ce que beaucoup vivent comme un danger pour la démocratie et pour les valeurs républicaines, Serge Klarsefeld, interrogé sur son choix en cas de duel entre le Nouveau Front Populaire et le Rassemblement national, a déclaré qu’il voterait sans hésiter pour le parti qui s’inscrit dans l’héritage du Front national de Jean-Marie Le Pen, condamné pour antisémitisme. Voilà donc Marseille en train de célébrer le nouveau garant de moralité du Rassemblement national. Faut-il l’accepter sans rien faire et sans rien dire ?

Pour y répondre, il faut bien sûr tenir compte de la médiatisation de cette posture de légitimation d’un parti qui défend un programme à l’extrême opposé des valeurs défendues par la majorité municipale et de la devise de la République. Il faut aussi se souvenir que l’accoutumance des Klarsfeld avec le Rassemblement national ne remonte pas aux attaques terroristes du 7 octobre 2023. Elle est plus ancienne.  Il faut enfin en comprendre les raisons et pour cela, écouter chaque mot de l’interview de Serge Klarsfeld diffusée par LCI le 16 juin dernier. Ces mots, c’est l’affirmation de l’équivalence entre la défense des Juifs et celle de l’Etat d’Israël ; c’est l’assimilation de la contestation de la politique du gouvernement de l’Etat d’Israël et du sionisme à de l’antisémitisme. C’est donc une volonté d’interdire, par un argument moral spécieux, toute critique d’un Etat qui colonise, qui ghettoïse, qui spolie le peuple palestinien depuis des décennies ; d’un Etat qui refuse aux Palestiniens le droit de disposer eux-aussi d’un Etat sûr, conformément aux résolutions de l’ONU ; d’un Etat qui, parmi ces citoyens, discriminent ceux qui sont arabes et qui, s’il est “démocratique”, pour reprendre un argument souvent avancé par ses défenseurs, l’est davantage à la manière de l’Afrique du Sud d’avant 1991 que des démocraties occidentales pré-populistes.

A vrai dire, on ne peut s’empêcher de se demander s’il n’y aurait pas derrière le rapprochement de Serge Klarsfeld et du Rassemblement national, une forme de convergence à l’encontre des Arabes ou des Musulmans, ou des deux à la fois. Marseille, ville carrefour des peuples méditerranéens, qui aime à rappeler cette diversité, ne devrait pas l’accepter en célébrant sans nuance et sans avertissement Serge Klarsfeld. L’exposition en cours ne devrait pas se poursuivre comme si de rien n’était.

La réalité historique est toujours complexe. Elle n’oppose pas systématiquement le bien et le mal. Les attaques terroristes du 7 octobre doivent être condamnées mais cette condamnation n’efface pas les crimes de guerre d’Israël et les milliers de civils palestinien tués aveuglement parce que leur vie n’est pas considérée comme d’égale dignité à celle d’un Israëlien. Elle ne doit pas conduire à oublier le fait que le sionisme a eu recours au terrorisme dans la Palestine mandataire et que certains des dirigeants historiques d’Israël y participèrent ; pas plus qu’il ne faut oublier, qu’en 2006, le gouvernement d’Israël de l’époque, suivi par les “démocraties occidentales”, piétinèrent les résultats des premières élections législatives palestiniennes, si tôt les résultats connus alors même qu’elles avaient été supervisées et validées par l’ONU, avec l’aide du Canada, de l’Union européenne.

Il serait trop simple de demander la fermeture de l’exposition en cours, à la manière de tous ceux qui lancent des oukazes pour faire disparaître de l’espace public et des musées des réalités qui choquent ou qui dérangent, comme si l’oubli était le meilleur remède aux répétitions de l’histoire. Des happenings dans l’exposition, contre les idées du Rassemblement national ou pour le droit du peuple palestinien à disposer aussi d’un Etat, seraient une meilleure idée car ils feraient écho aux modes d’actions de Beate et Serge Klarsfeld, évoquées dans l’exposition. Le musée pourrait aussi prendre l’initiative en proposant, à la fin de l’exposition, l’affichage d’une sélection d’articles de presse de ces derniers jours questionnant la position politique de Serge Klarsefeld, contrepoint bienvenu pour éviter de croire qu’il serait sans part d’ombre.

 

Supra, photo de Serge Klarsfeld sur des panneaux électoraux de Marseille. Montage de l’auteur. Photo de S. Klarsfeld par Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons – cc-by-sa-3.0, CC BY-SA 3.0. https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=43103147.

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