Métropoles, villes, intercommunalités
OÙ EN EST LA MÉTROPOLE DE MARSEILLE PROVENCE ?
Aux dernières nouvelles, l’établissement public de coopération intercommunale Marseille Provence Métropole a des soucis. Née en 2010, dotée d’une fiscalité propre, ce qui n’est pas le cas de tous les établissements intercommunaux, Marseille Provence Métropole vit son existence même menacée en raison de l’éventualité d’un retrait de la municipalité d’Aix-en-Provence. C’est l’occasion de réfléchir au sens de l’intercommunalité.
Qu’est-ce que l’intercommunalité ?
L’intercommunalité est la reconnaissance institutionnelle de ce que l’on peut appeler le fait métropolitain. Une métropole est une ville qui est un peu plus qu’une ville : il s’agit d’un ensemble de villes qui se regroupent afin d’élaborer et de mettre en œuvre ensemble une politique urbaine qui les concerne toutes et qui, ainsi, fonde ce que l’on peut appeler une identité politique propre. En faisant aller le fait urbain au-delà de la ville et de ses limites, l’intercommunalité reconnaît sur le plan des institutions – c’est-à-dire, finalement, sur le plan des pouvoirs – ce que l’on peut appeler l’interdépendance, à la fois économique, politique, sociale et culturelle, des villes qui, voisines, fondent pleinement, ensemble, ce que l’on peut appeler une agglomération. En France, l’intercommunalité n’a été reconnue sur le plan des institutions, qu’en 1966, avec l’organisation de ce que l’on appelait alors les « communautés urbaines », qui étaient, pour commencer, au nombre de quatre : Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg. Ce n’est que dans la suite que de plus en plus d’agglomérations se sont instituées en établissements intercommunaux, façon de prendre acte sur le plan politique de l’extension des grandes villes au-delà de leurs limites et du regroupement de ce que l’on peut appeler les grandes villes et leurs périphéries, leurs « banlieues ». En instituant l’intercommunalité, la culture politique française changeait, en quelque sorte, d’échelle : en réunissant les grandes villes et leurs banlieues, elle entreprenait de mettre fin à l’émiettement des municipalités en plus de 38 000 communes, ce qui lui faisait se rapprocher des cultures politiques des autres pays.
Marseille Provence Métropole
L’agglomération de Marseille ne faisait donc pas partie des quatre premières communautés urbaines, et elle ne rencontrera le fait intercommunal que tardivement : en effet, elle a été créée par un arrêté préfectoral de 2000 pour se fondre, en 2015, dans la métropole d’Aix-Marseille Provence. On peut s’interroger sur la signification de l’histoire de la métropole et, d’abord, sur les raisons pour lesquelles elle a mis beaucoup de temps à s’instituer, si on la compare aux autres intercommunalités et aux autres métropoles de notre pays. Il s’est agi, sans doute, d’abord, d’une position de rejet politique devant une initiative du gouvernement de G. Pompidou sous le septennat de de Gaulle. À l’exception de Lille, mais l’histoire propre de l’agglomération Lille-Roubaix-Tourcoing explique cette situation, les premières communautés urbaines ainsi instituées étaient dirigées par des municipalités et des intercommunalités plutôt d’une tendance politique proche de celle du gouvernement. Une autre raison, propre, elle, à l’agglomération de Marseille tenait à la personnalité politique de G. Defferre : sans doute n’aurait-il pas pu dominer une métropole comme il dominait la municipalité de Marseille, et cela peut expliquer que la métropole n’ait pu être instituer à l’époque de ses mandats ou à l’époque des mandats de R. Vigouroux, issu de la même culture politique. Enfin, une raison de cette forme de retard dans l’intercommunalité s’inscrit dans le « temps long » dont parle l’historien F. Braudel : il s’agit de l’ancien antagonisme entre Aix et Marseille, antagonisme à la fois politique, économique et social. Au-delà même, il s’agit de l’appartenance de Marseille à la Provence : à la fois parce qu’il s’agit d’un port ouvert sur la mer et parce qu’il s’agit d’une ville fondée par des Grecs, Marseille a toujours été, en quelque sorte, à la limite et c’est une des significations majeures de son antagonisme avec Aix et de la difficulté à instituer l’intercommunalité.
Significations de la métropole marseillaise aujourd’hui
Mais c’est aujourd’hui qu’il faut tenter de donner une signification au fait métropolitain dans le cas de Marseille Provence Métropole, et, à cet égard, le fait qu’Aix manifeste des velléités de la quitter nous permet, justement, de donner quatre significations au fait métropolitain de Marseille, alors que Aix et Marseille ont toujours constitué une identité urbaine commune – pour commencer dans le domaine judiciaire et dans le domaine universitaire. La première signification de la métropole, et, en même temps, du rejet dont elle semble faire l’objet d’Aix, est économique : il s’agit d’instituer un acteur économique fort, en donnant une dimension politique à l’intercommunalité économique, celle des entreprises, des flux d’habitants et des réseaux de transports et de déplacements. Peut-être peut-on comprendre cette difficulté d’existence de la métropole comme un constat d’une forme d’affaiblissement économique du pôle de Marseille. La deuxième signification de cet affaiblissement de la métropole se situe-t-elle dans la forme d’hésitation, encore évoquée par E. Macron (cf. La Provence du 30 janvier dernier) entre la métropole et le département tout entier : il s’agit d’une hésitation sur les limites de la métropole, sur son étendue. Une troisième signification de la mutation du fait métropolitain est proprement politique : sans doute est-il temps, pour Marseille, de changer de culture politique, de changer de discours, d’acteurs et de logiques de pouvoir. Finalement, Gaudin appartient à la culture politique de Defferre et peut-être est-il temps de concevoir une nouvelle culture politique. Enfin, c’est la Méditerranée même qui change, et, avec elle, ce que l’on peut appeler la « méditerranéité » de Marseille et de la métropole. La métropole marseillaise peut représenter un pôle français majeur de cette méditerranéité. C’est cette métropole-là qu’il faut imaginer.
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