Mes châteaux d’If: Thénardiers Marseillais contre Cosette Comoriennne
Mes châteaux d’If: Thénardiers Marseillais contre Cosette Comoriennne
Ces pensionnaires faisaient pressentir des drames accomplis ou en action; non pas de ces drames joués à la lueur des rampes, entre des toiles peintes mais des drames vivants et muets, des drames glacés qui remuaient chaudement le coeur, des drames continus. ( Le père Goriot. Balzac.1835)
Procès de la Rue d’Aubagne. ( suite)
On commence à faire famille dans cette salle d’audience de la caserne du Muy. Ici des amis de l’assemblée de la Plaine, des voisins de Noailles et des gens délogés, des élus de gauche mais pas trop sauf Marie Batoux, et les familles des victimes qui tutoient physiquement les faux assassins de leurs proches. Chacun ici passe un moment, émouvant ou odieux. On apprend devant le jury du juge Gand qui en prend avec les victimes, moins avec les propriétaires empêtrés dans leurs mensonges. Ces mensonges qui explosent comme des bulles fétides dans la salle.
Il ne se passe pas une heure sans qu’on entende des témoignages dignes mais traumatisants des familles, celle d’ Ouloume, de Julien ou d’Emmanuelle, et en alternance on affronte les Thénardiers de l’immobilier, la famille Bonneto, Coëllier ou pire Ardilly. De petits propriétaires parfois trompés sur la marchandise, d’autres qui tentent comme dans du Balzac de remplir la pension Vauquer pour faire tinter les lingots. On oscille entre du Zola, Balzac et on termine avec Beckett, la tête ensevelie dans un monde suicidaire qui ne trouve plus de sens.
Ces vies qu’on déroule, celles des propriétaires qui ne votent pas les travaux et celles des locataires qui souffrent sans chauffage, avec la douche qui coule chez le voisin , avec les excréments dans l’escalier. Tout cela dans la magie des oiseaux de la rue d’Aubagne. Une magie qui opère moins quand Gilbert Ardilly perçoit encore des mois après les allocations de la Caf d’ Ouloume Hassani, morte à l’entrée de l’immeuble après avoir laissé son fils à l’école Chabanon. Et ce cochon de propriétaire qui n’a pas rendu la caution. On se pince quand il répond qu’il ne sait pas, qu’il ne se souvient plus. Il a l’air grinçant d’un Thénardier qui réclame une pension à Jean Valjean pour l’entretien de la famélique Cosette.
En face, le témoignage de Chloé, une professeure des écoles qui a accueilli le fils d’Ouloume. Le gosse a été poussé en SEGPA après avoir connu des colères, une peur de l’abandon indescriptible. On le saurait à moins, quand un matin la mort de votre mère fait la une des journaux et qu’on vous explique que c’est la faute à la pluie. On a huit ans. On se gèle dans un appartement de 25 m2, d’où son grand frère est parti à 4 heures du matin pour travailler le 5 novembre 2018. On est parti des Comores, puis de Mayotte pour s’en sortir et pour trimer à Aix en Provence. Et entendre chaque jour que Dieu fait qu’on prend le pain des Français, qu’on vit des allocs dans la bouche de bons français qui,eux touchent des loyers de taudis tant qu’ils n’ont pas mis leur argent dans des Airbnb.
Elle vous donne envie de dégueuler cette France de petits, de sans grades, de gens ordinaires. C’est ça le pire. Ils nous ressemblent. Comme Sylvie Coëllier, maitre de conférences à l’Université de Provence, ça pose ça, qui ne vote jamais les travaux structurels lors des AG de copro. Alexia, sa locataire est en colère, elle qui fut son élève. Je vous l’ai dit, on est en famille lors de ce procès. Elle raconte son évacuation serrée avec son chat dans la nacelle des pompiers lors d’une première alerte avant que l’expert ne fasse rentrer tout le monde. Elle raconte comment elle a refusé le dédommagement de sa propriétaire, 1000 euros. Mais pourquoi rester là? “On avait 25 ans, pas de plan B” Comme Sophie du 5 étage, étudiante, elles inondent de mails le syndic et les proprio. ” On avait les codes.” Pas le bon pour rentrer dans l’immeuble squatté, vampirisé par la merde et les odeurs. Inondé ça certainement, assez pour se faire tancer par le compagnon d’alors de Sylvie Coeiller qui débarque dans l’appart et les engueule parce qu’ils dorment. Mais comment dorment-ils tous entre les étais de fortune et les parpaings disséminés, eau croupissante et gaité de la rue.
Survivre par un coup de chance. Ce fut le sort d’ Alexia et de Pierre son compagnon, partis dormir place Castellane chez une amie qui loupe son train le dimanche soir. De fait ils ne rentrent pas mourir chez eux. Ils vivront leur châtiment de survivants. Exil dans la ville, grâce à des services municipaux inactifs depuis tellement longtemps qu’ils ne savent plus que se servir eux mêmes. Une gaudinaucratie basée sur le passe droit et une paresse crasse. Pierre s’exprime avec difficulté: ” Perte de confiance, je m’efface, j’ai la colère qui monte les jours d’après. Et pendant le Covid, ne voyant plus personne, je devenais fou” Relogé rue Berlioz, il se fait casser la gueule par des voisins. Rue Beauvau, l’antenne montée à la va vite par la ville, “ce qui m’a rendu fou, c’est qu’il fallait gueuler sur des gens de 40 ans pour obtenir quelques chose.” Et cela tous les jours. Alexia a gardé de ces années là une colère intacte, elle qui cherchait hagard les premières heures Jean Luc Mélenchon pour lui parler. Elle s’atête avec une avocate sans baisser la garde. Mordante comme une rescapée. On a les sauveurs qu’on peut. Mélenchon c’est tout de même mieux que SFR qui lui réclame sa box ou les administrations qui l’humilie, elle qui a tout, je dis bien tout, y compris son chat, perdu dans l’effondrement. Reste pour les survivants à s’effondrer eux mêmes.
La deuxième ville de France est devenue la capitale de l’habitat indigne. Said Hassani.
Mais ils sont là six ans plus tard, droits devant leurs propriétaires, les mettant en cause, apportant avec Maitre Grazzini ou Dalancon les preuves de la crapulerie, on dit en droit, les négligences des propriétaires.
Quand on se rappelle qu’au siècle précédent , il fallait un Marius Apostolo avec ces squatters pour faire accélérer la construction dans la ville. Rien n’a changé. Ni la nouvelle mairie de gauche qui s’affiche avec ses nouvelles écoles mais qui met le paquet sur la vidéo surveillance. Réprimer toujours en apparence, plutôt que prévenir les maux. Faire des SPLAIN, des SOLEAM, changer le nom quand le nom est taché. Quand on lit que Nora Preziosi, présidente de 13 HABITAT, qui loge ses proches au mépris des règles, consacre la dite société à faire de l’huile d’olive, on se frotte les yeux. 13 Habitat s’occupe de logement ou de graisser les rouages d’une mécanique bien huilée. Celle des bonnes places.
Comme en écho de cette catastrophe où les locataires dont les portraits montrent point par point l’humanité et la décence. Il fallait entendre les Hassanis s’exprimer devant les juges avec une politesse extrême, une déférence qui confine à la beauté. Comme des gens venus devant une haute autorité demander justice. Même pas des réparations. Devant tant d’humilité, ils devaient se marrer les élus, responsables et les affairistes. Les propriétaires ricanent surement de cette naïveté. Pas les juges touchés par les seules personnes leur montrant des égards.
Il est vrai que les mensonges et fausses déclarations pleuvaient comme dans la douche des habitants du 65 à la barre. Outre les contradictions burlesques des Bonetto, qui se faisaient payer comptant le loyer de leur gourbi par Julien, la SCI détenue par les Ardilly sort du lot par l’abjection. Apparemment un gros coup que cet achat de trois logements dont deux seront mis en péril tout de même. Trois logements dont on encaisse les loyers sans jamais participer aux réunions de copropriété. Plus simple. Interrogé par le juge, l’ Harpagon, oscille entre l’oubli et un “J’ai pas fait attention.” L’attention du grigou est plus soutenu quand il doit calculer les loyers qui tombent. Chez les fesse-mathieu de Bonetto, après les taudis, on vit du Airbnb. Aucun de ces propriétaires ne souffre d’incontinence financière envers ses locataires. “Je ne me suis jamais opposé aux travaux!” mais Gilbert Ardilly ne paye jamais ses charges. Les juges comprennent qu’il fait jouer les assurances. Comme bon nombre de propriétaires marseillais.
Du coté des services de la ville, leur tour viendra, on lève les périls sans vérification. La confiance règne. D’ailleurs Maitre Cachard n’est il pas propriétaire dans l’immeuble?
Nous sommes mercredi 20 novembre 2024. Le procès reprend…
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Christophe Goby,
Je tiens à vous remercier chaleureusement pour votre billet de blog. Un texte profondément émouvant et éclairant sur le drame de la rue d’Aubagne et le procès en cours. Votre plume, qui mêle avec justesse l’indignation, l’analyse sociale et la compassion, permet de donner une voix à celles et ceux dont les vies ont été brisées par l’effondrement des immeubles.
Avec toute ma gratitude
Se connecter pour écrire un commentaire.