Mes châteaux d’if: Attrapez les tous!

Billet de blog
le 9 Juin 2022
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Mes châteaux d’if: Attrapez les tous!
Mes châteaux d’if: Attrapez les tous!

Mes châteaux d’if: Attrapez les tous!

 

Ce matin, deux livres sont tombés dans ma boite aux lettres. Je sais très bien que c’est mon facteur, par ailleurs syndiqué à Sud Ptt ( quand il est pas en grève!) qui l’a mis dans la boite. Pour le coup, plutôt un ensemble de boites qu’un menuisier aurait pu fabriquer. Un menuisier comme Bertrand Louart.

Pour faire vite, mon facteur a déposé deux choses : Le Super Picsou, auquel nous sommes abonnés à cause de ma fille qui a voulu absolument le MUG, et qui met de la joie dans nos cœurs d’enfants et aujourd’hui  le dernier Bertrand Louart, qui s’appelle Réappropriation. Dis comme ça, Bertrand Louart a peu de chances de gagner les cœurs. Quoique, ça se discute !

On va voir comment…

Sur la couverture du Picsou, on voit ce vieux anatidé milliardaire, avare, comme tous les milliardaires, à ma connaissance, sauf Bernard Arnaud, le grand ami de François Ruffin, tout joyeux essayant d’attraper des dollars avec un filet. Il a carrément une bonne tête ce Picsou. Pour un col vert qui dirige des cols blancs et qui passe son temps à engranger de l’argent dans un grand cube, il le fait à la manière d’ un aventurier qui embarque sa troupe, qu’il ne paye jamais, c’est-à-dire Donald et ses neveux, qui eux se régalent des aventures sans jamais en tirer bénéfice. Sauf le bonheur de transformer sa vie en aventure. Si j’étais orienté, ou déviant, je dirais qu’il ressemble à ces capitaines d’industrie fendant l’écume sauvage avec de merdiques troupes pas fraîches et mal nourries, son menu fretin de prolétariat, toujours endetté, comme Donald, à la façon de notre regretté David Graeber1.

Sur la page de couv’ du Louart, c’est moins funky : Désolé Bertrand, on ne ment pas au lecteur: Si les éditions de la Lenteur faisaient des couv’ en couleur, si vous pensiez un peu aux mômes,et pas comme Momo Brucke, passiez votre temps à écouter Finkielkraut sur France Culture, ça ferait longtemps que la techno-police et la société industrielle seraient en panne sèche et qu’on trouverait des smartphones moisis sur les vides greniers. Alors, bougez-vous à Batz. Donc, sur la couv’ grise en plus, on voit un dessin avec un forgeron à casquette brandissant un marteau et des outils comme un ciseau à bois ou une scie qui sont dispersés dans la couverture. On dirait presque qu’ils volent. Mais ça veut dire quoi ? Attrapez les tous?

 

Stasi Faction.

Dans le premier… 100 % bd, jeux et actu, dans le second, 100 % ringard, n’aiment pas la société industrielle avec tous ces gadgets géniaux comme Apple Frites, ou l’appli pour trouver des chiottes, et détestent l’actu, ça se voit. Mais les gars, soyons francs, si vous n’aimez pas le nucléaire, rien ne vous empêche de vivre dans les bois avec un briquet J’aime la Plaine, by the Saint Michel, (tenez c’est moi qui vous l’offre) et de relire fiévreusement Jean Pierre Andrevon qui nous prédit dés 79 un accident nucléaire qui n’est jamais arrivé,  ou de zoner dans une cabane en rondin avec une bougie faite en Ukraine ( Y en a plus). Si vous kiffez pas google, le roi de l’espionnage volontaire, la stasi cool comme chantait Boney M, rien ne vous empêche de passer par le minitel, (ah! ben non, y en a plus), par le bottin, (ah! ben, y en a plus), de récupérer l’Encyclopédie Universalis en 30 volumes( Il m’en reste une qui cale ma Lincoln dans le garage depuis que j’ai perdu le droit d’exercer à la chambre 129 du Criminal Courts Building, voir Connelly), et de recopier des morceaux à la main avec votre taille crayon fait en chanvre naturel.

C’est comme la bagnole, ça bouge chez Picsou dans « Les 24 heures de Donalville » magnifique récit onirique sur une course automobile où jamais, on ne se sent culpabilisé par l’exploitation du pétrole au Nigeria2 ou en Birmanie. Ça se passe plutôt bien là bas pour Total et personne ne s’en plaint. En règle générale les morts ne se plaignent plus. Parlez en au Ronhynas, s’il en reste.3 ( Y en a plus.)

Ah ça ira ça ira , les aristochats à la lanterne 

Le cadeau dans le Picsou est la cachette de Miss Tick, pas l’artiste canonisée, qui est morte récemment, mais la créature de Carl Barks, cette sorcière avide d’argent, copie canardeuse de Sophia Loren, Chez Bertrand Louart, l’ébéniste de Longo Maï, coopérative ensoleillée où des palefreniers allemands travaillent tandis que des anarchistes français boivent du vin en passant du François Béranger sur Radio Zinzine, même le matin, le cadeau, c’est un manuel de vie.

Ce qui touche chez le menuisier nomade dont je connais les écrits depuis qu’il est tout petit, (Je lisais au berceau l’ Encyclopédie des nuisances en suçant mon pouce et en éructant contre les falsificateurs) c’est qu’il déroule sa vie et son parcours, à grands traits ( ne vous attendez pas à du Voici, on n’apprend rien sur son dernier mariage avec une autonome suisse passée dans la clandestinité) que l ‘essai est truffé de références très familières. Autant vous dire que malgré l’intérêt immense de toutes ses saines lectures, j’ai sauté allégrement les passages. On ne se refait pas dans le sud, fainéant…mais vous trouverez du Michel Bakounine, camarade Vitamine, du Simone Weil, une claque à Lordon en passant, Crondstadt, ( ah, salaud de Trotsky) L’Espagne anarchiste…( salauds de staliniens) et tous les situs d’hier et d’aujourd’hui. La familia grande, quoi ! Sauf Philippe Sollers qui est un faux situationniste mais un vrai jospiniste.

La dépossession expliquée par not’maitre à tous, S .M Guy Debord, les théories du capitalisme de chez Weber ( obligatoire pour Sciences Po, je te préviens si t’as des gosses teubés des mains), tout cela est vu et revu mais Bertrand Louart en artisan précautionneux, veut expliquer étapes après étapes, après cette sinueuse mise au point comment on peut vivre dans ce monde numérisé quasi insupportable où le mensonge est complet. Le frais est un moment du veau comme disait Ernest. Soit dit en passant, l’ homme est bon mais le veau est meilleur ( Brecht)

Aujourd’hui où il faut un smartphone pour commander une glace au concombre, et où courir dans un chemin de travers sans une appli est carrément inconscient, où les relations sociales sont captées par des marchands, où les activités humaines ont dépossédé l’humain, B.L explore et raconte bien des luttes, comme celles du monde agricole. Atelier paysan, ZAD, luttes contre les méchants… Jérome Laronze, descendu par un gendarme en sait quelque chose. L’empire Étatique ne s’est jamais aussi bien étendu que sous le libéralisme qu’il dit combattre.

Les éditions de la Lenteur qui ont publié l’illustre Aurélien Berlan4 en ce début d’année rassemblent quelques auteurs ayant choisi de vivre dans le monde rural par opposition avec les villes titanesques. (Ils ont aussi publié des poèmes de Laurent Cavaillé, ô joie !) Choix respectable mais dont ils tirent l’enseignement que les nouveaux ruraux se sont tranquillement fondus dans le paysage, qu’ils ont abdiqué en se trouvant des niches, en devenant les bio-bio de la montagne. Des accommodements qu’eux rejettent. Trouvant au passage José Bové et les faucheurs volontaires quelques peu tièdes et occultant la vraie dynamique du monde industriel. Laissons Bové avec Cohn Bendit qui passe toutes ses dernières années à dire des conneries plus grosses que celles qu’ils disaient en 68.

Il n’y a ni plus ni moins, de liberté en ville qu’a la campagne, qu’au sommet du Fujiyama avec Naps ou à la Solidarité, avec des fixeurs. On peut, selon ce que notre milieu social a produit de nous, être mieux à Vierzon parce que t’as voulu voir Vierzon5 que dans le Tarn entouré de pesticides. Le grand enfermement de 2020 a montré que partout LA liberté pouvait être anéantie en quelques jours où l’ État l’exige. Et l’État exige tout et en tout lieu, tandis que le Capitalisme de surveillance veut tout le Temps. On est bien parti avec ça. Avec le consentement de la population. Pour son bien. Et avec la gauche, par-dessus le marché.

Ah, méfiez-vous de ceux que qui vous veulent du bien, mes ennemis je m’en charge…mais mes amis. Cruel destin de notre humanité, troupeau docile comme l’a si bien écrit Giono dans le Grand troupeau. ( La Pléiade)
Et Picsou dans tout ça? Je sais plus du coup. Sinon qu’il me paraît si inoffensif aujourd’hui.

Quant à Bertrand Louart, si vous n’avez pas compris, il dit tout bas, de Forca, tout ce que, je dis tout haut, du plateau. Merci Bertrand de te réapproprier les arts et métiers pour, j’imagine, fabriquer de nouveaux sabots pour faire dérailler la machine.

1David Graeber. DETTE, 5000 ans d’histoire. Les liens qui libèrent.

2Xavier Montanya. L’or noir du Nigéria. Agone.

3Pierre Ducrozet, Le grand Vertige. Actes Sud. 2020.

4Terre et liberté, Aurélien Berlan, La Lenteur, 2022.

5https://www.youtube.com/watch?v=BFOJtRFlY-8

Bertrand Louart, Réappropriation, Ed de la lenteur, 2022. 15 euros.

Super Picsou géant. Juin 2022. 5, 95 euros. Unique Heritage Presse.

Commentaires

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  1. mrmiolito mrmiolito

    Eh bien voilà camarade, j’ai retrouvé ta trace. Très bon article, je n’ai pas toutes les références mais ça m’a bien plu.

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