Quand l’écologie rencontre le patrimoine

MASSALIA À LA CORDERIE

Billet de blog
le 18 Juin 2017
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Un rassemblement réunissait, vendredi 16 juin, plus d’une centaine de personnes boulevard de la Corderie pour manifester le refus du projet immobilier « Les Loges », qui prévoit, depuis 2010, la construction d’un immeuble haut de 24 mètres, comportant trois niveaux de parking en sous-sol. Contesté depuis 2010 par des associations de riverains qui souhaitent voir annuler le permis de construire, ce projet est désormais contesté au nom de l’importance de la conservation des vestiges grecs antiques qui se situent à cet endroit. Mais ce chantier et ces vestiges posent, en réalité, plusieurs problèmes qu’il convient d’approfondir.

Lire l’histoire de Marseille dans l’espace de la ville

C’est qu’une ville aussi ancienne que Marseille, sans doute la ville la plus ancienne de France a une longue histoire inscrite dans ses espaces, dans ses constructions, dans ses vestiges. C’est toute une histoire urbaine que l’archéologie nous donne à lire, à Marseille, et des événements comme la découverte d’un nouveau site, grâce à un chantier, donnent à lire de nouveaux chapitres de cette histoire. C’est pourquoi il est si important de les préserver. À la Corderie, selon Loïs Elzière[1], nous sommes devant le site d’une ancienne carrière qui servait à construire des colonnes destinées à des temples ou à d’autres monuments et qui était aussi destinée à fournir des sarcophages. Nous ne sommes donc pas devant un site isolé, mais devant un témoignage de l’histoire ancienne de la ville, à la fois dans ses institutions et dans son quotidien. C’est pourquoi il est important de préserver ces sites et de les donner à voir au public, afin que l’histoire de la ville soit pleinement présente dans la vie contemporaine.

Le déni de la culture par les pouvoirs

Que la Ville ait donné le permis de construire à ce projet immobilier proposé par Vinci manifeste une fois de plus le déni de la culture par les pouvoirs, et même, au-delà, l’opposition entre les pouvoirs institués et la culture qui constitue, depuis toujours, un contre-pouvoir. On peut trouver trois explications à ce déni de la culture par les pouvoirs politiques, à cette opposition entre eux et la médiation culturelle. La première est ce fait que, depuis toujours, la médiation culturelle se fonde sur la distance : la culture est à une certaine distance de la réalité qu’elle représente et à laquelle elle donne du sens, et à une certaine des pouvoirs qu’elle se propose de critiquer, d’analyser, d’interpréter, d’évaluer. La seconde explication est le fait que la culture ne se situe pas dans le temps court des choix et des décisions, mais dans le temps long de l’histoire et de la mémoire. Culture et pouvoirs ne sont pas dans le même temps, et, tandis que le temps des pouvoirs est celui de l’immédiateté de la décision, le temps de la culture est celui de la médiation, du recul, de la réflexion. Enfin, le déni des exigences de la culture par les pouvoirs tient à ce que, fondée sur ce temps long, la culture n’a pas la même légitimité que le politique : en effet, la légitimité des pouvoirs se fonde sur sa reconnaissance par ceux sur qui ils s’exercent, tandis que la légitimité de la culture se fonde sur l’ouverture qu’elle donne sans cesse à de nouvelles significations du monde – en l’occurrence de la ville.

La frénésie immobilière et le déni de la politique d’urbanisme et d’aménagement

Mais nous nous trouvons une fois de plus devant une autre contrainte, devant un autre pouvoir, qui, si l’on n’y prend pas garde, peut devenir tout-puissant dans ville : celui des acteurs du marché de l’immobilier. La frénésie de la construction pour offrir sans cesse de nouveaux produits à vendre, le développement incontrôlé du marché de l’immobilier, la multiplication des projets de construction sans aucun ordre et sans aucune logique, la liberté laissée sans la moindre exigence et sans la moindre contrepartie aux acteurs de l’immobilier, tout cela vient s’opposer à toute politique d’urbanisme et d’aménagement. De ce fait, ce libéralisme du marché de l’immobilier sans aucune contrainte vient s’opposer à toute politique urbaine réellement élaborée, à toute concertation et à tout débat public, à toute écoute des habitants des quartiers concernés. C’est bien pourquoi, à terme, ces politiques immobilières ultralibérales portent en elles les germes des violences urbaines qui surviennent régulièrement dans l’espace des villes comme dans celui des banlieues.

C’est bien pourquoi il faut s’opposer résolument à la mise en œuvre de tels projets immobiliers.

 

 


[1] Marsactu, 17 juin 2017.

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