MARSEILLE SOUS SURVEILLANCE

Billet de blog
le 20 Mai 2023
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Le Département va participer à une expérimentation du RSA sous conditions organisée par le gouvernement. Cette enquête expérimentale va tout de même coûter un million d’euros, le montant d’une subvention accordée pour cela au Département.

Qu’est-ce que le « RSA sous conditions » ?

Le R.S.A. avait été imaginé pour permettre aux personnes sans emploi de disposer d’un revenu non salarial. Il s’agissait, alors, d’une entreprise de solidarité, mais aussi d’une manière pour l’État de faire son travail, c’est-à-dire d’assurer une forme de cohésion sociale fondée sur le souci de préserver le principe de l’égalité, fondateur de la République, et de protéger des incertitudes de la vie, en particulier du chômage, devenu un risque social majeur. Le RSA était, ainsi, un instrument politique de l’État contre les inégalités. L’invention du « RSA sous conditions » est venu casser ce système de solidarité en l’articulant à une politique de surveillance. En effet, le principe de la solidarité a été limité, encadré, par des pratiques de surveillance, qui ne relèvent ni plus ni moins que de pratiques policières. En imaginant le RSA sous conditions, l’exécutif a imaginé ce que l’on peut appeler une police sociale. Par ailleurs, on pourrait, à la rigueur, comprendre que le principe du RSA comporte une part de lutte contre d’éventuels abus, mais, alors, les limites dont il fait l’objet et les conditions qu’il impose devraient, pour le moins, faire l’objet d’un débat public.

L’expérience consentie par le Département

C’est le Département des Bouches-du-Rhône qui a consenti à ce que Marseille soit le terrain d’expérimentation de la mise en œuvre du RSA sous conditions. Il s’agit, ainsi, dès le départ, d’un conflit de pouvoirs. En effet, de deux choses l’une : ou c’est le Département qui prend l’initiative de servir de domaine d’expérimentation, et, alors, c’est l’ensemble des communes du département qui constitue ce terrain, ou c’est Marseille qui est ce domaine d’étude et d’évaluation, et, alors, c’est la municipalité qui prend une décision qui la concerne. Nous nous trouvons, ainsi, devant un problème institutionnel. C’est une illustration de plus des incertitudes liées à l’antagonisme d’orientation politique entre un département de droite, dirigée par les Républicains, et une municipalité de gauche dirigée par une municipalité constituée d’élus d’un ensemble de partis de gauche. On peut comprendre que le Département, d’une orientation semblable à celle de l’exécutif accepte de servir de bras armé du gouvernement, mais pas qu’il impose cette décision à la municipalité de Marseille.

Pourquoi l’expérimentation a-t-elle lieu à Marseille ?

Plusieurs raisons peuvent expliquer le choix de Marseille pour faire l’expérience du contrôle du RSA. D’abord, il s’agit d’une grande ville, d’une métropole. Or, c’est dans les villes que, dans la plupart des cas, demeurent les populations pauvres et précaires qui sont concernées par les dispositifs sociaux comme le RSA (je n’ose pas écrire : qui bénéficient du RSA). Le RSA et la précarité sociale sont, depuis toujours, caractéristiques de la ville et du fait urbain. La pauvreté et les inégalités sociales sont des caractéristiques de la ville, et c’est même pour cela que l’on a imaginé ce que l’on appelle, aujourd’hui, la « politique de la ville ». Par ailleurs, Marseille, la seconde ville de France, est, à elle toute seule, un monde, un univers. C’(est toute une géographie sociale des inégalités qui s’inscrit à Marseille, et, en ce sens, elle est l’espace majeur de dispositifs sociaux comme le RSA. Enfin, mettre en œuvre une police du RSA à Marseille, c’est poursuivre une politique d’encadrement et de surveillance d’une ville qui s’est toujours montrée assez puissante pour tenir tête à l’État national : c’est une manière d’affirmer la puissance des pouvoirs centraux de l’État contre ceux d’une ville.

La contradiction : Marseille est le terrain de l’expérience, mais ne participe pas au groupe de pilotage

C’est bien là que se situe le nœud du problème institutionnel de cette « expérience » du RSA sous conditions. Alors que c’est à Marseille que va avoir lieu cette expérience, la municipalité de la ville ne fait pas partie de l’opération, elle ne se voit reconnaître aucun rôle dans sa mise en œuvre. Le maire a, d’ailleurs, immédiatement, fait part de son opposition aux conditions dans lesquelles l’expérience doit se dérouler. Tout semble se passer comme si l’exécutif voulait exercer sa domination sans contre-pouvoirs, avec l’aide (j’allais dire : la complicité) du Département. La politique sociale a toujours été l’un des domaines les plus significatifs, les plus révélateurs, des orientations d’une politique. Nous y sommes : nous nous trouvons, une fois de plus, devant un gouvernement qui entend exercer un pouvoir sans partage, se donnant, ainsi, quoi qu’il en dise, des allures de dictature. Nous assistions à une nouvelle mise en scène de l’opposition entre le centralisme et la décentralisation. La domination exercée sur la ville par le pouvoir central prend une allure nouvelle : elle porte désormais aussi sur les politiques sociales qui faisaient, justement partie de la culture politique de la gauche marseillaise. 

Marseille, la droite et la surveillance

C’est que Marseille, ville dans laquelle habitent, depuis toujours, des habitantes et des habitants des classes populaires, ville, aussi, ouverte, depuis toujours à l’immigration qui fait partie de son identité depuis sa naissance, a tours eu, en quelque sorte, vis-à-vis de la France un pied dedans et un pied dehors. Cela permet de comprendre pourquoi la droite et les dominants ont toujours placé Marseille sous surveillance. Cela est une des significations de cet autre récit fondateur de la ville : celui de la peste de 1720. Finalement, à Marseille, la surveillance exercée par le pouvoir central a toujours été une des caractéristiques de l’identité de droite des gouvernants, des pouvoirs centraux, dans l’affirmation de leur domination de la ville. Une fois de plus, l’épisode du RSA sous surveillance montre que ce n’est pas seulement le RSA qui est sous surveillance à Marseille, mais la ville toute entière. La droite peut même se définir ainsi à Marseille : il s’agit de l’orientation qui recherche à tout prix la soumission de la ville toute entière et de la politique municipale aux exigences du pouvoir central.

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