Marseille et la question des drogues, des citoyens se mobilisent

Tribune
le 23 Fév 2018
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Ce samedi, le collectif Thémis organise une journée de débat sur les politiques publiques concernant les drogues. Dans cette tribune, il plaide pour considérer l’usage de drogue comme “un fait social total” et pour en tirer les conséquences.

Image d’illustration.

En France, la loi du 31 décembre 1970 « relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite des substances vénéneuses » instaure un régime d’exception interdisant l’usage de toutes substances classées sur la liste des stupéfiants, sous peine d’un an d’emprisonnement et de 3 500 euros d’amende. L’objectif théorique était alors simple : réduire significativement la consommation de drogues en conciliant des objectifs de santé et de sécurité publique.

À l’heure du bilan, l’échec est alarmant ; les jeunes français comptent parmi les plus gros consommateurs de cannabis de l’Union Européenne, l’usage de cocaïne se banalise et les nouvelles substances psychoactives inondent le marché en se jouant des réglementations.

Le nombre d’interpellations pour usage de stupéfiant explose : plus de 170 000 interpellations en 2014, des chiffres multipliés par trois en 20 ans. Selon l’OFDT, 86 % des infractions correspondent à un usage simple, l’immense majorité concernent le cannabis. Ces délits viennent surcharger et focaliser l’activité judiciaire, génèrant une surcharge de travail pour les forces de l’ordre.

Pour la justice, le constat est sans appel : en 20 ans, les condamnations pour usage de stupéfiants ont été multipliées par quatre, engorgeant toujours plus les prisons, et favorisant une “radicalisation délinquante” qui va en s’amplifiant sur des territoires où l’Etat s’illustre par son absence. Une véritable “schizophrénie juridique” qui représente encore aujourd’hui un obstacle d’envergure à la mise en place d’une véritable politique de prévention. Le budget qui est consacré aux politiques publiques des drogues s’élève actuellement à 1,48 milliard d’euros, 75 % sont alloués à la répression, en d’autres termes à la lutte contre les trafics et les usagers de substances illicites.

Lucide face aux faits qui s’imposent, mais démunis quant aux solutions à mettre en place ; la ville de Marseille se singularise par les emballements médiatiques liés à des règlements de comptes réguliers qui viennent entacher l’image de la ville et stigmatiser ses habitants. Marseille compte ses morts, décédés aux cours de règlements de compte liés aux trafics, on attend ici une année noire avec déjà cinq morts pour le seul mois de janvier 2018.

Le marché du trafic de stupéfiant rapporte énormément à ceux qui en tirent les ficelles, très peu aux petites mains des “cités” qui ont plus de chance de recevoir une volée de plomb plutôt que d’espérer une retraite confortable. Le trafic pèse de façon excessive sur les territoires vulnérables qui pâtissent de la violence générée par ce dernier. Les citoyens qui y résident sont affectés directement  : leur qualité de vie est détériorée par la brutalité des règlements de comptes ainsi que par la normalisation abjecte de ces incidents.

La situation n’est plus tenable, ni tolérable, tant pour des raisons légales que sociales. Le bilan de décennies de politiques aussi coûteuses qu’inefficaces, doit être assumé par l’Etat, mais aussi par la ville de Marseille.

Le collectif THEMIS n’apporte pas de solution clé en main à ces multiples problèmes, mais propose une initiative citoyenne organisée et volontaire afin de travailler ensemble à leurs résolutions. La nécessité de développer localement et nationalement une démocratie véritablement participative, ainsi que l’urgence d’une remise en question de ce sujet, ont été les principaux facteurs pour lesquels le Collectif s’est engagé à développer ces outils participatifs. Ces derniers permettent de multiplier les expertises citoyennes locales, puis de les consolider au sein d’un processus intelligible et transparent au niveau national.

Dans l’objectif de permettre un ancrage réel et légitime du processus, THEMIS a mis en place des comités locaux visant à fédérer un public large et des profils d’horizons divers sont mobilisés sur tout le territoire, aussi bien dans les grandes métropoles, que dans les régions dites “périphériques”. Des cycles de conférences et d’ateliers participatifs, ainsi que des débats sur une plateforme de démocratie en ligne, permettront de servir de socle à la rédaction d’une synthèse finale encadrée par un Conseil Scientifique universitaire. Cette dernière sera présentée aux présidents du Parlement et des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat à l’horizon début 2019.

L’objectif principal est également de pousser à l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur les actions entreprises par les services de l’Etat en charge de combattre le trafic de stupéfiants.

Une réelle dynamique participative « du bas vers le haut » est promue par THEMIS, contrairement au mode de fonctionnement des actions publiques qui témoignent trop souvent d’une méconnaissance des réalités locales. Ainsi, les citoyens des territoires affectés par les conséquences négatives des politiques nationales actuelles sont en mesure de développer, ensemble, des idées comme alternatives à leur inefficacité. Ce processus s’appuie sur des pratiques de lobbying éprouvées permettant d’être entendu clairement auprès des décideurs institutionnels.

Plus que jamais, l’usage de drogue est un fait social total, se situant au carrefour de l’éducation, de l’intégration, du logement social, de l’efficacité gouvernementale, de la sécurité, du vivre-ensemble, de l’économie et de la santé publique. Elle concerne l’ensemble de la société française. C’est pourquoi, le Collectif THEMIS souhaite permettre au plus grand nombre de découvrir les réalités de nos politiques publiques en matière de drogues et de participer à cette réflexion depuis leur expérience afin d’aboutir à des solutions concrètes.

Vous étiez 84 % en 2016 à considérer l’actuelle législation comme inefficace, rejoignez nous le 24 Février à la Cité des associations pour avancer concrètement dans la recherche de solutions.

Présentation de Themis: “Le collectif citoyen THEMIS, co-créé par les associations ECHO, Libera France et Crim’HALT est une initiative trans-partisane et indépendante de tout intérêts privés, qui vise à recueillir des idées novatrices permettant une réforme des politiques publiques en matière de drogues en France. THEMIS apporte un équilibre à sa synthèse grâce aux apport de personnalités dont l’expertise est reconnue sur le sujet. Themis propose également l’intégration d’une expertise citoyenne, inclusive et transversale. L’action du collectif se base sur la maturité actuelle de la société française, qui se montre aujourd’hui mûre pour débattre de manière sereine autour de ce sujet controversé.

Commentaires

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  1. corsaire vert corsaire vert

    Excellente initiative , mais bon courage pour motiver les élus et les pouvoirs publics !

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