Marche Blanche à Marseille: la mémoire de Soucayna et le déshonneur des Marseillais.

Billet de blog
le 21 Oct 2023
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Marche Blanche à Marseille: la mémoire de Soucayna et le déshonneur des Marseillais.
Marche Blanche à Marseille: la mémoire de Soucayna et le déshonneur des Marseillais.

Marche Blanche à Marseille: la mémoire de Soucayna et le déshonneur des Marseillais.

Ce samedi 21 octobre 2023 devait réparer la deuxième injustice faite à Soucayna: l‘indifférence. Les faits sont connus, Soucayna est morte alors qu’elle étudiait dans sa chambre. Une balle de 7,62 tirée par un commando de narco-trafiquants pour impressionner le camp adverse, a achevé sa course dans la tête de l’étudiante après avoir traversé le mur de son immeuble, situé dans le 10° arrondissement de la ville.

Le premier article, déjà publié dans la Provence titre : « Marseille : la marche blanche pour Soucayna, tuée par une balle perdue, mobilise plusieurs centaines de personnes ». Comme souvent, la titraille révèle ce qu’elle tente d’occulter. Non ! Il n’y avait pas « plusieurs centaines de personnes » présentes lors de cette marche. Les chiffres sont importants car ils attestent de la bonne ou mauvaise santé d’un climat social et aujourd’hui, il y a de quoi avoir honte d’être Marseillais. Tout comme le 18 juin dernier, l’appel des associations des quartiers de Marseille n’avait aboutit qu’à une très faible mobilisation ; la marche blanche de ce samedi n’a réuni au mieux que 200 personnes. A quelques exceptions prés la famille, les amis, les voisins. 

Que diable nous arrive-t-il pour que dans une agglomération d’un million d’habitants, vantée pour son sens de la communauté et de son vivre ensemble, personne ou presque ne s’émeuve qu’une de ses enfants soit emportée par la rage, la haine et l’absurde ? Ne nous y trompons pas, nous ne sommes pas résilients. Nous sommes indifférents ! Comment est-il possible d’être sourds aux sanglots des familles, des amis, des minots de nos quartiers ? Venez les écouter, c’est un arrache coeur. S’il est légitime de demander la protection de l’État et des collectivités locales, il faut aussi que chacun fasse sa part. En fin de compte, il nous est demandé bien peu pour montrer notre peine, notre solidarité et notre désarroi. On nous demande d’être là, une heure durant, un samedi après-midi ensoleillé du mois d’octobre. Est-ce si difficile ? 

J’entends d’ici la petite musique de la rationalisation rampante : « Mais que veux-tu que je fasse, ce n’est pas moi qui vais arrêter les fusillades à Marseille ? ».

Puisque l’exercice d’un billet de blog n’est pas soumis à une contrainte d’écriture particulière, permettez-moi de dire ce que j’aurais aimé que nous fassions pour honorer la mémoire de Soucayna et des autres enfants tombés sous les balles de cette ville.

J’aurais aimé que de la préfecture au Centre Bourse, la rue Saint Ferréol se fige, se taise une minute au passage du maigre cortège.   

J’aurais voulu voir la police porter le deuil.

J’aurais aimé entendre les terrasses de La Plaine, se répondre d’une rive à l’autre au moyen de chants funèbres dans toutes les langues.

J’aurais voulu voir le stade avec une banderole déployée à la mémoire de Soucayna. Un peu comme celle que les MTP agitaient dans les virages nord juste après le 5 novembre 2018.

J’aurais aimé que les sirènes d’alerte de la ville fassent entendre que notre souffle n’est pas éteint.

J’aurais voulu voir une communauté.

J’aurais voulu surtout m’arracher les dents pour ne pas que mon coeur explose.

Il me vient à l’esprit les mots d’ Henri de Montherlant qui suite à la conférence de Munich en 1938 avait fait cette déclaration assassine : «  La France est rendue à la belote et à Tino Rossi ». 

Devant l’indifférence dont nous avons fait preuve aujourd’hui envers Soucayna et sa famille, j’ai aussi envie d’écrire que : « Marseille est rendue à l’OM et à Jul ».

Guillaume Origoni. 

Commentaires

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  1. Electeur du 4-5 Electeur du 4-5

    Bonjour Guillaume

    Je suis profondément touché par ce billet.
    Je n’aurais pas eu ces mots que pourtant je partage entièrement.

    Manifester, ce n’est pas mon mode d’expression naturel, il est exceptionnel que je défile.
    En caricaturant, je dirais que j’ai croisé tellement de manifs qui me paraissaient grégaires et trop peu sincères et imprégnées pour chacun des participants.
    J’ai la protestation sélective, pas sur les sujets de manif, mais plutôt par conviction que pour être entendu, et surtout écouté, il ne faut pas crier à tout bout de champ.

    Ce drame en revanche me désespère et en effet l’absence de sursaut populaire (au sens de partagé) me révolte.
    Rétrospectivement, votre billet me fait sentir coupable de ne pas avoir su ou été là le jour de cette marche. J’y serais allé, cette fois. Je ne me cherche aucune excuse, je n’y étais pas.
    J’aurais ajouté mon silence ulcéré et profondément navré de voir non seulement qu’un tel drame puisse arriver, et pire, que ça ne révolte pas plus que ça.

    Oui, « Marseille est rendue à l’OM et à Jul ».

    C’est pas nouveau, c’est même ancien, ça date d’avant Jul.
    Panem et circenses…

    Mais personnellement je constate année après année la chute inexorable, la perte de conscience individuelle et collective.

    Je déplore depuis des années que du bas en haut et et de haut en bas, Marseille soit la capitale mondiale du n’importe quoi, que TOUT LE MONDE ou presque soit à ce point capable de supporter, tolérer, vivre avec, et pire composer avec le n’importe quoi.

    ce trottoir défoncé où nombre de personnes âgées se sont foulé une cheville ou cassé la figure ? waaahhh, ça passe.
    non.
    pas toujours, Mmes et MM des meilleurs ennemis duettistes, Ville et Métropole, passives, complices dans le n’importe quoi et coupables.

    Stationnement pas payé, ok. Usuel.
    Gênant ? Oahhh, çàa passe.
    Dangereux ? ‘culé, va n**er ta mère, etc.

    qu’un écolier doive descendre du trottoir et marcher sur une chaussée par gros trafic…. ne se remarque meme plus.
    Et ainsi de suite.

    Ca décanille dans les points de deal ?
    qu’ils se débrouillent entre eux.
    tant que c’est pas ici.

    sauf qu’un jour voila. Cà fait des taches, ça tue d’autres que les dealers. Et (quasiment) pas de réponse allant plus loin que “hé bé, si on dépénalise, y a plus de trafic”. Même si j’y croyais –non– ça n’explique pas la capacité globale à encaisser l’inacceptable, comme le couvre-feu permanent, évoqué dans le dernier article justement de cette série sur les trafics, et subi par les habitants de nombreux quartiers, chauds et moins chauds.

    Cette ville me désole souvent. Pardon, pas cette ville : ses habitants. Ou alors elle est fantôme et habitée par des êtres sans conscience.

    Elever des enfants, c’est un sacré défi. Le faire dans cette ville où naguère (allez, disons il y a encore 20 ans ?) toutes les communautés, ethnies, catégories sociales respectaient au moins, au moins, les enfants, c’est devenu extrêmement difficile.

    La générosité des marseillais ? le melting pot miraculeux ? la bienveillance pour les minots ?
    Cà n’existe plus.
    Ca part de petits riens, d’incivilités, d’égoïsmes, etc. Les abords des écoles (et même dedans) impraticables, une voirie dont l”entretien et des transports en commun dont l’accessibilité sont une HONTE.

    Ca part de très loin et ça gangrène doucement.

    Et au bout du compte, une marche ou seuls les très proches expriment leur refus de l’inacceptable.

    C’est terrible de prendre un moment pour rédiger quelques mots en réponse a ce billet que je soutiens entièrement. D’être fatalement lu et classé comme ringard, passéiste, c’était-mieux-avant et autre.

    Pourtant, c’est d’avenir que je parle :
    celui que je ne souhaite pas à mes enfants et celui au contraire qui serait possible si chacun faisait un peu, un petit peu pour dépasser les égoismes.

    Quel discours noir je tiens ici.
    Je cherche toujours un élément positif, idéalement un peu d’optimisme après un discours sombre.

    Ce billet est une petite lueur d’espoir.
    Il a de quoi nous coller la honte, mais un seul mot : merci.

    merci pour Soucayna et ses proches, merci pour celles et ceux qui essaient de redresser la tête.

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    • guillaume-origoni guillaume-origoni

      Bonjour et merci pour votre commentaire. Comprenez bien que le but de ce billet de blog n’était pas de donner des leçons à qui que ce soit. De la même façon, il ne vise pas non plus à provoque une mauvaise conscience aux absents.
      Plus simplement, au milieu de ce marasme il faut que nous soyons encore capables de fixer des limites. Là, elles sont dépassées au delà de l’acceptable. Bien à vous.

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  2. Kapucyn Kaldana Kapucyn Kaldana

    Bonjour Guillaume,

    Votre billet m’est allé droit au coeur.

    Je ne suis ni de la famille ni des amis de Socayna, et pourtant, moi qui ne manifeste jamais ou presque, j’étais là. Et comme les autres, j’ai pleuré cette belle jeune femme dont la vie était pleine de promesses. J’étais là, oui, vêtue de blanc, je me devais d’être là.

    Parce que je suis une maman (ma fille n’a que 5 ans de plus que Socayna), une mamie, qui s’inquiète pour l’avenir de notre jeunesse. Parce que je suis une citoyenne de cette ville que je vois avec effroi devenir de plus en plus dangereuse au fil des mois et des années. Cela me terrifie, pour ma propre sécurité, mais avant tout pour celle de nos enfants.

    Il y a à peine deux ou trois décennies de cela, il faisait bon vivre dans cette ville, partout et avec tout le monde. Et puis on a commencé à entendre “ne va pas dans certains quartiers sensibles”. Ensuite, “ne traine pas au Vieux-Port à partir d’une certaine heure, ni dans les transports”. Puis “si tu es une femme seule, non accompagnée, ne sort pas de chez toi à partir de 22h00”. Et on en arrive à quoi ? “Ne reste pas dans une pièce de ton logement qui donne sur la rue, sinon tu risques de te prendre une balle” ??? Je suis effarée. Il n’y a même pas de mots assez forts pour exprimer mon dégoût devant une telle horreur.

    Combien faudra-t-il de Socayna avant que les pouvoirs publics réagissent ? Jusqu’où devra-t-on basculer dans l’horreur avant que ça bouge réellement ? A qui faut-il en appeler pour que la peur change de camp ?

    Juste avant le départ de la marche, j’ai été abordée par un homme de passage qui m’a demandé la raison de cette manifestation. On a échangé quelques mots et il a conclu par ces mots : “J’ai l’impression que nous sommes en Colombie, pas en France”. No comment.

    J’aurais voulu qu’on soit des centaines, des milliers, pour cette marche blanche. Je rêve même que tous les habitants de cette ville qui souhaitent qu’elle redevienne un endroit où chacun peut vivre en sécurité descendent dans la rue et marchent de concert pour mettre fin à tous ce qui nous empêche, nous, citoyens normaux, de mener une vie normale. Mais j’ai bien peur que ce rêve soit utopique et irréalisable, parce que l’intérêt des uns, la passivité des autres, la peur, l’indifférence, le fatalisme, passeront toujours au premier plan pour beaucoup… y compris pour moi, car je suis loin d’être un exemple : en règle générale, je ne vais pas dans les manifs, parce que j’ai peur, précisément.

    Mais cette fois-ci, j’avais noté la date dans mon agenda et je n’aurais pas osé me regarder en face si j’étais restée chez moi en pantoufles devant mon écran, chose que j’aurais pu faire aisément. Alors, je me suis bougé le c… et je suis allée affronter le mistral.

    Pour toi, Socayna. Repose en paix.

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    • guillaume-origoni guillaume-origoni

      Bonjour,

      Merci pour votre commentaire. Vous avez raison : du nord au sud et de l’est à l’ouest de cette ville, ; nos enfants (et nous aussi) avons droit à une vie normale.

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  3. Alceste. Alceste.

    L’insouciance de la jeunesse est morte avec cette jeune femme.Balzac disait que l’insouciance est l’art de se balancer dans la vie comme sur une escarpolette, sans s’inquiéter du moment où la corde cassera.Que risquait Socayna,rien sinon de réussir sa vie.
    Et là, la corde fut cassée par une balle perdue,tirée par des narco trafiquants,un veritable assassinat.La vérité de ces deux textes dans leurs sincérités est magnifique, émouvante touchante et ont finalement une chose en commun, une question : comment en sommes nous arrivés là ? Tout ce qui faisait Marseille est mort.Ce Marseille convivial d’il y a une vingtaine d’année, ” où il faisait bon vivre” comme le rappelle Kapucyn n’existe plus .Éradiqué par la volonté de politiques dont les caractéristiques sont la lâcheté, la faiblesse,les intérêts personnels, la médiocrité, la corruption l’égoïsme goïsmes voilà les traitements qui sont asséné à cette ville au profit des voyous et des magouilleurs de toutes pièces. Tout cela est sordide.
    Vivre dans le passé est terrible, mais face à une ville sans futur , que nous reste t’il ?

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