Lettre ouverte à la politique de la Ville
Vue depuis la cité des Flamants. (Image LC)
« Petites associations », voilà le nom donné aux acteurs associatifs des quartiers ! Une qualification lourde de sens et aux nombreuses conséquences désastreuses
Pandémie, urgence sociale, misère dans nos quartiers ! Nos associations œuvrent au quotidien pour les plus démunis, nous travaillons toute l’année pour venir en aide à nos familles, nos voisins, nos amis. C’est tout naturellement que nous nous sommes mobilisés pour soutenir les plus précaires d’entre nous en cette période. La crise sanitaire est aussi un révélateur du sort réservé à nos associations : relégation et mépris de cette force efficace dans les quartiers.
À Marseille, la politique de la ville, c’est un problème, les techniciens de la politique de la ville sont un problème. Nos associations dites « petites » sont des associations de proximité. Elles sont au cœur des quartiers, elles en sont même le cœur. C’est à nous que les habitants viennent se confier. Oui, nous sommes solidaires, mais nous ne sommes pas vos « tirailleurs Sénégalais », ceux que vous balancez au front et que vous reléguez déjà alors que la crise n’est même pas terminée. Oui, nous sommes solidaires et en colère !
Solidaires et en colère, parce que nos initiatives de solidarités nous sont confisquées. Nous avons tout naturellement lancé la machine de la solidarité, avec les moyens du bord et dans l’urgence. Les trois premières semaines, nous étions seuls présents. Mais aujourd’hui, sortis de leur sommeil et en télétravail, ces techniciens de la politique de la ville téléphonent, non pas pour aider, soutenir, renforcer l’action en direction des plus défavorisés d’entre nous… Ils viennent, comme d’habitude, pour récupérer les besoins que nous avons identifiés dès les premières heures, et nous ignorent, nous méprisent, pour eux nous sommes inexpérimentés. Ils font appel à de « grosses associations », pour nous ce sont des entreprises et leur demandent de reprendre la main.
C’est l’histoire de la cigale et de la fourmi. Toute l’année, la cigale de la politique de la ville chante le mépris : « c’est pas de notre compétence d’organiser l’aide pour les quartiers, c’est pas de notre compétence la fracture numérique, c’est pas de notre compétence la sécurité des jeunes… » et la phrase magique : « c’est pas de notre compétence, c’est le droit commun ». Voilà ce que nous avons entendu les premiers jours du confinement. Donc, comme d’habitude, nous nous sommes organisés. Aujourd’hui, toutes les institutions mettent en place une aide d’urgence et que fait la politique de la ville, elle, l’experte des quartiers pauvres ? Elle répond par sa discrimination habituelle et nous écarte au motif de notre incompétence.
Alors que nous, l’armée des petites fourmis associatives, toute l’année, nous organisons la récolte. Mais « ce n’est pas de notre compétence » nous chante la cigale, loin derrière son téléphone.
Mesdames et messieurs les politiques, la politique de la ville doit changer, se renouveler, bouger et sortir de son enfermement administratif et de contrôle. Elle doit se remettre en question et avoir confiance dans les structures associatives des quartiers. Elle doit arrêter de se cacher derrière ces phrases sans cesse rabâchées, « c’est pas de notre compétence, et vous, vous n’êtes pas compétents ». Mesdames et messieurs les politiques, arrêtez de déléguer les actions de la politique de la ville à ces grosses structures, ces entreprises du social. Elles n’ont pas le lien que nous avons dans nos quartiers, elles coûtent cher en fonctionnement et il en résulte à l’arrivée une peau de chagrin pour les habitants. Ça, nous le disons de Marseille, mais nous savons que toutes les petites associations des quartiers sont soumises à cette même réalité.
Aujourd’hui, ceux qui sont au front depuis le début sont relégués en arrière plan. On met sous les feux des projecteurs ces grandes associations et des services pour la photo. Nous, les misérables, nous ne devons pas être vus. Nous ne sommes ni des incompétents ni des bêtes à laisser aller seules au front. Nous sommes la solidarité incarnée de nos quartiers. Et justement, notre place doit être au centre de la politique de la ville et pas à côté, notre place, c’est de co-construire la politique de la ville, et non pas de la subir. Certains n’ont pas souhaité signer ce texte mais n’en pensent pas moins… Vous nous devez le respect et nous donner les moyens pour que cette véritable solidarité vive.
Premières associations des quartiers Nord signataires :
AGC Bourrelys/Kaliste (15e) – ALEMB (14e) – APE Busserine (14e) – Avec Nous (13e-14e) – Créativité de femme de la Bricarde (15e) – Dyhia (15e) – Femmes des Quartiers Populaires (14e) – Femmes du Plan d’Aou (15e) – Handicap Sourire (13e) – Jeunes renaissance (14e) – La maison dans le coeur (15e) – Main dans la main (14e) – Progressons ensemble (14e)
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