L’entretien : Nicole Ferroni

Idées de sortie
le 21 Jan 2022
0

[REPORTÉ] Elle est Piquantes sur Téva, fan de LCP et des débats de l’Assemblée nationale, elle parle commission paritaire conclusive dans ses live bimensuels sur Instagram, converse beaucoup avec sa chienne Monique… Mais c’est la Nicole Ferroni poète qui vient à nous avec Aller vers, une tournée des bars marseillais où l’on mélange verres et vers. Un atypique « hors les murs » du Théâtre du Gymnase, actuellement en travaux, qui s’annonce plus que mémorable ! Pour l’occasion, entretien fleuve en deux parties.   

L’entretien : Nicole Ferroni
L’entretien : Nicole Ferroni

L’entretien : Nicole Ferroni

Pour ce projet, qui est allé vers qui ?

C’est le Gymnase qui est venu vers moi. Le plus drôle, c’est que j’ai failli ne pas le faire. J’ai reçu un message sur mon téléphone et à l’écoute, j’entendais : « Allô, Madame Ferroni, c’est Réponse ». Je me suis dit : « Réponse, Réponse, c’est quoi encore ce truc de démarchage ? » Heureusement qu’un ami qui travaille dans le milieu culturel m’a éclairée : « C’est pas plutôt Hervé Pons (Conseiller artistique et directeur de production pour les Théâtres) ? » Et j’ai rappelé.
Il faut savoir que quand Dominique Bluzet te propose un projet, il y a une étape incontournable à passer qui est « Aller vers sa propre parole »… Il faut quarante-cinq bonnes minutes avant de savoir pourquoi on est invité dans son bureau.
Moi qui ai la réputation d’être bavarde, je me suis retrouvée face à plus fort que moi !

 

Tu es allée vers quelle direction pour construire ce spectacle ? 

Le projet global Aller vers n’est pas le mien, mais celui du Gymnase. C’est une programmation « hors les murs » des Théâtres, imaginée par Dominique Bluzet avec l’aide du Département pour « aller vers » tous les publics. Muriel Mayette l’a déjà fait au mois de novembre. Dominique avait mis comme cahier des charges commun que ce soit des textes en vers et plutôt en lien avec Marseille, afin qu’on capte l’humeur du quartier et les ambiances. Les bars où je vais jouer sont pour la plupart proches du Gymnase, sauf le Terminus à Saint-Barnabé et celui du Corbusier. 

Ils m’avaient quand même suggéré d’écrire, aussi, des textes de mon cru. J’ai plutôt l’habitude de rédiger des chroniques donc de la prose pure, rarement en vers (Grand éclat de rire). Donc j’ai trouvé que c’était une contrainte intéressante et que ça serait sympa pour créer de nouvelles choses de m’imprégner soit du contexte du lieu, soit de l’époque. 

J’ai donc plongé dans l’univers des vers. Ce sera un spectacle un peu composite ; il y aura mes textes mais aussi ceux d’auteurs marseillais ou ayant un lien avec Marseille. Cependant toujours avec l’idée que, dans la mesure du possible, cela puisse être interactif, ou en tout cas mobile, avec des textes un peu à la carte en fonction du moment présent et des consommateurs de verres à qui adresser les vers. C’est un peu un apéro, quoi ! On peut picorer dans tout ce qu’on propose.  

 

Tu es allée vers quels types de vers ? 

D’abord, il y a eu les repérages et le choix des bars avec l’équipe. J’ai eu besoin d’avoir leur configuration spatiale et penser : « Tiens, là, c’est bien parce que je peux voir tout le monde dans la salle. » Et puis choisir le bon horaire, histoire de ne pas arriver pendant le rush, de me retrouver sur le passage du serveur et que tout le monde commence à s’engrainer parce qu’ils ont peur d’arriver en retard au boulot. 

Ensuite, j’ai écrit en fonction des ambiances ou des historiques des bars, ce qui m’a inspiré des thématiques puis le choix d’autres textes existants.  

« Je trouve ça fort de dire qu’en fait, n’importe quel lieu peut être artistique du moment où on y pratique de l’art. Dire de la poésie dans un bar, ça le rend culturel. C’est bien de le rappeler et de le mettre en pratique. »

Tu penses qu’ils sont allés vers toi à cause de ton frère Guillaume (le rhum Maison Ferroni) ? 

C’est ça ! (rire)

Non, j’ai pas l’impression, mais franchement, quand j’ai fait mes repérages, il y a des bars où je me suis dit « Tiens, là, on pourrait faire des partenariats ! » Et d’autres, des bonnes maisons où ils avaient effectivement le rhum de mon frère dans leur carte.
Si mon frère avait vendu des chips, on aurait pu le prendre comme sponsor, mais faire la promotion de l’alcool… je crois que ça se fait pas. (sourire)

 

Que représente pour toi cette expression, « Aller vers » ? Qu’est-ce que ça signifie d’aller chercher le public ? 

Ça représente une inversion du chemin habituel qui se fait entre artistes et public. L’idée que ce soit l’artiste qui aille au public, cela permet d’abord à l’artiste de descendre de scène et donc aussi un peu de son piédestal. Il faut savoir que je risque quand même de me retrouver dans des situations un peu sportives… On ne sait pas ce qui va ce qui va se passer dans les bars. Pour peu que je me prenne un noyau d’olive… Peut-être qu’il va y avoir des gens bourrés à 8h du matin au Café de la Banque… On sait pas ! 

Ce que je trouve bien, c’est que ça va peut-être permettre de remettre un peu de réalité dans l’artistique et de l’artistique dans nos réalités.  

Même si, au départ, c’est une réponse à la contrainte du Gymnase qui ne peut plus recevoir de public, dans une période où, du fait du covid et des mesures sanitaires, il y a eu beaucoup de fermetures longues de lieux culturels, je trouve qu’« aller vers », c’est aussi contourner les embûches qu’artistes, structures et festivals ont connues. Et cela replace au centre cette question primordiale : « Si les salles ferment, on va où ? »
Je trouve ça fort de dire qu’en fait n’importe quel lieu peut être artistique du moment où on y pratique de l’art. Dire de la poésie dans un bar, ça le rend culturel. C’est bien de le rappeler et de le mettre en pratique. 

 

Cela nous ramène à une espèce d’agora où sujets d’actualité et politiques se débattent au comptoir…

Oui. Et ça ramène aussi à un côté populaire.

Moi, à la base, je suis une enfant de la mixité et des Maisons de la Jeunesse et de la Culture, qui m’ont mis clairement le pied à l’étrier pour qu’ensuite j’en fasse mon métier. On oublie que la culture est une chose de proximité. Les tournées amènent des textes, des appuis, du divertissement, de l’émerveillement, de façon très proche. Il y a encore beaucoup de gens pour qui franchir la porte d’un théâtre est inconcevable ; ce n’est, en tout cas, pas dans leurs possibilités du quotidien

C’est une réponse comme une autre au constat de fracture sociale que l’on peut constater. La porte d’un théâtre pouvant être, déjà, une fracture sociale. Alors qu’un bar, il n’y a pas tellement de barrières pour y entrer (rire). Celles qui étaient relatives au fait d’être une femme dans un bar ont quasi disparu. 

Des publics qui normalement ne se rencontrent pas vont se croiser. C’est bien, ça va permettre de fédérer !

 

À part Marseille, vers où t’es-tu aventurée dans tes textes ?  

En fonction du contexte, je me suis donné cinq thèmes : Marseillaise (femme de Marseille), Amour avec un grand M, Peuchère (malheur de Marseille), Clichés de Marseille et Re-belle.

En ce qui concerne l’amour, c’est vrai qu’il y a beaucoup de textes qui vont vers des fins pas forcément heureuses… Je ne parle pas que de mes écrits.

Parmi les auteurs marseillais que j’ai choisis, il y en a qui vont vers des trucs mignons et de la séduction, puis vient le chagrin. Il y a un peu de tout, de l’amour naissant, de l’amour qui finit, des pleurs…
C’est comme pour l’apéro, il y aura à manger et à boire… et à pleurer.  

Un de mes titres est Malheureuse est la pachole qui a pour mari un Pacha.

 

Propos recueillis par Marie Anezin

 

Le don juan du ferry boat

Il est à Marseille une navette bien connue,

qui nommée « Ferry boat » traverse le Vieux-Port

Sur une largeur de 283 mètres tout au plus,

chaque jour que Dieu fait, elle relie le Sud au Nord.

Et l’on dit d’elle que…

… c’est la liaison maritime la plus petite au monde,

et que, si sa vue est belle, son rythme lui est immonde,

car toutes les dix minutes, elle va d’une rive à l’autre

et se répète et répète comme une vieille qui radote.

Bref, coincé comme un trait d’union entre deux mots

condamné à ne jamais voguer bien loin

ne croisant ni les vagues, ni la houle, ni les flots

ce bateau ne donnait guère l’envie d’être marin.

« Car ce n’est pas être marin que de ne jamais voir la mer,

autrement que par ce port dont il ne sort jamais ! »

Voilà ce que pensait l’ensemble des passagers

qui sur le Ferry boat venaient à voyager,

du sort bien triste de son capitaine…

ou plutôt de son chauffeur, ou conducteur à peine

qui, piégé dans ce ping-pong d’aller-retours

était condamné à zig et zaguer tous les jours.

« ô Triste vie qu’il a, à ne jamais voyager.

Sa vie doit être si morne qu’il doit songer à se noyer

ou se jeter par-dessus bord et par des gobis dévoré,

être enfin libéré du sort d’être au Vieux-Port prisonnier »

Mais en réalité…

…ce que les gens, de notre capitaine, ignorent,

c’est que ce court voyage lui permettait deux vies

car si beaucoup de marins ont une femme dans chaque port,

lui, dans le secret, il en avait une sur chaque rive !

Au nord, du côté de la marie, elle était brune et s’appelait Marie…

(la suite en vrai)

REPORT : la comédienne étant positive au Covid, les spectacles sont reportés aux dates du 23 au 27 mars prochains.

C’est ma tournée, je vous offre un vers : Rens. : https://www.lestheatres.net/ 

Pour en (sa)voir plus : https://nicoleferroni.com/ 

Retrouvez aussi Nicole Ferroni dans le podcast Le Son de la Scène #6. Rens. : https://www.lestheatres.net/fr/3291-le-son-de-la-scene 

 

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire