LE PETIT GABIAN
C’est aussi cela, un « blog » : un dialogue entre un journal et ses lecteurs, un espace dans lequel celles et ceux qui le lisent et le soutiennent répondent aux mots de son équipe et lui en envoient. Je voudrais répondre aujourd’hui aux mots de « Marsactu » de mardi dernier.
Photo : Benoît Gilles
Le petit gabian qui écrit Marseille
En 2010, quand naît « Marsactu », je n’étais pas encore revenu à Marseille, je vivais à Lyon. Mais, à mon retour dans la ville, sans doute est-ce la première chose que j’ai faite : je suis allé voir le journal pour proposer d’y écrire, comme je l’avais fait, il y a maintenant bien longtemps, dans un journal marseillais sur papier (les journaux numériques n’existaient pas encore), intitulé « L’Éveil ». J’ai immédiatement rencontré un accueil à « Marsactu ». Et, dès mon retour, je me suis mis, chaque semaine, à écrire dans « Marsactu » mon regard sur Marseille. C’est cela qu’il fait, le petit gabian : il écrit Marseille en la regardant, un peu en veillant sur elle. En exprimant ma gratitude et mon amitié aux « plumes du petit gabian », je voudrais dire que c’est notre rôle à nous, les lecteurs de « Marsactu », de manifester notre solidarité avec notre journal, pour que le petit gabian continue à veiller sur notre ville, à lui donner ses mots, surtout ceux qui sont difficiles à trouver et à dire. L’ambition éditoriale de « Marsactu », pour reprendre les termes du blog de l’équipe avant-hier, c’est aussi de faire participer à l’aventure celles et ceux qui la lisent en la soutenant. Peut-être ajouterai-je un bémol à ce qu’a écrit l’équipe. C’est aussi de la communication, un journal, des échanges, un dialogue. Ne tombons pas dans le piège de confondre la communication avec la séduction ou avec la publicité. Trop souvent, on parle de communication en raison d’une sorte de honte à parler de publicité, car ce terme est devenu tellement pourri qu’on n’ose plus l’employer. Grâce au petit gabian, nous communiquons entre nous parce qu’il parle dans l’espace public marseillais qu’il a contribué à renouveler.
Un journal qui donne du sens à la ville
Les mots d’un journal donnent du sens à la ville, pour qu’elle ne se réduise pas à un faisceau d’actions, de « bruit et de fureur ». Le rôle d’un journal comme « Marsactu » est essentiel, car, sans lui, Marseille ne serait qu’une ville muette, sans écoute et sans regard, une ville fantôme qui errerait sans but et sans raison. En lui donnant ses mots, « Marsactu » donne une voix à Marseille, écoutée par celles et ceux qui y vivent, mais aussi par celles et ceux qui peuvent l’écouter d’ailleurs. Le sens de la ville est son existence même, car il lui donne une identité. C’est dans les mots qu’imagine le journal que la ville peut se retrouver, car, en se lisant et en s’écoutant, elle s’exprime elle-même. Donner du sens à la ville, c’est faire prendre conscience à Marseille de ce qu’est son réel en laelui faisant entendre, mais c’est aussi lui donner un imaginaire de projets, d’utopies et de rêves qu’elle peut retrouver dans le journal. Cette dimension symbolique de l’urbanité permet à ceux qui habitent la ville de ne pas se contenter d’y passer du temps et des journées, mais aussi d’y vivre, pleinement, en donnant une signification à cette vie. On n’habite pleinement un espace que quand on peut lui donner des mots qui nous permettent de le comprendre. « Marsactu » s’est donné cette mission il y a donc bientôt quinze ans, et continue à l’assurer, chaque jour, contre les vents et les marées qui peuvent attaquer les gabians. Ce petit gabian-là résiste aux bruits et à la fureur en les transformant en une petite musique de sons, de mots et d’esthétique. En chantant les mots de la ville, « Marsactu » fait de la vie de Marseille un véritable opéra. Mais, au lieu de les bercer de cette musique, il éveille les habitantes et les habitants en leur ouvrant les yeux.
Un regard critique
C’est que le petit gabian porte surtout un regard critique sur sa ville et sur celles et ceux qui y vivent. Les mots du journal ne sont pas qu’une petite voix, ils ne sont pas qu’un murmure, ils peuvent, parfois, se muer en colère, parce que, justement, les mots de la critique ne se réduisent pas à de la parole et à de l’écriture, mais ils critiquent, ils dénoncent les aberrations et les absurdités dans lesquelles peuvent se fourvoyer les acteurs de la ville en nous emmenant avec eux. Le projet de « Marsactu » est celui d’informer, bien sûr, mais c’est aussi d’inviter à la réflexion en nous donnant ses mots pour cela, mais aussi en nous permettant de formuler les nôtres. Le petit gabian habite, ainsi, à la fois au cœur de Marseille et à une certaine distance. Par définition, la position d’un média est de ne pas se confondre avec l’immédiat, un média se tient à une certaine distance critique de celles et de ceux dont il parle à celles et à ceux qui l’entendent. Acéré, le regard du petit gabian, surtout, ne dort jamais et nous empêche de nous endormir. L’espace de la ville peut devenir, ainsi, ce que J. Habermas appelait un espace public, c’est-à-dire un espace imaginé par le peuple qui se l’approprie pour s’exprimer en le peuplant de ses mots et de ses débats. L’espace public fait bien de l’espace de la ville un espace de la polis, un espace pleinement politique. « Marsactu » joue un rôle essentiel dans l’espace public marseillais, car il n’y a pas beaucoup de médias, dans la ville, qui ont compris ce rôle et qui le jouent véritablement. En jouant un opéra politique, avec d’autres acteurs de la ville comme l’Université populaire de Marseille et bien d’autres, « Marsactu » fait de nous des acteurs politiques en nous permettant de construire une identité grâce à laquelle nous nous retrouvons en nous écoutant et en nous lisant grâce aux mots de notre journal. La voix du petit gabian est toujours un peu grinçante, justement parce qu’elle envoie un son critique en volant au-dessus de la ville pour l’assurer de ne pas s’endormir. Le regard de « Marsactu » nous donne une écoute critique pour lire la ville et lui donner du sens.
Ce sont les vœux que je formule pour l’équipe de « Marsactu », qui est aussi, un peu la nôtre.
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