Le maître du jeu
Une image de "Faust" d'Alexandre Sokourov
Sans tomber dans un passéisme de mauvais aloi, le regret d’un âge d’or aujourd’hui révolu, force est de constater qu’ils ne sont pas légion, ces cinéastes qui bousculent, encore aujourd’hui, les formes du cinéma. Aux aventuriers d’un art jeune encore se sont substitués des faiseurs malins, parfaitement aguerris aux formes esthétiques et narratives d’un siècle naissant, construisant leur reconnaissance sur une duperie collective. Alexandre Sokourov n’est assurément pas de ceux-là. Il fait sans conteste partie des très grands cinéastes dont les (chefs d’) œuvres viennent à intervalles réguliers nous rappeler pourquoi le 7e Art nous a un jour saisis, transformant à jamais le cours de notre vie. Formé à l’illustre institut national de la cinématographie russe, le VGIK, et sans doute bouleversé par sa rencontre avec Andreï Tarkovski, Aleksandr Sokurov a bâti une œuvre à nulle autre identique. Ses quarante-sept films témoignent d’une exigence plastique et intellectuelle qui a bouleversé le langage cinématographique. Son travail témoigne d’une expérimentation formelle dont bien peu savent se saisir.
Films de musée
Au-delà de la contradiction, il partage avec d’autres grands artistes de l’image en mouvement cette méfiance du cinéma parfois considéré comme art mineur, pour le rattacher à la littérature et la peinture. Et à l’instar de nombreux cinéastes russes, ses films se sont souvent confrontés à l’idéologie politique au pouvoir. La rétrospective que lui consacre l’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence, ainsi que le week-end dédié à ses films “de musée” au MuCEM, permettront ainsi d’embrasser, à travers la quinzaine de films proposés, la puissance de ses œuvres. Œuvres dans lesquelles le cinéaste réinvente son propre style, développe les thèmes qui lui sont chers, renoue avec l’âme russe dans l’idée de ce qu’il nommait lui-même “le pays de l’inspiration et de l’embellissement”. Parmi les films proposés lors de cette magnifique rétrospective, citons les documentaires Elégie de Moscou ou Une vie humble et bien évidemment les opus incontournables que sont Le Jour de l’éclipse, Père, fils ou la tétralogie du pouvoir (Moloch, Taurus, Le Soleil et Faust). L’un des moments forts de cet événement sera sans conteste la rencontre avec Albert Serra, qui viendra parler de Sokourov à l’occasion de la projection de Francofonia. Il est des instants rares dans la vie d’un spectateur cinéphile, gageons que cette manifestation ambitieuse en fera partie.
Emmanuel Vigne
Cycle Sokourov : le 31/10 au MuCEM (Esplanade du J4, 2e) et jusqu’au 10/11 à l’Institut de l’Image (Cité du Livre – Aix-en-Provence). Rens. : www.cinetilt.org / www.institut-image.org / www.mucem.org
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