LE DEVENIR DU LITTORAL MÉDITERRANÉEN

Billet de blog
le 1 Juil 2018
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Une enquête est organisée par le C.N.R.S. et l’Université d’Aix-Marseille sur la gestion du littoral méditerranéen. Il s’agit d’une forme d’enquête d’opinion sur les formes possibles que peut revêtir les activités liées à l’aménagement du littoral et sur leur financement. Cette enquête, à laquelle j’ai participé, appelle n certain nombre de réflexions.

Significations de la mer et du littoral dans l’espace social

Nous en sommes profondément d’accord : il est temps, il est même largementtemps – de s’intéresser à la question de l’aménagement du littoral, de tenter de penserle littoral, de penser cet espace qui constitue une forme de champ mixte entre la terre et la mer.  C’est dans le littoral, finalement, qu’est mise en question la relation entre ces deux espaces sociaux que constituent la terre et la mer. C’est dans la question de l’aménagement du littoral et des pratiques sociales et culturelles qui s’y mettent en œuvre que se pose la question de la place de cet espace, à la fois terrestre et maritime, de cet espace fondé sur une forme d’échange permanent et de circulation incessante entre les deux mondes si proches l’un de l’autre et, pourtant, si étrangers l’un à l’autre que constituent la terre et la mer. Sans doute même est-ce ce voisinage, fondateur de la signification du littoral, qui fonde une spécificité de l’espace marseillais et, au-delà, de l’espace méditerranéen. C’est sur cette spécificité de la relation de Marseille et du monde méditerranéen à la mer que se fonde l’identité politique et culturelle de la ville et de l’espace méditerranéen.

 

Une économie politique du littoral

C’est pour toutes ces raisons qu’il importe d’engager une réflexion et un débat sur ce que pourrait être une économie politique du littoral, sur ce qui pourrait fonder et nourrir une économie politique permettant de fonder une économie des identités politiques des acteurs sociaux, humains et institutionnels, qui définissent cet espace politique du littoral méditerranéen. D’abord, il s’agit d’une économie des hommes et des pratiques sociales. Il importe d’engager une réflexion critique et un débat sur les emplois, sur les métiers, sur les identités professionnelles des acteurs du littoral. Cette réflexion et ce débat devraient se situer à la fois dans le présent et dans l’histoire, dans le temps long, mais aussi dans la prévision du futur. Par ailleurs, cette économie politique du littoral est une économie des lieux, des champs et des espaces : c’est toute une politique du fait urbain littoral qu’il s’agit d’engager, portant à la fois sur les villes et leur aménagement, sur les spécificités de l’architecture et de l’aménagement des sites, sur les particularités de ce que l’on peut appeler le logement littoral. D’autre part, l’économie politique du littoral est une économie politique des transports et des déplacements propres à l’espace littoral : il ne s’agit pas seulement des déplacements maritimes, mais il s’agit aussi des particularités des déplacements terrestres dans l’espace littoral. Enfin, l’économie politique littorale est une économie des acteurs institutionnels et des entreprises : sans doute l’économie politique littorale connaît-elle des spécificités des acteurs économiques, des modes de financement et de l’organisation des entreprises qui travaillent sur les échanges entre la terre et la mer dans cet espace frontalier que constitue le littoral. Mais à cela il convient d’ajouter une autre frontière qui se situe dans l’espace littoral méditerranéen : en séparant l’Europe, l’Orient et l’Afrique et en les faisant se rejoindre, la Méditerranée constitue aussi une autre limite, qui donne une autre signification au littoral méditerranéen : la limite entre le monde du Nord et le monde du Sud. Cette limite-là est plus récente : elle date de la mondialisation contemporaine des échanges économiques. Il s’agit de la limite entre le monde des pays riches et celui des pays qui le sont moins, de la limite entre les pays du Nord, qui détiennent le pouvoir sur le monde, et les pays du Sud qui se situent dans une forme d’aliénation politique, notamment en raison des modes de financement de l’économie internationale. Une économie politique réelle de l’espace littoral méditerranéen doit aussi penser cette limite-là, entre le Nord et le Sud, et élaborer les moyens d’en finir avec cette inégalité.

 

Un débat à engager sur l’aménagement du littoral au-delà de la question de la gestion

On mesure la complexité du débat qui est à engager sur l’aménagement du littoral méditerranéen. Il importe, par conséquent, d’aller au-delà de l’enquête dont il est question ici. Mais, pour pleinement penser cette économie politique du littoral, il importe, en particulier, d’aller au-delà de la question de la simple gestion. Ce n’est pas d’une gestion que l’on a besoin, car qu’est-ce que la gestion, sinon une économie qui ignore la dimension politique de l’économie et ses liens avec les acteurs politiques et avec les pouvoirs ? Ce dont a besoin une véritable rationalité économique de l’espace littoral méditerranéen, c’est d’une économie politique, qui articule la critique de l’économie politique et de ses acteurs, l’écologie politique de la mer et du littoral et l’analyse des formes diverses et des acteurs multiples de la médiation culturelle de l’espace littoral. Il importe, notamment, aujourd’hui, car il s’agit d’une forme d’urgence, que cette économie politique du littoral méditerranéen se penche sur deux problèmes : celui des guerres et de leurs incidences sur l’espace littoral et celui des migrances qui se développent aujourd’hui, à la fois pour des raisons politiques et pour des raisons économiques.

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