LA VILLE DES RENCONTRES ET DES CONFRONTATIONS

Billet de blog
le 19 Jan 2020
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Marseille dans le mouvement social (2)

LA VILLE DES RENCONTRES ET DES CONFRONTATIONS

Nous avons engagé la semaine dernière, à l’occasion des manifestations contre le projet de réforme des retraites qui ont eu lieu dans la ville, une réflexion sur la politique de la colère qui s’est toujours exprimée à Marseille. Nous poursuivons aujourd’hui cette réflexion en l’étendant à d’autres domaines du politique.

 

Les manifestations et la lutte contre la précarité économique

Les manifestations expriment une forme de critique de l’économie politique, pour reprendre le titre d’un ouvrage fondateur de Karl Marx. Le refus du projet de réforme des retraites va bien au-delà de cette seule question, même si elle est importante, en particulier, comme nous l’écrivions la semaine dernière, car elle engage la question des inégalités et celle du statut des travailleuses et des travailleurs. En effet, la protestation qui s’exprime est aussi celle qui rejette la précarité, la menace de la pauvreté, le risque de la dégradation des conditions de vie. Marseille, peut-être plus que d’autres villes de notre pays, a connu un affaiblissement de son activité économique, d’autant plus sensible que Marseille fut une ville de la prospérité. Si Marseille est particulièrement en colère aujourd’hui, c’est parce que la ville connaît aussi un grand nombre de personnes sans emploi. Les manifestants expriment ainsi leur volonté d’une autre politique économique pour la ville, leur recherche d’un nouvel élan, d’un nouveau développement, qui rendent à la ville ce qui fut, en quelque sorte, sa grandeur, dégradée, notamment, par la politique menée, depuis longtemps, par une municipalité sans projet.

 

Un désir de rupture

C’est que nous ne sommes pas n’importe quand : ces manifestations ont lieu aussi à l’approche des élections municipales, et tout ce qui s’exprime en ce moment est une volonté de rupture. En manifestant contre le projet de réforme des retraites, la ville exprime aussi sa volonté de rupture avec ce qui fut la culture politique de l’ère de Gaston Defferre et de Jean-Claude Gaudin. Trop longtemps, la ville a été celle de pouvoirs qui cherchaient à s’appuyer sur des réseaux au lieu de s’appuyer sur de réels acteurs politiques, qui cherchaient à gouverner par des alliances et des compromissions au lieu de se fonder sur des projets et sur des engagements. En protestant contre les projets de l’exécutif, la ville manifeste ainsi son intention d’en finir avec cette culture politique municipale du passé, sans doute à l’occasion des élections municipales qui doivent engager une politique de la rupture, une politique nouvelle. Surtout, Marseille exprime son projet d’instituer une cité fondée sur de nouveaux rapports sociaux, sur de nouvelles formes de solidarité, sur de nouveaux projets, plus ouverts sur le monde.

 

La confrontation du Sud et du Nord

Mais, si nous ne sommes n’importe quand, nous ne sommes pas non plus n’importe où : Marseille est une ville de France, mais aussi une ville de la Méditerranée. Comme tous les ports, la ville est un peu à la fois dans son pays et dans l’ailleurs, la ville est aussi une ville du voyage, et, aujourd’hui, une ville de l’immigration et de la migrance. Les migrants ont toujours eu une place importante dans la population de la ville, qu’il s’y installent et que Marseille soit, pour eux, une porte ouverte sur notre pays, ou qu’ils ne fassent qu’y passer, comme les migrants, à la recherche d’un espace meilleur. C’est pourquoi la question de l’immigration a toujours été utilisée dans la rhétorique du rejet par les mouvements d’extrême droite. Mais c’est aussi pour cela qu’il importe de comprendre autrement, aujourd’hui, le mouvement de protestation qui se manifeste dans la ville : il faut le comprendre aussi comme une nouvelle expression  de la confrontation du Sud et du Nord. La Marseillaise de samedi dernier faisait état de nombreuses expressions de solidarité issues des autres pays de l’espace méditerranéen. Cela donne toute sa dimension au conflit qui s’exprime à Marseille. En effet, si la Méditerranée a toujours été l’espace de la navigation et de la rencontre entre les habitants de tous les pays qui la bordent, si l’espace méditerranéen a toujours été un espace de l’échange, il st devenu, aujourd’hui, l’espace de la confrontation entre le Nord et le Sud, entre les pays du Sud, livrés à la précarité économique et souvent gouvernés par des partis et des acteurs autoritaires, et les pays du Nord, plus riches, quoique ces pays connaissent, eux aussi, une inégalité, comme en Espagne ou en Italie, entre leur Nord et leur Sud. C’est ainsi qu’il importe de donner toute sa dimension, internationale, au conflit qui a lieu, en ce moment, dans notre pays : à la mondialisation du libéralisme s’oppose, ainsi, une mondialisation de la solidarité.

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