La vie des livres : épisode 4

Billet de blog
le 9 Mar 2019
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Après l'Alcazarie, José Rose poursuit sa quête des livres dans la ville avec une nouvelle fiction où les livres ont la parole.

La vie des livres : épisode 4
La vie des livres : épisode 4

La vie des livres : épisode 4

Je vis dans une girafe, suis souvent en carafe. Mais aujourd’hui, un homme traits tirés veste froissée et pantalon tombant sur des grôles sans lacets m’a embarqué. -Bon voyage ! a glissé mon voisin délaissé en riant sous cape. À bientôt et fais gaffe aux gamins !

Je me suis ainsi retrouvé sur une marche d’escalier, livre unique parmi une douzaine d’hommes, de chiens et de sacs à dos. C’était l’heure du camion vert – Le p’tit dej Emmaüs – décoré de dessins aux couleurs vives : théière rose, cafetière rouge et noire. A côté, trois petites tables de métal, rouges et noires également, une file d’hommes aux visages marqués avalant une soupe dans des bols de plastique, fumant de vieux mégots, feuilletant des journaux gratuits et conversant chaotiquement. Parmi eux, une femme en short rouge et chaussettes noires de footballeuse sur des jambes lourdes, chevelure emmêlée au vent. Tous cherchent un rayon de soleil. Couvertures, valises et piles de cartons ne sont pas loin. Rêvent-ils encore de franchir sans encombre l’étroit détroit qui leur ouvrirait un horizon sans tourbillons ni récifs ?

Autour du camion, quelques pigeons picorent les reliefs du p’tit déj d’Emmaüs. Une affichette précise pourtant qu’il est interdit de les nourrir. Un des hommes se lève, donne un coup de pied, geste rageur de celui qui trouve plus faible que lui, vers les volatils qui se dispersent en piaillant. Mais ils reviennent vite, eux ou leurs compères on ne manque pas de pigeons ici et il y a quelques miettes à saisir. Pas moyen de se débarrasser d’eux, ils s’accrochent, s’incrustent, se croient tout permis, s’imaginent en terrain conquis. Allez, allez, du vent ! De l’air ! Allez voir ailleurs, sales bestioles !

De jeunes cravatés, costumes bien taillés et port de tête assuré, traversent la place en discutant sans un regard pour le groupe assis à même le sol. Juste une légère accélération en le croisant et un intérêt soudain pour le sommet des arbres. Comme des girafes.

En arrière plan, un kiosque centenaire expose ses dentelles vertes comme au temps des guinguettes et de la foire à l’ail. Sur la balustrade, une banderole rappelle le festival des associations Vivacité tandis que de l’autre côté de la place, la Mairie 1-7 annonce en affiche tricolore un mobilisateur Marseille capitale européenne du sport. C’est mieux que capitale de la culture physique. Et des enfants jouent à la marelle – huit cases seulement séparent la terre du ciel c’est jouable – tandis qu’une mosaïque aux teintes vives égrène au sol des prénoms d’enfants et des mots colorés comme regard, geste, parole ou sourire. On peut aussi lire une phrase – si tu es provoqué ose…et tu vivras en harmonie – dont l’interprétation laisse perplexe.

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