LA MARSEILLAISE (SUITE)

Billet de blog
le 25 Mar 2023
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Manifestation après l
Manifestation après l'adoption de la réforme des retraites, à Marseille, le jeudi 23 mars 2023. (Photo C.By.)

Manifestation après l'adoption de la réforme des retraites, à Marseille, le jeudi 23 mars 2023. (Photo C.By.)

Une fois de plus, le jeudi 23 mars, Marseille s’est retrouvée dans la colère et dans la détermination. Une fois de plus, Marseille s’est retrouvée pour manifester son opposition au pouvoir. Marseille, ville de résistance et de confrontation, est venue dans la rue pour dire qu’elle ne céderait pas.

La rue à Marseille

Il y avait du monde, jeudi, à Marseille, dans la rue, pour dire son opposition à la réforme des retraites, mais bien plus encore, pour dire son opposition à la politique menée par E. Macron et son exécutif. La C.G.T. parle de 280 000 manifestants et la préfecture de 16 000. Il est vrai que l’État, dans notre pays, a toujours un peu de mal à compter – qu’il s’agisse des impôts, des salaires ou du nombre de manifestants. La rue était pleine, à Marseille : c’est là que les habitantes et les habitants de la ville avaient choisi de vivre, c’est dans la rue que la ville s’était retrouvée, jeudi. La rue était peuplée d’habitantes et d’habitants venus dire qu’ils ne voulaient plus se faire épuiser par un travail qui n’en finit plus et par des conditions inacceptables de travail et de vie, tout simplement. C’est que nous ne devons pas nous tromper : ce n’est plus seulement des retraites qu’il est question, dans la rue, ce n’est plus seulement de l’âge des retraites qu’il est question : c’est de la politique menée par un pouvoir arrogant, méprisant, ignorant le peuple avec qui il partage un pays. Dans tous les discours, dans tous les propos, dans tous les journaux, dans tout l’espace public, on retrouve ces mots. Ce que la rue est venue dire, à Marseille comme dans toutes les villes de France, c’est qu’elle ne voulait plus être traitée de cette manière par un exécutif dont elle ne supporte plus l’orgueil, la vanité, la politique faite d’esbroufe et de vantardise.

La politique à Marseille

À Marseille, on a toujours fait de la politique. Marseille est une ville de paroles et de dialogues – mais aussi, donc, une ville de colère. Cette ville a été fondée par des marchands qui ne voulaient plus vivre dans la cité d’où ils étaient partis pour chercher une vie meilleure : c’est toujours ailleurs que la vie est plus belle. Des grecs venus de Phocée s’étaient arrêtés pour y fonder Marseille, pour y fonder une ville de mots et d’échanges. C’est ainsi qu’ils y ont fait s’installer la politique – qui n’a jamais quitté la ville. Marseille a toujours vécu de politique. L’économie de la ville n’y est pas seulement une économie de profits et d’activité de production et d’échanges : elle y est une économie pleinement politique, car elle est surtout faite de sens. C’est en faisant de la politique que cette ville respire, vit, se retrouve. C’est en faisant de la politique qu’elle a bâti une histoire, qu’elle a trouvé la place en France et dans la Méditerranée. C’est pour cela que les manifestations, les émeutes, les oppositions ont une place particulière dans notre histoire. Nous sommes en train d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire de Marseille.

Habiter Marseille, c’est être un citoyen

Finalement, à Marseille, on retrouve l’origine du mot « citoyen » : le polites en grec et le civis en latin, c’est celui qui est un citoyen, qui a une identité politique, justement parce qu’il habite une cité. C’est ce lien entre l’habitat et la politique que nous ont enseigné les Grecs et les Latins de qui nous tenons nos mots et nos idées politiques. C’est particulièrement sensible à Marseille parce que la politique de la ville y a toujours été importante et notamment aujourd’hui parce que la politique de la lutte contre la réforme des retraites s’y confond avec elle, lors de toutes les manifestations. C’est bien pour cela que nous nous sommes retrouvés des milliers de citoyens, jeudi dernier, comme tant d’autres nous, à crier ensemble les slogans et les mots qui disaient notre refus. Et, surtout, qui disaient notre détermination face à l’entêtement d’un pouvoir sourd au mécontentement de la nation et aveugle aux rassemblements qui, dans tout le pays, ont réuni les citoyens dans leur opposition au pouvoir.

Le Vieux Port  et le centre de la ville : des lieux où la politique se parle

C’est là qu’il faut faire un peu de géographie de la ville. C’est sur le Vieux Port et dans le centre de la ville que l’histoire de Marseille se joue, qu’elle se met en scène pour se donner à voir autant qu’à entendre. Le centre de Marseille est un espace politique : c’est un espace dans lequel nous nous retrouvons à défiler, à occuper les rues et à les parcourir en nous les appropriant. Ces lieux où la politique se dit sont les lieux que nous habitons de nos paroles et de nos chants. Toute une géographie politique se construit au centre de Marseille, le long des itinéraires de nos manifestations, de nos défilés, de nos parcours qui donnent à l’espace de la ville une dimension pleinement politique. Mais ces lieux où la politique se dit sont aussi des lieux d’histoire, de mémoire, de souvenirs. C’est dans ces lieux que nous parcourons aujourd’hui que l’histoire de la ville s’est faite au cours des siècles de revendications et de musiques par lesquels nous nous sommes exprimés en habitant la ville de nos pas et de nos défilés.

Un théâtre de lutte

C’est que la ville est un théâtre. À Marseille, la ville a toujours le théâtre sur la scène duquel les habitants se sont donnés à voir comme des citoyens. La culture marseillaise de la protestation s’est mise en scène dans toutes les rues de la ville. Il ne s’agit pas d’une théâtre comique, mais d’un théâtre de lutte, d’un théâtre dans lequel la ville se représente elle-même en train de se battre contre les pouvoirs qui, de Paris et même de Versailles, comme le président cherche à le faire aujourd’hui en y invitant le roi de Grande-Bretagne, essaient de lui imposer leurs volontés et les lois qu’il fabrique en dehors des assemblées et des lieux dans lesquels la politique élabore les lois au cours des débats qui s’y jouent. Aux débats parlementaires et aux règles imposées par le pouvoir, Marseille entend substituer la puissance de la ville décidée à manifester son propre pouvoir. Comme toujours, c’est dans ce théâtre de lutte que Marseille se retrouve.

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