Jazz et motions

Idées de sortie
le 16 Sep 2022
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Marseille, place forte des musiques improvisées ? Sur ces versants tangentiels des mondes du jazz, le label Émouvances s’impose comme l’un des phares d’univers sonores résolument contemporains et engagés, dans une perspective résiliente, post-pandémie et solastalgie — que d’aucuns nomment « éco-anxiété » — obligent.

Transatlantic Roots © Maxim François
Transatlantic Roots © Maxim François

Transatlantic Roots © Maxim François

Art de l’instinct et de l’instant, l’improvisation telle qu’elle est envisagée par les musicien·ne·s d’excellence conviés à s’exprimer au Conservatoire Pierre Barbizet est un exercice de haute voltige musicale, empruntant au jazz mais aussi aux univers dont s’emparent les artistes présent·e·s.

On se doute que le nouveau répertoire déployé par le trio Naïri (le nom antique de l’Arménie) du contrebassiste Claude Tchamitchian, directeur artistique de l’évènement, devrait vibrer des archaïsmes hérités des Aèdes, ces récits épiques qui enchantaient l’antiquité grecque et dont les chants ont encore beaucoup à nous dire. Tant qu’à rester dans les mythes, le guitariste expérimentateur Marc Ducret viendra parsemer de notes et d’accords improbables la Suite Lyrique pour deux amants avec le quatuor Belà : ce répertoire de l’avant-garde viennoise du début du siècle dernier traduit l’amour caché que se vouaient Hannah Fuchs et Alban Berg.

La seconde soirée apparaît plus politique. Le trio Transatlantic Roots, porté par le pianiste marseillais Bruno Angelini, convoque des éléments de contre-culture nord-américaine pour nous rappeler ce que nos imaginaires doivent aussi bien à Wayne Shorter qu’à Jim Morrison, à Rosa Parks qu’à Jack London… dans un univers lorgnant vers la musique contemporaine européenne. Quant au quintet Puzzle, de l’éminente contrebassiste libertaire Hélène Labarrière, il remettra sur le tapis l’indispensable question féministe, en convoquant les figures de Jeanne Avril, Thérèse Clerc, Angela Davis, Emma Goldman et Louise Michel, rien que ça !

Enfin, l’engagement poétique et l’émancipation des imaginaires seront au rendez-vous de la troisième soirée. Ainsi du trio conduit par le violoncelliste Vincent Courtois, qui retrouve pour l’occasion les deux saxophonistes Robin Fincker et Daniel Erdmann : il nous avait enchantés avec son répertoire cinématographique Bandes originales et là, il revient avec un projet autour de la figure de Jack London — dont le talent littéraire et les engagements ne peuvent pas faire oublier le racisme abject — dans cette esthétique jazz de chambre qui allie douceur et puissance. Pour clôturer en beauté, le festival aligne le septet conduit par le saxophoniste Stéphane Payen pour un hommage à James Baldwin, où les voix de Mike Ladd (le rappeur/slameur d’origine new-yorkaise installé à Paris), Jamika Ajalon (la poétesse américaine, que l’on retrouve aussi parfois avec Zenzile) et Tamara Singh (une touche-à-tout éco-psychologue et poète) dialogueront avec les notes singulières du violon de Dominique Pifarély, la flûte de Sylvaine Hélary et la guitare de Marc Ducret. Plus que jamais, cet ensemble prouve que la question afro-américaine est centrale pour celles et ceux qui désirent un autre futur, fussent-il.elle.s européen.ne.s.

Laurent Dussutour

Festival Les Émouvantes : du 22 au 24/09 au Conservatoire Pierre Barbizet (2 place Carli, 1er). Rens. : https://festival-emouvantes.fr/

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