Droit à l’image
Ce qui m’a le plus surprise durant cette période de vie à l’hôtel c’est la demande venant de l’extérieur de rendre la situation, celle du délogement, médiatique. Il existe une forme de pression finalement, qui fonctionne plutôt sur la culpabilité.
On doit qu’on le veuille ou non faire figure d’exemple et témoigner de la difficulté dans laquelle on se trouve que ce soit au moment de l’évacuation, au moment du logement à l’hôtel, sous-entendu que le moment du relogement précaire est l’équivalent d’un temps de paix retrouvé, maintenant on ne nous demande plus rien.
Le problème est qu’à chaud, c’est-à-dire au moment où l’on vit les événements, on n’a pas forcément les mots pour en parler, on est peut-être préoccupé par d’autres problèmes qui n’ont aucun rapport avec le délogement, on ne sait pas exactement ce que l’on attend de nous ou pire : on ne sait pas ce que l’on veut nous faire dire.
Pendant l’hiver il a donc été question que la famille participe à un reportage pour une chaîne nationale et diffusé pendant le journal télévisé. Je ne voyais vraiment pas la fin de la vie à l’hôtel, j’avais la sensation qu’on allait y passer le restant de nos jours et le journaliste m’explique que participer à ce reportage pourrait nous aider à faire que tout s’accélère autour de nous.
Il s’agissait de montrer notre vie quotidienne à l’hôtel, de contacter notre avocate et notre propriétaire et la SOLIHA soit en caméra cachée, soit au téléphone. Cela devait permettre aux français de prendre conscience des difficultés des marseillais. Finalement cela ne s’est pas fait. Les enfants ont refusé d’être filmés dans leur chambre. Mon compagnon m’a expliqué que les images allaient peut-être attirer ce type de commentaire : « Comment font-ils pour vivre comme ça ? » et que jusqu’à présent il n’avait jamais eu honte de notre situation mais que là, oui, ça risquait de venir. Je pouvais le comprendre parce que j’avais ressenti peu de temps auparavant la honte d’être une habitante de Noailles et celle d’être délogée quand j’avais assisté à une réunion pendant laquelle on m’avait interpelée sur ce mode-là : « Délogée t’as rien à dire ?».
Donc nous n’avons pas fait d’images de notre vie à l’hôtel. Lorsque je suis montée à Paris au mois d’avril, tous les parisiens que j’ai rencontrés m’ont demandé comment ça se passait à Marseille. Ils avaient l’air vraiment au point, concernés, le sujet semblait même les énerver. Par contre, ici, que ce soit dans le 4ème arrondissement où je vis désormais ou dans le 12ème dans lequel je travaille, tout le monde ne sait pas forcément. C’est peut-être trop près ? Ou bien c’est le lieu qui pose problème ? Vite on en arrive à : « Il n’y a pas de fumée sans feu … » qu’on adaptera en : « Il n’y a pas de ruines sans taudis et pas de taudis sans pauvres … ». Comme s’il était naturel, que l’on soit pauvre ou pas, de risquer sa vie en habitant son petit chez soi …
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