Donnons des socles à la mémoire
Donnons des socles à la mémoire
Photo MalMass. CC BY-NC-ND
Au cœur de Marseille, sur la place du Général De Gaulle, une petite croix de lorraine rend hommage à la France Libre et à l’appel du 18 juin 1940. Initialement dressée sur une pelouse fermée, entourée de fleurs, devant la fontaine avec qui elle semblait presque faire monument commun, elle se retrouve aujourd’hui simplement posée sur la place minéralisée, comme pourrait l’être un réverbère, un panneau d’affichage Decaux, une poubelle. Ravalée au rang de mobilier urbain, cette croix n’est d’ailleurs pas citée dans les « bâtiments remarquables et lieux de mémoire » listés à la date de rédaction de ces quelques lignes dans la notice que wikipédia consacre à la place du Général De Gaulle. Elle évoque le monument au célèbre sculpteur et architecte marseillais Pierre Puget, aujourd’hui démembré. Elle cite la statue de l’anonyme dresseur d’ours, déplacée face à l’église St Laurent. Mais du souvenir de la France Libre sur la place qui porte le nom de celui qui l’a portée, rien, comme tout autre mobilier urbain.
A quelques pas de là, l’épée d’André Lauro est fichée dans les pavés du trottoir à quelques mètres d’une plaque commémorative appelant à se souvenir de la bataille de Bir-Hakeim, sur la place du même nom. Les deux vont-ils ensemble ? Peut-être. Peut-être pas. Il faudrait sans doute dépouiller les archives municipales pour le savoir. Dans tous les cas, ils sont justes posés là, comme du simple mobilier urbain. Remontons vers l’ancien Hôtel Dieu. A ses pieds, la tête de Daumier, sculptée par Antoine Bourdelle, qui était autrefois au ras des pâquerettes, a gagné de la hauteur et la visibilité depuis son dernier re-soclage, mais que dire du mémorial de la déportation, de l’internement et de la Résistance, qui semble avoir été poussé au plus près possible de la grille de l’hôtel pour laisser le plus de place possible au trottoir goudronné ? Et que dire de la plaque, déposée sur le goudron, à côté, de façon distincte ? Encore deux objets déposés dans la rue, comme les vaches de la Cow parade, qu’on semble ne pas vouloir trop mettre en évidence, des mémorials qu’on semble vouloir oublier et qu’on n’acceptent que parce qu’ils ne gênent pas trop.
Il fut un temps où le socle des monuments était travaillé. Il pouvait être une œuvre en lui-même, comme pour le monument des Mobiles, en haut de la Canebière. Il pouvait faire l’objet d’un concours distinct, comme pour la Statue de la Liberté, offert par la France aux Etats-Unis. Il pouvait garder la trace d’une statue enlevée, comme dans tant de villes de France à la suite des fontes des bronzes exigées par l’occupant allemand. Sans revenir aux socles majestueux, serait-ce si couteux de leur donner un socle en les posant tout simplement sur une terrasse de belle pierre de la hauteur d’une marche ? En les mettant en valeur en les entourant de fleurs protégées par une élégante barrière basse ? Distinguer symboliquement le mémorial de l’espace urbain banal, créer une distance symbolique, c’est aussi par cela que l’on marque son respect à celles et ceux que l’on veut commémorer.
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