Dans la famille des idées de fadas, je demande la halle alimentaire sur la Canebière
Dans la famille des idées de fadas, je demande la halle alimentaire sur la Canebière
“Le marché du soleil”, photo d’Elisa (CC BY-NC-ND 2.0).
Il y a un mois, le site d’information en ligne Made in Marseille remettait sur le tapis la proposition de la chambre de commerce de créer une halle alimentaire dans le centre-ville de Marseille en annonçant que la ville allait se pencher sur le sujet. Il faut espérer que la nouvelle majorité municipale évitera les errements de l’ancienne majorité, toujours prompte à vouloir transposer bêtement ce qui lui semblait pouvoir attirer les touristes sans jamais réfléchir de façon sérieuse au retour sur investissement, ni à l’intérêt réel pour la ville et pour ses habitants. Après l’aquarium, le casino, le téléphérique de la Bonne-Mère, la marina de luxe, voici donc la grande halle alimentaire.
A l’origine de cette suggestion, une des propositions du collectif “Tous acteurs”, portées par la chambre de commerce et d’industrie auprès des candidats des élections municipales de 2020. Son premier premier argument choc, nullement étayé : “le concept a le vent en poupe” ! Puis d’aligner des éléments de langage, sans aucune étude approfondie à l’appui. Ce concept répondrait ainsi “aux évolutions des centres-villes [et] aux attentes des habitants […] pour des raisons de proximité, pour la qualité et la fraîcheur des produits et pour la convivialité qu’ils y trouvent”. Ce serait évidemment “un objet d’attraction pour les touristes” et “un lieu de promenade”. Secouez bien le tout et vous obtenez “un vecteur de rayonnement culturel, touristique, commercial, économique et démonstrateur d’innovations de tous types”, donc, “une locomotive commerciale” ! C’est vrai qu’en la matière, Marseille est spécialiste. Entre les Voûtes de la Major, la rue de la République ou les Docks, les locomotives ne manquent pas ! Malheureusement, les wagons et les passagers font visiblement défaut.
Pourquoi vouloir des halles ? Mais parce que de nombreuses villes en ont, peuchère ! Sachez-le : il y en a 1274 en France, dont 166 classées monuments historiques, nous précise la CCI. Peu importe qu’elles n’aient pas toutes la même ampleur, les mêmes commerces, les mêmes amplitudes d’ouverture, les mêmes cibles. Ce sont des halles ! “H”, “A”, “L”, “L”, “E”, “S”. Et Marseille n’en a pas. Fichtre !
La CCI en veut mais elle ne dit pas ce qu’elle veut. Ni le qui, ni le quoi, ni le comment. Quelle mode de gestion ? Public, privé ou mixte ? A voir ! Quelle clientèle-cible ? Quelle zone de chalandise ? Quelles risques de concurrence ? A analyser ! On pourrait s’attendre à plus de sérieux dans la deuxième agglomération de France. Seule certitude pour la CCI, le nouvel éléphant blanc doit s’installer en centre-ville et l’expérimentation doit se faite place du Général De Gaulle, sans doute avec l’idée de la pérenniser ensuite au même endroit. Superbe idée, tant il est vrai que les places pullulent à Marseille. A trop aérer le tissus urbain, nous pourrions prendre froid.
Mais que se fait-il vraiment ailleurs ?
“La Boqueria” by Adriano Agulló is licensed under CC BY 2.0
A Barcelone, la Boqueria a été inscrite sur les trajets touristiques parce qu’elle était un marché populaire, installé dans une belle halle historique en bordure du centre touristique, avec ces étals colorés qui font le plaisir des photographies de vacances, ici, comme sur les autres rives de la méditerranée. Ce type de marchés populaires et colorés qu’apprécient les touristes existe déjà en centre-ville : c’est Noailles.
“Marché de Wazemmes” by THEfunkyman is licensed under CC BY-NC-ND 2.0
A Lille, c’est au marché de Wazemmes que les guides touristiques orientent les voyageurs pour s’immerger dans un marche populaire, au sein d’un quartier cosmopolite, le Noailles local, situé à l’écart du centre-ville historique.
“Marché des capucins” by Erminig Gwenn is licensed under CC BY-NC-ND 2.0
A Bordeaux, les “halles” phares sont au marché des capucins, également situé un peu à l’écart du coeur historique de la ville, dans un quartier populaire et cosmopolite, non loin des trottoirs où s’installent aussi les puces. Ici, les bâtiments sont récents et d’architecture peu intéressante.
“Les Halles de Lyon Paul Bocuse” by ginger_ninja is licensed under CC BY-NC 2.0
A Lyon, les Halles correspondent à un modèle complètement différent. Elles accueillent des commerces haut de gamme qui alimentent souvent les restaurant, d’où leur nom de baptême : Paul Bocuse. Elles sont situées loin du centre historique, dans un quartier sans attrait touristique et prennent place dans un bâtiment fonctionnel sans charme.
Point commun de la plupart de ces marchés, leur inscription dans les guides touristiques les éloignent progressivement de leur fonction première aux détriments de leurs usagers traditionnels historiques. A la Boqueria, le tourisme de masse a progressivement fait fuir les commerces traditionnels au profit d’étals alimentaires essentiellement destinés aux touristes, obligeant les habitants à s’alimenter ailleurs. Aux capucins, comme aux Halles de Lyon, la menace ne vient pas des touristes de masse mais des bobos locaux ou de passage qui en profitent pour y déjeuner. Les étals se transforment alors en bistrots et restaurant au risque de voir ces deux marchés devenir des “food-court”.
Que peuvent suggérer ces exemples ?
1° La dimension populaire et colorée qui a fait l’attrait de certains de ces marchés est déjà présente dans le centre-ville de Marseille, à Noailles. S’il faut un bâtiment emblématique pour la photo, c’est la gare du tramway de Noailles qu’il faut utiliser.
2° Ces Halles sont devenues des point d’attrait touristiques mais elles n’ont pas été créées pour cela. Or la création ex-nihilo n’est pas gage de succès, comme le rappellent les expériences récentes déjà menées sous les Voûtes de la Major et dans les Docks, à petite échelle il est vrai. Aux Voûtes, les étals du marché ont disparu pour ne conserver que la restauration. Aux Docks, le marché a fait le vide. Jamais deux sans trois ?
3° Ces Halles sont souvent un peu à l’écart du coeur historique. C’est par leur attrait, qu’elles ont su dévier des visiteurs vers elles. Implanter une “locomotive” à proximité du Vieux-Port, dans un centre qui attire déjà les touristes, n’a donc aucune utilité. Il serait beaucoup plus pertinent de l’implanter loin du centre, pour dynamiser d’autres quartiers de la ville, à Pointe-Rouge, à l’Estaque, vers les Puces. L’occasion de penser aux quartiers Nord ?
4° Si la volonté est réellement de proposer une offre de commerçants de produits locaux de qualité qui ferait défaut, le modèle serait alors plutôt celui des Halles de Lyon. Il faut alors se demander si une demande locale existe, chez les habitants et les restaurateurs et, si elle existe, l’implantation de la halle devrait se réfléchir par rapport à cette clientèle naturelle, davantage qu’en pensant aux touristes qui font le tour du Vieux-Port. Où l’on pourrait alors se reposer la question du marché de La Plaine…
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