À Simiane, des hectares de prairies promises à un avenir en béton
Des habitants de Simiane-Collongue se mobilisent pour préserver 11 hectares de prairies. Entre préservation des paysages et volonté d'attirer des nouvelles entreprises, récit d’une tension symptomatique autour des terres et de leur devenir, en pays d’Aix.
Les prairies du Safre à Simiane, avec au loin la maison de Rabah Hasni. (Photo : Sophie Bourlet)
C’est au pied du massif de l’Étoile, entre Gardanne, Bouc-Bel-Air et Septèmes-les-Vallons, que se niche la petite commune de Simiane-Collongue. En débouchant dans le quartier du Safre en ce début de printemps, les prairies, les bois et les haies, traversées par le cours d’eau du Vallon de Babol, revêtent leur vert le plus chatoyant. Parmi les pâturages, une unique maison se dresse, celle de Rabah Hasni et de ses frères. L’ancien maçon est aujourd’hui inquiet : il vit au beau milieu des 11 hectares qui pourraient devenir une future zone d’activités. Avec deux membres du collectif Terres Environnement Simiane, ils tiennent entre les mains les photos satellite de la zone et la comparent au futur plan d’urbanisme. Sur le nouveau plan, la maison a disparu, remplacée par des “activités à dominante productive”.
Retour en arrière : pour la mue du quartier du Safre, tout commence en 2013, date à laquelle, la zone agricole de 11 hectares est inscrite zone “à urbaniser économique” (AUe) dans le plan d’urbanisme. Située dans la zone stratégique de Gardanne, le terrain fait des envieux. Mais quand Philippe Ardhuin se fait élire en 2014, le projet reste en friche pendant plusieurs années. Changement de situation en 2022, il signe une convention avec la métropole, dans laquelle “il est envisagé un parc d’activité comprenant notamment des activités industrielles (PME-PMI), activités supports, BTP”. Dans le projet de Plui de fin 2023, on parle enfin de “liens avec le projet de reconversion de la centrale thermique de Provence”. Un bras de fer démarre alors avec les habitants insurgés contre le projet qu’ils jugent désastreux en termes environnementaux. Ils montent le collectif Terres environnement Simiane (TES) et lancent une pétition, qui rassemble aujourd’hui plus de 1 550 signatures. L’ancienne cité agricole compte 5 600 âmes.
Rabah Hasni, lui, ne sait pas ce qu’est la métropole, mais ne vendrait sa maison pour rien au monde. “Poupie, je vais devoir t’apprendre à nager !”, crie-t-il à son ânesse, dans la pâture voisine. Les terrains qui s’étendent devant chez lui sont inondables, les bétonner favoriserait les sinistres selon lui. Celui qui est né dans le village discute avec Jean-Marc Chianéa, membre du collectif, d’une laie installée dans la haie avec ses petits. Jean-Marc habite une maison qui borde le terrain en contre-haut. Il est passionné de nature, et a d’ailleurs repéré deux couples de chouettes chevêches, une espèce protégée.
Selon lui, le projet est une aberration et va à l’encontre des préconisations de lutte contre l’artificialisation des sols, de préservation des terres naturelles ou agricoles, surtout équipées pour l’irrigation, ou encore à la réduction des nuisances sonores. Il cite pêle-mêle la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPNAF) opposée au projet, les préconisations du projet d’aménagement et de développement durable (PADD), du Sradet, du Scot, et de la Ligue de protection des oiseaux, en épluchant les feuilles qu’il a entre les mains. “Tout le monde a émis des avis défavorables ! Il n’y a que le maire qui veut de ce projet”, conclut-il.
Un cas symptomatique de la zone
“Ce n’est pas mon projet”, se défend Philippe Ardhuin qui n’était pas en poste au moment du changement de zonage. L’ancien militaire, qui a également un mandat à la métropole comme conseiller délégué à la forêt et aux paysages, à la biodiversité, et aux espaces naturels, promet de réaliser une étude sur le risque d’impact sur la biodiversité. “S’il y a un enjeu sur la zone, je ferai le maximum pour la protéger. Je ne suis pas pour la bétonisation”, assure-t-il. “Il y a plein d’entreprises qui peuvent se mettre sur la zone, on est très bien placés. On va faire une étude d’ensemble, il faut construire des routes, remettre de l’assainissement.” Il argue que les prérogatives concernant les terrains relèvent de la métropole, mais a signé la convention avec cette dernière et donné un avis favorable au projet dans l’enquête publique au sujet du prochain Plui, qui se clôturait le 4 avril. “La majorité des propriétaires sont vendeurs, on ne peut pas les obliger à cultiver leurs terres !” Concernant les craintes de Rabah, il ajoute : “À ma connaissance, il n’y aura pas d’expropriations.”
Côté métropole, la transformation de ces 15 hectares est justifiée par la volonté de produire du foncier économique pour “répondre aux besoins des entreprises du territoire, estimés à 1450 hectares sur 15 ans. Des entreprises sont déjà implantées sur le site et cherchent à se développer et pérenniser leur activité sur place.” Sur un des côtés du terrain est installée l’entreprise Boetto, société de transport routier. “La zone du Safre représente un intérêt économique fort et une opportunité identifiée par la commission industrie du pacte territorial de transition énergétique et de reconversion industrielle de la centrale thermique de Gardanne-Meyreuil.” Par ailleurs, ajoute la métropole dans une réponse écrite, il n’y a « plus d'[autres] possibilité d’intervention en renouvellement urbain”. Le Safre représente un des derniers lopins de terre pas encore urbanisés dont la métropole peut se servir.
Pire que maintenant ?
Jean-Marc balaye le quartier du regard. Au Sud, les cheminées du site Lafarge de Bouc-Bel-Air dépassent des arbres. Au Nord, Alteo et son usine d’alumines à Gardanne. À l’Ouest, la quatre voies et la voie ferrée. À l’opposé de la maison de Rabah, il y a les autres, ceux qui veulent vendre et sont “pour la zone”. Une des propriétaires vient justement de passer en 4 x 4. Chantal Freson-Lercari possède plusieurs parcelles, transmises de génération en génération. “Ce n’est plus agricole, ni industriel, ni commercial, ni constructible. On ne peut rien en faire !”, déplore-t-elle. Selon elle, rien ne pourra être “pire que maintenant” en termes de nuisances, avec les voitures et trains qui génèrent “un brouhaha du matin au soir”. Une zone économique permettrait de “faire quelque chose de notre jeunesse”, glisse-t-elle.
Claude Rebêche est aussi simianaise depuis toujours et fait partie du collectif Terres Simiane Environnement. Elle a une autre idée : “On pourrait attirer de jeunes agriculteurs en bio, du lycée agricole voisin. On a 1000 élèves à nourrir par jour sur le territoire. On nous parle d’agriculture de proximité, mais le fameux oignon de Simiane, il n’en pousse plus nulle part depuis longtemps !” Mais une zone à urbaniser et inondable est-elle attractive pour les cultivateurs ? Le maire assure qu’ils ne sont pas au rendez-vous. « On pense que dès qu’on met une terre à disposition, il y a des agriculteurs qui vont venir. Mais on a du mal à trouver des jeunes pour s’installer, avec nos restrictions en eau. » Il pense au contraire qu’une zone d’activités permettrait d’embaucher une partie des 6,5 % de Simianais sans emploi. Reste que dans l’enquête publique, la majorité des contributions étaient défavorables au projet. Claude ne baisse pas les bras en attendant la validation du PLU : “On est prêts à aller loin.”
Modifié le 22/04 à 8h08, pour corriger les points cardinaux de la direction des industries et infrastructures de transport alentours, initialement inversés.
Commentaires
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Pour rappel : il y a plus de 100 ha voués à la réindustrialisation, au développement économique, sur le site même de Gardanne-Meyreuil … pour peu que le Métropole se rende maître du foncier acquis par le propriétaire de Gazel Énergie à 1 €. Alors, s’il faut faire quelque chose au Safre, ce n’est certainement pas une énième zone d’activité : gardons-nous de toute nouvelle imperméabilisation des terres, privilégions l’agriculture urbaine, les espaces de nature voire quelques logements
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Et la Métropole est incapable de justifier la nécessité de ces surfaces pour ces fameux projets de reconversion de la centrale ou de filière aéronautique. Les avis des instances consultatives sont unanimes et éloquents.
Je plains les fonctionnaires de la métropole qui ont du en avaler, des couleuvres politiques…
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“Mais on a du mal à trouver des jeunes pour s’installer, avec nos restrictions en eau.”
Il en sort régulièrement des nouveaux arguments fallacieux, mais je ne l’avais jamais entendue celui-là ! Qui illustre bien la méconnaissance du maire et sa clique sur le sujet, ou plutôt leur volonté de ne pas prendre en compte les arguments de bon sens pour mener à bien leur projet coûte que coûte.
Le safre est très bien alimenté par le canal de Provence, c’est d’ailleurs un motif de l’illégalité du projet par rapport au SRADDET. Le jour où le canal de Provence ne pourra plus alimenter toute la vallée de la Durance, ce sera la fin de l’agriculture en Provence car c’est la ressource en eau la plus abondante (Serre-Poncon et Verdon). On aura alors des problèmes d’une toute autre gravité…
Un nouvel argument sorti du chapeau donc.
La mairie est acculée et ne sait plus comment s’en sortir on dirait..
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On est totalement dans un cas type d’artificialisation.
Au depart, on a une zone agricole, des prairies, des haies, un ruisseau, des insectes,des oiseaux,des mammifères…
Et on prévoit une Zone d’activité, des routes, des parkings, le réseau d’assainissement… le tout sur un terrain humide et inondable.
Pourquoi là ? Certes la localisation, la desserte. Mais il y a d’autres terrains deja abîmés, bien moins utiles à la biodiversité et au cadre de vie dans les environs.
Le maire est adjoint à l’environnement à la métropole ??
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Je pose la même question que celle que j’ai évoquée en marge du dernier article sur le projet de bétonisation de quelques dizaines d’hectares à Pertuis : comment tout cela s’articule-t-il avec l’objectif “zéro artificialisation nette” prévu par la loi ?
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Bonne question. J’en pose une autre: Pourquoi tant d’artificialisation des sols dans les Bouches-du-Rhône -et dans tout PACA- ? Comme Ciceron, je poserai la question à ma question: Cui prodest? ( Qui en profite? pour les non latinistes)
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quelle honte cette métropole qui continue à grignotter partout les terres agricoles !
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Comme d’habitude avec la droite locale, nous avons de grands “plans” qui permettent de faire de la communication, tandis que les actes – quand il y en a – disent l’inverse. Ainsi la métropole s’est-elle dotée d’un “plan pour l’agriculture urbaine” (https://marsactu.fr/le-plan-metropolitain-pour-lagriculture-urbaine-grand-projet-encore-friche/).
Il fallait sans doute lire : plan pour faire quelques discours et quelques photos sur l’agriculture urbaine.
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soutien total au collectif T.E.S. !!!
ardhuin, le maire est : 5e conseiller de la Métropole délégué à la Forêt et aux Paysages, Biodiversité, aux Espaces naturels, à l’Archéologie ·
on rêve !
maintenant, la métropole traitera ses “dossiers” comme d’habitude en faisant n’importe quoi, on ne s’étonne plus.
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Il faut arrêter de se demander si les élus de la majorité métropolitaine sont à la hauteur de leurs titres ronflants. On sait ce qu’il en est du vice-président aux transports (disparu), du vice-président à la propreté (qui n’a pas tout compris). Désormais, le “conseiller délégué à la forêt etc., etc., etc.” rejoint ce Panthéon.
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8eme, parlez plutôt du royaume d’Hadès que du Panthéon.
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Est-ce que quelqu’un peut affréter un bus pour les années 90 pour aller y chercher les Pellenc, Vassal, Ardhuin et autres retardés pour les ramener en 2024 ? Histoire qu’ils se mettent à jour sur le réchauffement climatique, l’eau, le vivant, tout ça tout ça.
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Bigre ! Ce festival de foutage de gueule me rend impatiente de recevoir ma carte d’électeur …
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Je cite : <>
De nobles arguments pour vendre du terrain agricole (qui ne vaut pas bien cher et la SAFER y veille un peu) en terrain constructible ou industriel. De combien ça augmente la valeur ? 10 fois la mise ? Plus ? En tout cas c’est “leur jeunesse” à eux qui vont s’en mettre dans les poches et sans vraiment travailler.
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je citais cela :
Une des propriétaires vient justement de passer en 4 x 4. Chantal Freson-Lercari possède plusieurs parcelles, transmises de génération en génération. “Ce n’est plus agricole, ni industriel, ni commercial, ni constructible. On ne peut rien en faire !”, déplore-t-elle. (…) Une zone économique permettrait de “faire quelque chose de notre jeunesse”,
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Et comment vient se placer la nouvelle loi ZAN Zéro Artificialisation Nette ?
Sur le site du ministère de l’écologie :
” Objectif zéro artificialisation nette (ZAN)
La France s’est fixée, dans le cadre de la loi Climat et résilience adoptée en août 2021 :
l’objectif d’atteindre le “zéro artificialisation nette des sols” en 2050,
avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années (2021-2031) par rapport à la décennie précédente (2011-2021).
Par ailleurs, la loi ZAN du 20 juillet 2023 a permis de renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols et de répondre aux difficultés de mise en œuvre du ZAN sur le terrain.”
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Il est à rappeler qu’il s’agit là des dernières terres nourricières de Simiane, le béton ne se mange pas, le pognon non plus ! Et, effectivement un grand nombre de paysans cherchent des terres, contrairement à ce que prétend Philippe Ardhuin !
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Reste à monter une mobilisation, l’article y participe.
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6,5% de chômage c est à peine 1,5% de plus que le plein emploi
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