À Marseille, la Nupes fait de l’habitat indigne son symbole

Les candidats marseillais de la Nupes réunis à Noailles le 29 mai. (Photo : SL)

Devant les portes closes de Tam Ky, historique épicerie asiatique de Noailles, une mini-estrade et un micro servent de décor. La rue d’Aubagne où huit personnes sont mortes dans l’effondrement de leur immeuble le 5 novembre 2018 et sa dent creuse sont à deux pas. À 18 heures, ce dimanche 29 mai, une petite foule est venue écouter un meeting commun des candidats aux élections législatives des 1ere, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e circonscriptions des Bouches-du-Rhône. Une première dans cette campagne – seul Sébastien Delogu (LFI) manque à l’appel parmi les candidats marseillais. L’invitation émane du mouvement Nos vies, nos voix, fondé par le militant du collectif du 5-Novembre Kevin Vacher. En retirant sa candidature dans la 4e circonscription, celle de l’hyper-centre-ville qui inclut notamment Noailles où Jean-Luc Mélenchon est sortant, au profit de Manuel Bompard (LFI), ce dernier a négocié cette position commune au sujet de l’habitat indigne.

Nos vies, nos voix a rédigé entre janvier et avril 2022 une proposition de loi “Rue d’Aubagne” sur laquelle les candidats présents souhaitent s’appuyer et travailler. Extension du permis de louer, création d’un pôle du logement, contrôle technique tous les cinq ans, encadrement des loyers feraient partie des mesures mises en place. “Les effondrements de la rue d’Aubagne ont transcendé tout le monde”, se souvient Alexandre Rupnik (EELV), candidat dans la 2e circonscription.

Première réunion commune des candidats de la Nupes

Les scooters peinent à traverser la place halle-Delacroix qui s’est remplie progressivement. Tous les candidats sont d’accord pour fustiger le quinquennat d’Emmanuel Macron et s’indignent de la suppression du ministère du Logement – il est intégré au nouveau ministère de la Transition écologique. Chacun harangue la foule à sa manière. “Si je suis au palais Bourbon, je vais les harceler. On a eu des sous en 2008 pour les banques, on en aura pour le logement indigne !”, lance Mohamed Bensaada (LFI), candidat dans la 3e circonscription, dans le Nord de Marseille. Il y affronte notamment la sortante Alexandra Louis qui s’est elle-même engagée dans la lutte contre les copropriétés dégradées. “Il faudra une politique plus punitive envers les bailleurs sociaux“, poursuit Magali Holagne (PS), candidate dans la 6e circonscription qui regroupe le 9e et la quasi-totalité du 10e arrondissement.

Le savoir-faire, il existe, comme cette proposition de loi, il nous faut la majorité maintenant !

Manuel Bompard

Les candidats souhaiteraient voir naître un “service public du logement” qui augmenterait le nombre de constructions de logements sociaux ainsi que les places en hébergement d’urgence. “Rappelez-vous la promesse d’Emmanuel Macron qui disait “plus personne dehors” ! Le savoir-faire, il existe, comme cette proposition de loi, il nous faut la majorité maintenant”, appuie Manuel Bompard (LFI). Le public, environ 200 personnes à présent, acquiesce et applaudit. On y croise des élus du Printemps marseillais comme l’adjointe (PS) et présidente du bailleur social Marseille habitat Audrey Gatian.

Autour de 200 personnes étaient présentes ce dimanche en fin de journée à Noailles. (Photo : SL)

“Il y a une grande méconnaissance de ces sujets, constate Kevin Vacher. On pense que le logement relève de la vie privée alors que c’est une question d’intérêt général, ça ne devrait pas être une marchandise”. “La majorité municipale hérite d’un bilan social catastrophique“, rappelle tout de même Mohamed Bensaada, d’ordinaire moins conciliant avec ses désormais alliés du Printemps marseillais. Un autre animateur du meeting et membre du collectif insiste finalement, “malgré les prochains résultats, le combat se mènera en dehors de l’Assemblée“, en invitant le public à s’inscrire sur une feuille pour soutenir la proposition de loi et recevoir les informations du collectif.

Intervention surprise

Le consensus affiché aurait pu en rester là jusqu’à l’intervention de Kaouther Ben Mohamed, fondatrice du collectif “Marseille en colère” et candidate divers gauche dans la 4e circonscription, celle de Noailles où se présente Manuel Bompard. Interrompant Thibaud Rosique (PS), candidat dans la 1ere circonscription, qui évoquait la problématique des passoires énergétiques, elle s’empare du micro. “Elles sont où les familles de victimes et les délogés ? Je ne vous autorise pas à instrumentaliser nos morts, s’emporte celle qui participe régulièrement aux Grandes gueules de RMC, suivie par un jeune homme la filmant. Il était où monsieur Mélenchon ?“. Le ton monte rapidement avec un homme du public et les organisateurs tentent de calmer le jeu.

Personne ne semble surpris de la scène. “Elle est candidate, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise“, soupire l’un des organisateurs. Pour Manuel Bompard, son candidat concurrent de la Nupes, la question de l’instrumentalisation n’en est pas une. “Je n’ai entendu personne parler à la place de quelqu’un d’autre. On ne peut pas dire que les politiques ne parlent pas de logement et puis, quand ils le font, parler d’instrumentalisation”, argue-t-il. Le candidat évoque notamment une proposition de loi portée par Jean-Luc Mélenchon en 2020 sur le droit au logement qui n’avait pas été adoptée.

Le meeting se termine et une mère de trois enfants vient s’adresser à Mohamed Bensaada. Retenant difficilement ses larmes, elle lui explique qu’elle demande un logement social et qu’on lui en propose un à Aubagne. Un choix qui ne lui est pas envisageable, car elle a besoin d’un suivi médical à Marseille. Sa situation complexe illustre toutes les difficultés d’accès au logement et ne peut “se résoudre en un claquement de doigts“, regrette le candidat.

En attendant, Kevin Vacher espère “que la Nupes sera cette caisse de résonance de ceux qui font la politique au quotidien“. Avant de clôturer son discours par un appel à la mobilisation et le slogan adopté par le collectif du 5-Novembre pour ne pas oublier : “justice et dignité”.