À Gardanne, un “rebond industriel” qui se fait encore attendre

Décryptage
le 13 Mar 2024
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La mission “Rebond industriel du bassin minier de Provence” présentait ce mardi ses principales conclusions, après six mois d’accompagnement de projets liés à la reconversion de l’ex-territoire minier de Gardanne et Meyreuil. Des conclusions qui manquent de concret.

La centrale de Gardanne. (Photo : Clémentine Vaysse)
La centrale de Gardanne. (Photo : Clémentine Vaysse)

La centrale de Gardanne. (Photo : Clémentine Vaysse)

Dotée de deux millions d’euros, la “mission Rebond” doit depuis septembre 2023 apporter un soutien technique et financier aux projets industriels les plus structurants du territoire. Financée par le programme Territoire d’industrie, pilotée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), elle a pour mission d’accompagner des projets “ayant un fort impact positif, territorial, environnemental et sociétal”, selon l’appel à manifestation d’intérêt de la Banque publique d’investissement (BPI), instructrice des dossiers.

L’enjeu de fond : soutenir une activité économique plus “verte” du bassin de Gardanne et Meyreuil où les sites industriels, jadis tout-puissants, disparaissent les uns après les autres. La mission Rebond est issue du plan France 2030 dévoilé il y a deux ans par Emmanuel Macron. L’enveloppe de 54 milliards d’euros doit, entre autres, permettre de “décarboner l’industrie” via les technologies émergentes et permettre notamment de devenir “le leader de l’hydrogène vert”.

Pour présenter les conclusions de la mission, étaient notamment présents, de gauche à droite : Hervé Granier maire de Gardanne, Bruno Cassette, le sous-préfet d’Aix-en-Provence, Isabelle Campagnola-Savon pour la région et Maurice Gava, adjoint au maire de Meyreuil. (Photo : Sophie Bourlet)

Au terme des six mois de la mission sur le bassin minier local, la liste des projets retenus n’est toujours pas connue. Pourtant, représentants de l’État et élus ont invité la presse à se réunir, ce mardi 12 mars, à Aix, au sein du campus futuriste en béton The Camp, qui semble ce jour-là bien vide. Dans la seule salle de réunion un peu animée, Bruno Cassette, sous-préfet d’Aix-en-Provence, Jean-Baptiste Gueusquin pour l’ANCT, l’élue chargée des entreprises à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Isabelle Campagnola-Savon et le maire de Gardanne, Hervé Granier se renvoient la balle, se remercient et échangent des rires.

on a un tissu industriel dynamique, tourné vers l’avenir, avec de nombreux projets de transition écologique et énergétique.

Bruno Cassette, sous-préfet

Ne seront présentés ce mardi que les résultats d’une étude réalisée par le cabinet privé EY, représenté par un consultant, Nicolas Gueritte, pour analyser “le potentiel du territoire de Gardanne-Meyreuil”. Les premiers résultats se veulent “très rassurants” selon le sous-préfet : “On souffrait d’un déficit d’image lié à l’histoire industrielle, mais on a un tissu industriel dynamique, tourné vers l’avenir, avec de nombreux projets de transition écologique et énergétique”. Parmi les 113 projets auditionnés dans les domaines, entre autres de l’aéronautique, de la mécanique ou de l’économie circulaire, plusieurs seront fléchés vers d’autres financements. Treize autres – toujours pas nommés – seront instruits par la BPI pour bénéficier de l’enveloppe Rebond industriel. L’État estime qu’ils permettront la création de 85 emplois.

Les élus se veulent enthousiastes. Ils souhaitent mobiliser du foncier pour favoriser l’attractivité, une quarantaine d’hectares disponibles, mais aussi favoriser les formations d’ingénieurs, notamment dans le domaine du photovoltaïque. “On aurait besoin de 1000 ingénieurs par an”, déclare Isabelle Campagnola-Savon, qui annonce que la région lancera un “plan ingénieur” au mois de juin. Les élus réaffirment leur volonté de conserver une terre d’industrie et veulent orienter son développement sur deux axes : la structuration de la filière bois, en collaboration notamment avec Fibois Sud, l’interprofession régionale et l’appui aux start-ups industrielles du territoire pour le développement de leurs produits innovants.

Plusieurs visions de la reconversion

Côté bois, les habitants de Gardanne et Meyreuil sont encore sur le qui-vive, après une véritable fronde contre la tentative de projet industriel de carburant à partir de bois Hynovera, projeté sur le terrain de la centrale de Gardanne puis largement réduit. “Nous ne souhaitons plus d’industrie lourde à Gardanne et Meyreuil !”, avertit Luc Le Mouel, secrétaire de l’Association de Lutte contre les Nuisances et les Pollutions (ALNP) et co-président de FNE 13. “Cette mission Rebond, on ne sait pas ce que c’est, mais on imagine que ça va encore être pour les grandes entreprises. Il va y avoir un mécontentement grandissant. On ne peut pas mettre au même endroit des usines et des milliers d’habitations”, prévient-il. De son côté, l’ALNP porte le projet “Nouvelle ère, nouvel air”, qui prône la création d’un technopôle de start-ups innovantes et une connexion avec la pépinière d’entreprise Cleantech installée dans le pays d’Aix.

Face aux inquiétudes des habitants, le maire de Gardanne, Hervé Granier (LR), est de son côté catégorique : “Nous serons une terre d’industrie. Le but de l’étude n’est pas de construire des logements. Je peux comprendre la colère des habitants à propos d’Hynovera, les futurs projets qui seront présentés le seront de manière intelligente”.

Auditionnés par le cabinet EY, puis par le sous-préfet, l’association ALNP n’a plus de nouvelles de la mission Rebond et ne se sent pas “prise au sérieux” sur le plan économique. C’est le cas aussi de la CGT de Gardanne, qui porte, elle, un projet de gazéification à base de déchets d’ameublements. La proposition n’aura pas attiré les faveurs de l’État, bien que se voulant à impact environnemental positif.

Pour Jean-Michel Roccasalva, de la CGT de la centrale de Gardanne, ces plans successifs sont des mirages : “La mission Rebond, nous, on en attend rien du tout, c’est un peu une mascarade”. Il préfère rappeler son inquiétude pour l’avenir des 90 salariés du site, dont l’avenir est plus qu’incertain. “On dit qu’on veut développer l’hydrogène, le biocarburant, les projets à vocation énergivore, comme les data centers. Mais en parallèle, on ferme des unités de production d’électricité. Où vont-ils aller chercher l’électricité ?” Une question qui reste en suspens, jusqu’au prochain rebond.

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Commentaires

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  1. Piou Piou

    Quelle insertion / articulation avec la collection de projets d’Orientations d’Aménagement et de Programmation (OAP) prévus au PLUI du Pays d’Aix, justifiés par la reconversion de la centrale thermique de Gardanne ou les filières “stratégiques” du territoire, et qui se traduisent par de l’artificialisation de terres notamment agricoles ? Est-ce qu’on sait sur quels sites et sur combien d’hectares s’étendront ces projets de “rebond industriel” ?
    La liste des OAP :
    https://www.registre-numerique.fr/enquetepublique-plui-paysdaix/documents#collapse97610

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  2. petitvelo petitvelo

    S’ils vont faire des starthuppeus, on est rassuré :))

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  3. Chani Chani

    Merci pour votre éclairage sur cette mission menée sans aucune concertation avec les habitants concernés. Qu’ils ne s’étonnent pas en cas de nouvelles frondes sur le modèle de celle contre Hynovera.
    Tant qu’à faire, s’ils pouvaient ajouter un peu d’industrie en rapport avec le vélo, ça leur donnerait peut être un peu plus envie de développer son usage dans la Métropole.
    D’ailleurs, on attend toujours les sous du fond mobilité décarboné promis en grande pompe il y a quelques années : https://www.ville-gardanne.fr/3-2-Approbation-du-Pacte-pour-la-transition-ecologique-et-industrielle-du
    Enfin, ont-ils discuté de l’avenir de la voie ferrée attenante (Gardanne – Carnoules) ? Elle a un fort intérêt au niveau du frêt et de desserte des zones industrielles.

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