À Aubagne, inquiétude autour d’un futur hôpital “obsolète” avant même sa construction
À Aubagne, un nouvel hôpital doit être construit pour remplacer l'établissement actuel, sur un terrain en périphérie. Les syndicats s'alarment d'un projet qu'ils jugent mal dimensionné pour les besoins du territoire.
Le nouvel hôpital d'Aubagne devrait être construit sur la plaine des Gargues, (Photo : JV)
“Au départ, on nous a fait miroiter un projet innovant, un campus santé. Mais, petit à petit, on a l’impression qu’ils reculent”, s’agace Marie Rouzaud, sage-femme et déléguée CGT à l’hôpital Edmond-Garcin d’Aubagne. Cœur de l’inquiétude qu’elle partage avec les autres membres de l’intersyndicale de l’établissement : la peur de voir le futur hôpital – dont le budget de construction avoisine 100 millions d’euros – naître avec, peu ou prou, les mêmes capacités que celui qu’il doit venir remplacer.
Le 26 mai dernier, lors d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire, les élus syndicaux ont d’ailleurs – comme l’a rapporté La Marseillaise – unanimement voté contre le “projet capacitaire” du projet de nouvel hôpital (PNH). Comme son nom l’indique, cette feuille de route définit les capacités de prise en charge, service par service, du futur établissement. “Ce capacitaire a été acté en mars par l’agence régionale de santé. Mais à quelques détails près, c’est finalement le même que celui de l’hôpital d’aujourd’hui”, regrette Marie Rouzaud. Cosigné par les organisations syndicales représentatives au sein de l’hôpital aubagnais, la CGT, la CFDT, l’UNSA et FO, un communiqué interpelle : “Dans le nouvel hôpital, nous retrouverons les mêmes services avec les mêmes dimensions. Où est le projet ambitieux et innovant promis lors du lancement des réflexions ?”
Enseignements de la crise Covid
Globalement, les syndicats décrivent un projet “déjà obsolète” avant même sa construction. Marie Rouzaud s’alarme, par exemple, que le plan capacitaire ne prenne pas en compte “un bassin de vie important, à la population vieillissante”. De son côté, Cristel Migliaccio, infirmière anesthésiste et secrétaire de la section CFDT, déplore qu’on n’ait “pas tiré les enseignements de la crise du Covid et de l’épidémie de bronchiolite”. Durant cette dernière, elle se souvient que le service de pédiatrie a dû gérer à 22 ou 24 enfants hospitalisés par jour, quand le service ne disposait que de 13 lits. Or le projet porte le futur nombre de lits à 14. “Souvent, les augmentations de un ou deux lits par service sont juste une mise en conformité avec la loi qui a évolué”, précise encore Cristel Migliaccio.
Actuellement on a dix box adultes. Avec régulièrement, des personnes qui attendent sur des brancards dans les couloirs. Et là, on n’aura pas plus de box?
Marie Rouzaud, CGT
Idem aux urgences. “Actuellement, on a dix box adultes. Avec régulièrement, des personnes qui attendent sur des brancards dans les couloirs. Et là, on n’aura pas plus de box ? C’est ridicule. On n’est pas la Timone, d’accord, mais deux box en plus aux urgences ça change la vie de ceux qui y travaillent, comme des patients !”, plaide l’élue CGT. Quatre box pour les enfants seront “créés”, si l’on en croit le projet capacitaire. Or, notent les syndicats, dans les faits, ils existent aujourd’hui. Leur création n’est en fait qu’une sanctuarisation de leur usage actuel. De la même voix, les organisations syndicales réclament donc un projet capacitaire “revu à la hausse”.
Ajustements encore possibles
Pour l’agence régionale de santé, à l’inverse, le projet médical et sa traduction en offre de soin sont correctement dimensionnés. “Ils tiennent compte des évolutions démographiques comme des évolutions de la prise en charge. Elle sera différente dans 30 ans, comme celle que nous proposons aujourd’hui est différente de celle d’il y a 30 ans. Comparer un lit d’aujourd’hui et un lit d’il y a 30 ans n’a pas de sens”, souligne Caroline Ageron, directrice de la délégation des Bouches-du-Rhône à l’ARS. Avant d’ajouter : “Ce projet est toujours en phase d’élaboration. Il a été présenté aux différentes instances pour avis et peut encore évoluer. S’il faut des ajustements sur tel ou tel secteur, c’est le moment d’en discuter.”
Mais, s’agacent les syndicats, les sujets de dialogue et d’adaptations possibles restent marginaux. “Le capacitaire est validé, sauf sur quelques points, comme le nombre de salles de consultation ou la possibilité d’une salle supplémentaire en bloc opératoire”, regrette l’élue de la CFDT. Unanimement, les syndicats blâment les porteurs du PNH – direction de l’établissement, ARS et mairie d’Aubagne – pour “leur opacité et leur manque de transparence et de communication”. Les représentants syndicaux ont rencontré le directeur de l’agence régionale de santé Denis Robin, lors de sa visite le 28 avril à l’hôpital Edmond-Garcin. “On a eu droit à seulement 15 minutes avec lui, pique une représentante du personnel. On a alors sollicité un rendez-vous. Mais depuis, on n’a plus de son, plus d’image.”
Questions en suspens
Le personnel se plaint aussi que les groupes de travail créés pour mener la réflexion autour de l’établissement à construire n’ont jusqu’à présent été ouverts qu’aux médecins et aux personnels administratifs. “Nous entrons dans une phase avec des comités de pilotage plus élargis”, assure Caroline Ageron de l’ARS. Mais ces comités ne dureront que trois mois, qui plus est en période estivale. Le dossier du nouvel hôpital sera soumis en septembre au comité régional de l’investissement qui se prononcera sur son éligibilité.
D’ici au lancement des opérations de marchés, début 2024, trop de questions restent en suspens, disent les syndicats. “Pourquoi le projet capacitaire est-il aussi contraint ? Est-ce qu’il y a un problème de budget ? On sait que les coûts de travaux flambent, du coup est-ce que le PNH va en pâtir ? “, énumère Cristel Migliaccio. En outre, le projet doit voir le jour aux Gargues, dans la périphérie d’Aubagne. Mais sur quelle superficie exactement ?, interpellent les représentants du personnel. Sollicitée par Marsactu, la direction de l’hôpital n’a pas donné suite, tout comme Gérard Gazay, le maire (LR) d’Aubagne. Au motif qu’elle convie les journalistes à une conférence de presse, ce mercredi à 17h. Avec sans doute des débuts de réponses.
Commentaires
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comme souvent dans notre région, les décisionnaires agissent et réfléchissent ensuite.
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Pas seulement dans notre région. Pendant que quelques pitres dits “experts” s’agitent en pérorant sur la “valeur travail”, dans aucun domaine on n’écoute les experts de chaque domaine : ceux qui travaillent tous les jours, au contact de la dure réalité, d’autres êtres humains, de l’espace, du temps, pas des tableaux Excel.
Une illustration consternante, avec la désorganisation des lycées entraînée par la réforme Blanquer annoncée au son des rodomontades sur “la reconquête du mois de juin”. Emploi du temps en miettes, absentéisme et abandon très brutalement accrus. Relisons les alarmes lancées par les syndicats d’enseignants, des associations pédagogiques lorsqu’elle fut annoncée : la situation actuelle était décrite par le menu.
Si ces décideurs qui n’ont jamais personnellement reçu une personne en souffrance et en panique à l’hôpital ne corrigent pas leur projet, dans quelques années ce ne sera pas la peine d’écrire un article. Il faudra juste ressortir ceux d’aujourd’hui. On le savait. Cela ne changera rien à la carrière et aux salaires des gens qui décident du haut de leurs bureaux, persuadés de leur omniscience. Ni à la carrière et aux salaires de ceux qui font le taf. L’ennui est que ces derniers arrivent de moins en moins à tenir jusqu’à la fin (repoussée de deux ans par les mêmes décideurs !), et que la bonne volonté, le dévouement et le sens du service public ne suffisent pas à donner envie aux jeunes de s’y mettre.
Mais c’est comme pour le climat : après nous le feu, entretemps on sera montés dans la hiérarchie et on dira comme le Président : ” qui aurait pu prédire…? “
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