Jeux, émoi
Tchache marseillaise et argot parigot
La natation française a bouclé ses Jeux 2016 en crachant dans sa soupe, préparée pourtant avec soin dans la cuisine marseillaise du CNM. Les mots volent aussi sur le vélodrome, et autour des filets du volley. Les snipers sont à l’honneur.
Tchache marseillaise et argot parigot
Michael Phelps n’a pas officiellement annoncé sa retraite, et il a déjà montré qu’il pouvait revenir après une telle annonce. L’ET du monde des bassins, après tout, peut continuer à jouer tant qu’il continue de gagner. Florent Manaudou n’a pas officiellement annoncé sa retraite. Mais cette perspective a suffisamment inquiété son entourage pour provoquer un pétage de plombs généralisé dans la natation française. Tout ça pour un centième de seconde…
Une victoire de Manaudou aurait permis de masquer les problèmes qui font maintenant bouillir les piscines, dans les villes où elles restent ouvertes. L’eau d’un bassin olympique de Rio tournait au vert et il a fallu le vider. Cela aurait pu peut-être permettre à la natation française d’y laver son linge sale en petit comité, avec une eau colorée en violet non par le pipi des dopés, dont parle Camille Lacourt, mais par le vinaigre abondamment utilisé dans les discussions fédérales.
Responsable des garçons en équipe de France, Romain Barnier (photo) est surtout l’entraîneur en chef du Cercle des Nageurs de Marseille, club qui est l’équivalent du PSG au niveau national. C’est une institution puissante, soutenue à fond par la mairie et les milieux économiques de la ville, comme l’a illustré la journaliste Marie-France Etchegoin dans son récent livre « Marseille, le roman vrai ». Ce club est par ailleurs le vivier principal de l’équipe de France de water-polo, qui participe aux JO de Rio après une longue absence, et qui y est venue pour constater les progrès à réaliser.
Le CNM est aussi la base du sprint masculin, avec les quatre relayeurs récents champions d’Europe du 4 x 100 m libre : Florent Manaudou, Fabien Gilot, William Meynard et Clément Mignon. Dans les épreuves de sprint de Rio, s’y sont ajoutés notamment Mehdi Metella, Grégory Mallet et Frédéric Bousquet (CNM), le Picard Jérémy Stravius, l’Isérois Jordan Pothain, le Toulousain Lorys Bourelly, et… l’Antibois Damien Joly. Ce spécialiste de 1500 m a remplacé à la dernière seconde Yannick Agnel, licencié à Mulhouse, et tombé malade à la veille du relais 4 x 200 m. Agnel était à la base de la médaille d’argent obtenue à Londres, après son titre en individuel, et ses coéquipiers comptaient sur lui pour tenter le même exploit. C’est à cette occasion que les débordements ont commencé vraiment.
Barnier, lui-même ancien sprinteur de bon niveau, a aujourd’hui la perspective de voir s’en aller Frédéric Bousquet et Fabien Gilot, en fin de carrière. Mais surtout Florent Manaudou, venu à Marseille dans le sillage de sa grande sœur Laure.
Barnier est arrivé comme entraîneur à Marseille, au terme d’une carrière entièrement passée sous les couleurs du CN Antibes. Son fort tempérament s’opposait à celui de l’entraîneur local Franck Esposito, lui-même ancien grand champion.
Au fil des années, sont arrivés Bousquet et Mignon (venus eux aussi d’Antibes), Gilot (ex-Rouen) et Metella (ex-Toulouse). Mais sont partis également Alain Bernard et son entraîneur Denis Auguin, qui ont apporté à Antibes en 2008 le premier titre olympique masculin sur 100 m obtenu par la natation française.
Vous comprenez alors pourquoi c’est le grand amour depuis longtemps entre les nageurs de Marseille et ceux d’Antibes. Barnier était absolument enchanté d’entendre les commentaires TV sur le groupe Canal+ de Bernard et Auguin, ses vieux amis. Pour le groupe FranceTV, officiaient Laure Manaudou et Philippe Lucas, autre entraîneur médiatique et pas forcément toujours bien disposé vis-à-vis du CNM, qui a su récupérer sa pépite, partie voyager dans un long périple.
Bernard est réputé pour son gentil caractère, à qui on attribue un échec dans le relais 4 x 100 m de Pékin en 2008, quand, un peu lesté par les effets de son titre individuel, il s’était fait croquer sur le fil par le retour de l’Américain Jason Lezak. Privant ainsi Gilot, Bousquet et le CNM d’une médaille d’or. Barnier a profité de cette amabilité, pour lui rentrer dans la moulure en conférence de presse. Lui reprochant pêle-mêle sa déloyauté vis-à-vis de la sélection et son incompétence pour briguer des fonctions à la fédération. Le message s’adressait aussi indirectement à Laure Manaudou qui venait d’interpeller le président de la Fédération Francis Luyce ex-recordman du monde du 800 m dans les années 1960), pour lui demander de faire participer les anciens champions aux activités d’encadrement fédéral.
Reprocher son attitude critique à Alain Bernard, en affirmant que ses nageurs à lui n’auraient jamais procédé de la sorte, était gonflé de la part de Barnier. C’est Camille Lacourt (CNM) qui a mis le feu au lac avec ses déclarations sur la couleur de l’urine chinoise. Et ce sont ses nageurs qui ont participé à la curée autour de Yannick Agnel, autre champion olympique pas particulièrement respecté en l’occurrence.
Il est vrai qu’Agnel est un élève de Fabrice Pellerin à Nice. Cet entraîneur rival a tiré à lui toute la gloire des succès obtenus à Londres par Agnel et la pauvre Camille Muffat, qui a laissé sa vie pour s’être laissée attirer par le maelström médiatique décrié par Barnier quand cela le dérange.
Pire, Agnel est allé rejoindre Lionel Horter, autre célèbre entraîneur rival à Mulhouse. Il était le mentor d’Amaury Leveaux, qui s’est fait un plaisir douteux en fin de carrière en allumant fort ses anciens partenaires de relais issus du CNM.
On va maintenant laisser retomber la boue au fond du bassin, et laisser refroidir tout ça. Il serait étonnant que les nouvelles attaques à propos du dopage favorisent les intérêts de la candidature pour les JO 2024 de Paris (couplée à Marseille pour les épreuves de voile). Les critiques implicites de l’action du CIO, de la Fédération internationale (qui a laissé nager les Russes) et de l’Agence Mondiale Antidopage vont créer un malaise.
A propos de bouillir et de bouillons, on s’étonne toujours du surnom que s’est choisi l’équipe de France de volley : le Team Yavbou, c’est-à-dire "Bouillave" en verlan. Additionner le verlan et le javanais dans le même mot est une invention linguistique remarquable, digne de certains gestes de la vedette Earvin N’Gapeth. Bouillave (mot d’argot qu’on prête aussi aux Gitans) évoque une action sexuelle peu consentie par ceux qui en font les frais, et c’est ce que veulent faire, symboliquement!, les volleyeurs à leurs adversaires. Alors que le volley, prisé pour cela par certains étudiants et sportifs bien élevés, est justement le seul sport collectif où les contacts sont rarissimes.On se défoule par les mots et les cris, c'est autorisé.
Le verlan est donc à l’honneur grâce à N’Gapeth, génial sur le terrain et parfois limite voyou dans la vie quotidienne. Comme le verlan, le javanais a été inventé dans les quartiers difficiles de Paris, qui n’avaient pas encore été exilés dans les cités de banlieue à la fin du XIXe siècle. A l'instar, du louchébem (argot des bouchers), il s’agissait de communiquer sans être compris des victimes d'un futur mauvais coup, ce qui peut être effectivement utile en volley.
On en trouve de multiples traces dans le parler populaire : chouraver ou maraver (javanais), lerche, loucedé, loufoque, loufiat, à loilpé (louchébem). Ces citations sont grâcieusement fournies aux équipes qui se cherchent un nom.
Celles qui sont censées endormir leurs adversaires peuvent choisir « Team Narco ». Euh, non, ce n’est pas du verlan.
VIGNETTES
# Gros pourvoyeur de médailles par le passé, le cyclisme français sur piste, comme c’était prévisible, ouvre aussi sa boite à gifles, tant la domination des Britanniques interpelle. Cela va se calmer avec les résultats du VTT et du BMX.
# Les tireurs français, à l'arc ou au pistolet rapide à 25 m, ramènent de l'argent et touchent leurs cibles. Comme les bavards aigris, d'ailleurs, qui oublient que le silence est d'or.
# Les sports co ont un coup de moins bien pour les Français, battus en handball et volley masculin et en basket féminin. Nuages dans le ciel des Bleus ?
« Le tennisman argentin Juan-Martin Del Potro ajoute Nadal après Djokovic à sa ceinture de scalps. Andy Murray va devoir batailler pour conserver son titre en finale. Chez les féminines, victoire ahurissante de la Portoricaine Monica Puig, survoltée à la perspective de réaliser un rêve d’enfant. Son adversaire allemande Angelique Kerber, grande favorite sur le papier, n’en est toujours pas revenue.
# L’athlétisme commence enfin, c’est le bonheur. Ses adversaires n’ont pas pu passer le Mo (Farah) et le champion olympique britannique sur 10 000 m a conservé son titre. La jeune heptathlète belge Nafissatou Thiam est une bien belle médaillée d’or.
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