Jeux, émoi
Chic et choc
La balade télévisuelle permet de passer un moment au frais, au bord du bassin d’aviron ou de la piscine, ou au chaud, dans les salles où s’affrontent boxeurs, escrimeurs et judokas. C’est parfois géniâââââl, parfois wesh, parfois les deux.
Chic et choc
Les commentateurs passent du chaud au froid en permanence, on vit vraiment dans l’ère de la clim, mais pas dans celle du climat tempéré.
Pas de médaille mercredi : brrr. Cinq médailles jeudi : waouh. Au bout de six journées, la France est 11e au tableau des médailles, et s’est fait redépasser par l’Allemagne et la Grande-Bretagne, restant encore loin de l’Italie. Au rythme de deux médailles par jour en moyenne, il y en aura une petite trentaine à la fin, prédisent les grincheux. Contredits aussitôt par les ravis, qui affirment : il n’y a encore eu que moins de 100 titres décernés et il en reste plus de 200 à glaner. Bof.
Il y a eu des médailles, donc, et les deux Français du jour engagés en judo étaient demi-finalistes, ce qui a provoqué un plus grand nombre de passages télévisuels sur les tatamis. On en retiendra peut-être le spectaculaire pansement qui a dû être posé sur le visage d’Audrey Tcheumeo. La Française n’était pas plus ravie que cela d’accorder ainsi un long temps de repos à son adversaire qui commençait à sentir le cramé, mais qui n’a pas su se ressaisir.
L’équipe d’épée féminine s’est vautrée dans le final de son match face à la Russie. La routine. Les joueuses et joueurs français de tennis ont pris une rouste, tandis que le plus cyclothymique d’entre eux, Gaël Monfils, reste imperturbable et demeure le seul encore en course. Banal.
Les cyclistes sur piste ont compris que lancer quelque chose de sale dans le ventilateur permettait de faire plus parler de soi que le gain d’une médaille. Ils ont rejoint les nageurs et les tennismen dans le local à poubelles olympique, qui est sous vidéo -surveillance permanente. Les escrimeurs et les judokas, mieux tenus par leur Fédé, hésitent encore y faire un tour. Il faudrait réinventer un réseau asocial, où l’appareil utilisé ne permettrait de ne communiquer qu’avec un seul interlocuteur. Et inventer une technique pour intégrer les âneries prononcées dans la biomasse. Auquel cas la France disposera d’un potentiel inépuisable.
La bonne nouvelle de la journée a été, à nos yeux, la médaille de bronze obtenue par le quatre de pointe poids légers, qui en annonce peut-être d’autres pour l’aviron français.
L’aviron, c’est géniâââl. Un sport élitiste, introduit dès le début au programme des JO modernes par les membres du CIO qui l’avaient pratiqué à l’université, ambiance Oxford-Cambridge. On n’y a jamais vu un équipage black-blanc-beur. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’en existe pas.
Il y a une bonne vingtaine d’années, l’aviron français, totalement disparu des radars, avait eu la chance de recruter après la chute du mur de Berlin, l’entraîneur national de l’ex-RDA, qui avait perdu son job. Eberhard Mund faisait gagner ses équipages, non pas à coup d’éprouvettes pour colorer les pipis, mais en révolutionnant les techniques d’entraînement et les observations sur la biomécanique ou l’entraînement mental.
L’aviron français a obtenu un total de 33 médailles olympiques, et treize d’entre elles ont été gagnées depuis 1996, où les troupes entraînées selon les consignes de Mund ont commencé à voir leur travail récompensé.
Outre cela, les rameurs sont des gens délicieux, intelligents, modestes, et courageux. Et surtout ce sont des athlètes magnifiques, qui produisent un effort insensé, d’une brutalité totalement contradictoire avec le caractère soyeux de leur déplacement sur l’eau. Il n’y a que très peu de disciplines plus exigeantes (la boxe, le cyclisme ?), et peu de sports aussi difficiles sur le plan cardiaque. Et chez eux, pas de chichi, pas de décision d’arbitrage suspecte : tu poses tes fesses dans la caisse, tu attrapes ton bout de bois pour la faire avancer, et pan, on se retrouve dans deux kilomètres.
L’embarcation à rame est probablement le premier moyen de déplacement, puis de transport, utilisé par l’humanité, avant qu’elle ne domestique les équidés. C’est un sport basique, et il faut absolument le protéger et le développer.
Pour préserver les chances des petits gabarits, quelques milliards d’individus sur Terre, devant les armoires qui raflaient toutes les médailles, la Fédération internationale des Sociétés d’Aviron (chic, non ?) a eu l’intelligence de créer la catégorie des poids légers pour les femmes et les hommes. Pour faire une place dans le programme olympique, on a fait disparaître d’autres épreuves de pointe (avec un seul aviron) ou de double, et les épreuves PL (réservée aux poids légers) changent à chaque édition. Ce qui rend les médailles plus précieuses et les rameurs qui les obtiennent encore plus méritants.
Quand on quitte le bord de mer huppé de Rio, devant lequel les rameurs s’affrontent, on arrive dans les salles surchauffées par les cris, où évoluent les boxeurs par exemple. Les écrans TV de France ne les exposent qu’au petit matin blême, à l’heure où ils se lèvent dans leur cité pour partir à l’entraînement, ou celle où ils reviennent se coucher après une nuit de travail. Dans les dix catégories masculines (trois en féminines), quatre boxeurs français sont déjà qualifiés pour les quarts, et d’autres vont sans doute les y rejoindre. Cela promet une brassée de médailles et peut-être la découverte du (ou des) successeur(s) de Brahim Asloum au palmarès olympique de la boxe en France.
Cette discipline rugueuse laisse le public coupé en deux, entre ceux qui trouvent inacceptable de regarder deux adversaires tenter de se détruire, qui ont raison. Et ceux qui disent que la boxe propose un spectacle captivant et impose des règles de comportement loyal aux combattants, qui ont raison aussi. Personne n'est obligé de regarder, il y a aussi du beach-volley.
La boxe professionnelle est en train de disparaître, minée par la corruption qui gangrène depuis des lustres son entourage. Ses magnifiques champions sont le plus souvent des êtres humains tout aussi délicieux et modestes que les rameurs des quartiers chics. Ils font honneur à leur sport, à leur pays et à leurs origines.
La boxe olympique est en train de sauver la discipline, qui voyait ses effectifs partir pratiquer les nouveaux arts martiaux plus sexy. D’abord, elle a accepté d’accueillir les femmes, qui combattent dans trois catégories à Rio. Ensuite, elle forme de bons athlètes, courageux et techniques.
Il ne reste plus qu’à organiser un circuit annuel de galas pour leur permettre de vivre de leur talent, et pour les protéger des intérêts véreux qui ont failli couler la discipline. N’oublions pas que la boxe (alors appelée pancrace) est aussi ancienne que la philosophie et la poésie, et qu’elle a surgi du même terreau.
VIGNETTE
# Argentine et Mexique ont déjà quitté le tournoi olympique de football masculin, qu’ils avaient remporté naguère. Le Brésil a échappé de justesse à ce triste sort, mais il lui faut totalement se débarrasser de la fébrilité qui le saisit quand il joue pour gagner un titre à domicile. Quand on se rappelle que les Brésiliens n’ont jamais été champions olympiques, on réalise aussi que la Nouvelle-Zélande a laissé échapper la première médaille d’or de rugby à VII, ce qui est tout aussi extravagant. Les Fidjiens sont allés se la chercher tout seuls, et leur joie procure autant de plaisir que leur jeu.
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