MARSEILLE : UNE MER (2)

Billet de blog
le 25 Oct 2024
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Poursuivons aujourd’hui le voyage que nous avons entrepris sur la mer de Marseille.

MARSEILLE : UNE MER (2)
MARSEILLE : UNE MER (2)

MARSEILLE : UNE MER (2)

Les marins de Marseille

Comme toutes les mers, Marseille est peuplée de marins qui y voyagent, qui s’y rencontrent, qui la parcourent, même, parfois, en la traversant sans prendre le temps de s’y arrêter. Qui sont les marins de Marseille ? Dans l’histoire, ce furent, d’abord, de véritables marins qui vivaient de la mer – mais cette fois de la « grande mer » (c’est le titre d’un livre magnifique de D. Abulafia), c’est-à-dire, tout simplement de la Méditerranée. C’est que Marseille est une mer dans une autre, enveloppée dans cette autre mer, presque, parfois, noyée en elle, faute de vraiment la connaître et de bien la comprendre. Les marins furent les premiers habitantes et les premiers habitants de Marseille. La légende nous explique que Marseille est née de la rencontre d’une enfant du coin, fille, tout de même, d’un seigneur – elle s’appelait Gyptis – et d’un marin venu là de Phocée – il s’appelait Protis. Née de la mer, Marseille a été fondée par un marin, le premier à y avoir donné une famille, venu, aussi, d’ailleurs. Finalement, c’était quelqu’un que l’on appellerait de nos jours un immigré. C’est bien pour cela que celles et ceux qui vivent à Marseille sont, comme tous les marins, pour la plupart venus d’ailleurs. Plus tard, les marins de Marseille furent ceux qui apportèrent à la ville des façons de vivre, de s’habiller, de se nourrir, et, surtout, de se parler. L’un des magnifiques tableaux de Vernet qui représentent le port de Marseille en son temps montre bien sur les quais et à bord des bateaux qui se croisent dans le port la diversité des costumes que l’on peut rencontrer dans la ville. De nos jours, les marins de Marseille – ou celles et ceux qui en sont issus – sont d’autres sortes de navigateurs. Les véritables marins ont été, peu à peu, éloignés vers le Nord, à la Joliette, d’abord, puis, de nos jours, dans les immenses installations portuaires qui peuplent le littoral du Nord. Mais les marins de la ville sont celles est ceux qui y travaillent, dans toutes sortes de métiers : exercer un métier est une façon de naviguer dans la ville, à condition de ne pas s’y perdre en y perdant son emploi, car l’emploi est devenu fragile, à Marseille, et beaucoup des marins qui la peuplent à notre époque sont devenus pauvres. Les marins de la la mer de Marseille d’aujourd’hui connaissent souvent une grande précarité et une grande fragilité.

 

Les phares et les ports de Marseille

Comme toutes les mers, Marseille est parsemée de phares et habitée par des ports. Les ports de cette mer sont les quartiers qui la peuplent des habitantes et des habitants qui y vivent. La diversité des îles de cette mer (nous parlions la semaine dernière de la complexité des significations du mot « île ») est, d’abord, celle des façons de l’habiter : des petites maisons individuelles du vallon des Auffes aux tours des quartiers récents en passant par les petits immeubles bourgeois des quartiers du centre, toute une diversité architecturale peuple la mer de Marseille, mais cette diversité de constructions est accompagnée d’une diversité des modes de vie, et, parfois, des conflits tenant à des incompréhensions de cette diversité. Mais cette diversité des îles est aussi celle des espaces collectifs, qu’il s’agisse des commerces, des petites échoppes où l’on va entre voisins qui se connaissent et qui se parlent aux gigantesques centres commerciaux anonymes qui ne sont pas habités mais seulement traversés, vite, vite, par des clients qui n’y vivent pas vraiment mais y passent en faisant des courses sans un regard pour leurs voisins, ne connaissant que les caisses qui commencent déjà à ne plus être habitées par des êtres humains mais par des robots et des dispositifs automatisés sans paroles et sans âmes. Ces îles de la mer de Marseille ne seront bientôt plus peuplées par des gens comme nous, elles deviendront tôt ou tard de véritables déserts si nous n’y prenons pas garde. Quant aux phares qui permettent de nous y retrouver, ce sont les mots, ceux de Marsactu ou des autres journaux, ce sont les écoles et les espaces de culture et de parole. Les phares de la mer de Marseille, ce sont ces phares dont parle Baudelaire dans le poème ainsi titré, à propos des peintes et des cultures : « C’est un phare allumé sur mille citadelles ». Gardons nos phares de Marseille, protégeons-les, pour ne pas nous y perdre.

 

Les pilotes des marins de la mer de Marseille

Les marins qui traversent la mer de Marseille sont guidés par des pilotes, qui connaissent les chemins à prendre et les écueils à éviter. Ces pilotes, c’est simple : ce sont tous les acteurs de la vie publique à Marseille, les militants, les témoins qui se racontent leur histoire les uns aux autres, les associations, les mouvements de politique et de solidarités qui sont les guides à qui nous pouvons faire confiance pour nous aider à peupler la mer de Marseille en y naviguant, en y voyageant, pour découvrir des côtés de cette mer que nous ne connaissons pas toujours. Lisons encore « les Phares » : « C’est un cri répété par mille sentinelles, un ordre envoyé par mille porte-voix ». Ces mots que nous entendons dans tous les quartiers de la mer de Marseille font d’elle une ville de langues qui la traversent et d’hommes et de femmes qui peuplent la ville-mer en parlant ces langues, et, surtout, ainsi, en s’y parlant. Pour naviguer dans une telle ville-mer, l’essentiel est de s’y parler en tentant, sans toujours y parvenir, à comprendre les mots des uns et des autres. Pour cela, les journaux, les médias de toutes sortes, peuplent la vie de la mer, c’est-à-dire la vie politique de Marseille. Ne l’oublions pas : sans la politique, comme toutes les villes, Marseille ne serait rien. C’est pourquoi il est nécessaire que la mer retrouve dans ses flots les navires et les marins de la politique de la ville pour que ses pilotes nous accompagnent et nous permettent de retrouver nos voix quand nous les avons perdues.

 

Les accidents et les naufrages

Comme toutes les mers, Marseille connaît ses accidents et ses naufrages. Un récent naufrage a eu lieu rue d’Aubagne, tout le monde se souvient de ces morts, de ces blessés, de ces immeubles engloutis dans la mer marseillaise, faute d’avoir été entretenus. Les accidents de la mer, ce sont les scènes de violence que nous connaissons, dans notre ville, ceux qui s’y font tuer pour les trafics de stupéfiants, les violences causés par ceux qui sont justement chargés de les éviter, les agents de la police. Les naufrages de la ville, ce sont aussi ces migrants perdus en quête d’un abri pour s’être noyés dans la mer qui borde Marseille. L’économie de la ville est la cause d’autres naufrages, les entreprises qui ferment, les licenciements qui font se noyer celles et ceux qui habitent la ville. Tous ces accidents donnent à la « mer urbaine » qu’est Marseille l’insécurité à laquelle seule peut répondre une véritable politique de la ville. Mais, dans cette mer, nous connaissons les courants contraires qui se heurtent, entraînant avec la violence de ces chocs une autre insécurité politique, comme entre la municipalité et la métropole ou comme des plans de sécurité urbaine concoctés ailleurs, loin de la mer Marseille, à Paris, comme le soi-disant plan « Marseille en grand » qui n’apporte rien. Pour mettre fin aux naufrages qu’elle connaît, il faut que la mer Marseille dispose de cartes, de boussoles, de pilotes : c’est le rôle des pouvoirs de la ville de faire naviguer la ville sur des flots enfin maîtrisés.

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