Le Grand port de Marseille ouvre avec beaucoup d’emphase une petite porte sur la ville
Ce jeudi, le grand port de Marseille inaugurait son "port center". Situé dans le hall de l'ancienne gare maritime en face la major, ce lieu est censé être le symbole de l'ouverture du port sur la ville.
De gauche à droite : Renaud Muselier, Martine Vassal, avec la feuille en main, Christophe Castaner, Benoit Payan, tourné vers l'objectif. Photo : VA
Ils sont tous là. Anciens ministres, maires, représentants de l’État, des collectivités, du monde économique… Autant de mocassins et talons aiguilles qui suivent le capitaine du jour d’un pas ordonné. Et ce jeudi 3 octobre, mieux valait-il bien choisir ses chaussures, car c’est par terre que les yeux sont rivés. Invitée à l’inauguration du port center, l’assemblée découvre, guidée par Christophe Castaner, l’actuel président du conseil de surveillance, le hall du lieu et son magnifique lino imitation port vu du ciel. “Ici, vous êtes dans les bassins Est, c’est de là que part la révolution de décarbonation”, lance l’ancien ministre de l’Intérieur macroniste, micro en main, tandis qu’il piétine la digue du large.
Connu pour son bagou, Christophe Castaner ne manque pas de comparaisons pour mettre en avant son nouveau royaume : “Le port, c’est l’équivalent de la ville de Paris. Dans une darse [bassins situés dans les ports pour permettre le déchargement des bateaux, ndlr], vous pouvez rentrer le Vieux-Port. Les ferrys de la Corsica Linea, ce sont les Twingo des mers quand arrivent les bus impériaux sur Fos”, énumère-t-il tout de go avant de revenir au sujet de la pollution de l’air, qui ne pèse pas moins lourd.
La “décarbonation” à toutes les sauces
En face d’une pancarte explicative encadrée, le président du port rappelle les derniers investissements pour l’électrification à quai, permettant aux navires de couper leurs moteurs et ainsi éviter de polluer plus encore l’air : 86 millions d’euros avec “l’élargissement des partenaires. À l’Europe, la région, le département, s’ajoute aujourd’hui la Ville de Marseille”, se félicite Christophe Castaner, suivi de près par le maire de Marseille, Benoît Payan. Les experts du sujet savent pourtant que le chemin est encore long pour parvenir à brancher les paquebots (prévu pour 2025), le chantier naval (2028) et même les navires de commerce.
Petits coups de coude tandis que l’essaim se déplace. “Regardez, on traverse l’étang de Berre, c’est magique, non ?”, tente un homme encravaté. “Ne vous noyez pas !”, lui répond un autre avec un lourd clin d’œil. “Nous effectuons une montée en puissance énergétique pour décarboner, poursuit le président du GPMM tandis qu’il arrive sur Port-Saint-Louis. Nous nous devons d’être respectueux des habitants.” Personne ne bronche. C’est désormais le moment d’admirer les maquettes installées dans ce hall de la gare maritime située en face de la Major, mises sous cloche telles des œuvres d’art. Le président du port décide de s’arrêter devant celle d’un porte-conteneurs CMA-CGM. Plus précisément, celui qui porte le nom de “Jacques-Saadé”, le fondateur de cette multinationale marseillaise, troisième armateur mondial du transport de marchandises et acteur incontournable du port. Au pif.
Mais n’allez pas reprocher à Christophe Castaner d’être chauvin. “Ils ont été les premiers à utiliser le GNL [gaz naturel liquéfié, qui pollue moins l’air que les carburants habituels, mais dont l’impact sur l’effet de serre est avéré, ndlr]. Tout comme MSC”, félicite-t-il, avant de vanter les mérites de l’éolien flottant. L’avant-veille, le port présentait en effet un projet de plateforme de fabrication d’infrastructures basées sur cette énergie renouvelable. “On ne va pas pour autant faire des champs de photovoltaïques et mettre des éoliennes sur toute la côte, mais les exporter en Espagne, en Sicile”, se veut rassurant le président du port. Une ferme éolienne est pourtant bien en gestation au large de Fos.
Concours de discours
Difficile de finir la traversée — du hall — sans un petit mot pour les dockers, symbole des métiers portuaires, et qui peuvent aussi, personne ici n’est dupe, constituer une importante source de nuisance en cas de conflit social. Grâce à un film en réalité virtuelle, les visiteurs du port center pourront se mettre à la place de ces derniers. “Certains passages font faire des haut-le-cœur, promet Christophe Castaner. Nous visons les jeunes, pour donner à voir, faire sourire.” Un lino original, des maquettes sous verre, des lunettes de réalité virtuelle et quelques panneaux informatifs encadrés. Il n’en faut pas plus pour galvaniser les discours. Pas un brin en manque de salive, Christophe Castaner ouvre le bal.
Le Port center accueille des élèves essentiellement des quartiers nord
Christophe Castaner
“Ce lieu symbolise l’ouverture du port sur Marseille. Le port suscite une fascination poétique, une frontière entre l’ici et l’ailleurs. Il doit affirmer son identité marseillaise, comme Marseille doit affirmer son identité portuaire.” Mais encore : “Recréer du lien social, ouvrir les grilles de cet endroit trop peu connu des Marseillais.” Il faut dire que sur ce point, le port part de loin. La charte ville-port, censée réaliser cet objectif d’ouverture, remonte à la dernière décennie. Tandis que l’ancien maire de Marseille Jean-Claude Gaudin voyait le port comme “un État dans l’État”. “Je me souviens, à l’époque, Jean-Claude Gaudin me disait qu’il y avait trois endroits où il ne sentait pas chez lui à Marseille : Euroméditerranée, les hôpitaux et le port. Et il disait ça avec une grande souffrance”, appuie le président du port.
Le port center, enchaîne-t-il, aura donc trois objectifs : “Informer, sensibiliser et séduire”. Ce dernier point est peut-être le plus concret. En effet, le port center a déjà accueilli des lycéens pour leur présenter les métiers qui s’y opèrent. “Des élèves essentiellement des quartiers Nord, précise Christophe Castaner. Pour qu’ils découvrent la culture portuaire, qu’ils entrent dans ce monde fascinant. Il y a des vies à inventer.”
Le concours de discours se poursuit avec le maire (divers gauche) de Marseille. Après un passage mythologique désormais obligatoire (Gyptis et Protis ont encore de beaux jours devant eux), Benoit Payan salue “la première étape d’une frontière qui tombe” et va même jusqu’à “remercier sincèrement le travail accompli qui permet de réinvestir et entrer dans le port, susciter des envies”. Ainsi, poursuit-il, des jeunes Marseillais deviendront “pilotes, dockers, ouvriers dans le chantier naval”. “Et passeront leur temps à faire du bruit la nuit”, glisse-t-on, taquin, dans l’assistance, en référence aux récentes supplications des riverains et de la préfecture pour tenter de baisser le volume nocturne des activités portuaires.
“Ces barrières, il faudrait les brûler”
Suivante à la tribune, Martine Vassal, elle, n’a aucune envie de baisser en intensité. “Il y a certes Gyptis et Protis, mais aussi la ville et le port. Et comme dans un couple, si on ne se parle pas, on s’éloigne”, introduit, romantique, la présidente du département et de la métropole. Pour éviter de se tourner le dos et maintenir les liens, “nous avons besoin des institutions, des acteurs économiques et des citoyens”, déroule celle qui estime faire partie “des collaborateurs financiers, mais aussi des facilitateurs”. Plus concrètement, la présidente cite en exemple de ces liens ville-port le Mucem, le J4 et, plus récemment, mais aussi plus partiellement, “l’ouverture de la digue du large, un rêve”. “Oh oui”, ne peut s’empêcher de retenir une dame blonde, visiblement nostalgique du temps où on pouvait faire du vélo sur la digue en question, à moins qu’elle n’ait été conquise par les apéros organisés par Provence Tourisme.
Après avoir pointé les opportunités qu’offrira la toute nouvelle cité scolaire Jacques Chirac, toute proche, en termes d’échanges avec le port, l’élue divers droite vire anarchiste : “Ces grilles, il faudrait les brûler”, lâche-t-elle au sujet des barrières qui entourent le port. Pas de quoi faire trembler Renaud Muselier, le président de la région, qui semble siamois avec celle du département. Ce dernier appuie sur le chemin déjà parcouru, avant même l’arrivée de Christophe Castaner au port (“même si au moins, avec lui, on est tranquille, les choses avancent”). Et ajoute aux projets déjà cités par Martine Vassal la réplique de Cosquer et, beaucoup moins récent, la salle de spectacle au Silo. “Nous sommes là à un carrefour politique et financier où l’on doit montrer en permanence notre amour au port”, abonde le président de la région, qui parle bien évidemment “d’argent”. Car pour basculer dans le XXIe siècle et tourner la page du pétrole, le port a singulièrement besoin du soutien de tout le monde.
Commentaires
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Un léger problème, une pecadille, une bricole.Les volumes traités sont en recul,le Port perd des parts de marché, les quais de la Joliette sont vides et les ferries font les moules l’hiver.
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Et le clin d’œil de M.Castaner sur les visites organisées pour les élèves des quartiers nord afin qu’ils puissent y inventer leur vie n’en est que plus lourdaud.
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gargarisme collectif ! belle brochette de faux-jetons.
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Ce qui fou c’est l’absence d’évocation des data center avec le futur cinquième d’entre eux sur le silos du sucre ….. ces industries du numérique vont bouleverser la fonction du port avec de nombreuses conséquences..
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Enfin on retrouve de l’humour dans Marsactu !
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“Ces grilles, il faudrait les brûler”
UNE INEPTIE DEMAGOGIQUE
pas de grilles sur le J4 précisément parce qu’il n’y a pas ou plus d’activité portuaire
mais circuler même en voiture sur un terminal roulier ou sur un terminal à conteneurs où circulent à 40kmh des charges de 20 à 40 tonnes serait suicidaire d’où les grilles; de même circuler sur les chaussées intérieures où se meuvent les uns derrière les autres des semi-remorques de 40 tonnes est périlleux .
Ancien administrateur du port autonome -(en qualiét de représentaje suis à votre disposition pour faire le tri entre les effets de manche à la mode et la réalité de l”activité portauaire
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Malheureusement les bassins est sont en sous-activité chronique, la plupart des môles est inoccupée et la digue ne sert plus qu’à l’hivernage des ferries l’hiver. Les conteneurs sont cantonnés à Mourepiane en accès direct avec les infrastructures routières et je pense qu’il y a bien longtemps que les semi-remorques ne rôdent plus dans le reste du port. Il eût peut-être été judicieux de regrouper le pôle ferries avec les pôles conteneur et croisière dans les môles nord et restituer à Marseille la partie sud à partir du pont d’Arenc, sud de la digue incluse.
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@Bernard, merci de votre initiative. Puisque vous y invitez les lecteurs de Marsactu, j’ai une question : les conteneurs de 20 tonnes, les semi-remorques de 40 tonnes, ne serait il pas plus utile de les faire circuler sur l’espace portuaire de Fos ? et de consacrer l’espace portuaire de Marseille à des activités plus “soft”, genre éclater des conteneurs pour livrer des colis de 20 Kg un peu partout sur le territoire de la Ville et ses alentours ?
ça supprime pas de travail sur Marseille, ça le transforme. Et ça en crée à Fos, qui offre tous les avantages pour ce genre de logistique “lourde” (notamment avec la connexion au Rhône).
Et ça allègerait la zone littorale de contraintes de sécurité, pour peut être la rendre accessible aux Marseillais.
Je me suis souvent interrogé sur ces orientations. Si vous avez des réponses, ça m’intéresse. Merci d’avance.
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représentant du personnel
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Ils ont pris cher, le Big Bazar.
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Voir à Barcelone ou Gênes comment le port est dans la continuité de la ville. Impossible ici ???
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Encore un machin dont la fonction sera principalement d’employer quelques amis qui seront donc vos obligés (à charge de revanche, donc) et à continuer à occuper le terrain (la côte marseillaise) en toute illégitimité car complétement hors des clous de la fonction d’un port qui est de gérer des flux de marchandises et de passagers.
Et surtout un exemple de plus de ce qui fait mourir Marseille : le clientélisme.
Un jour – c’est particulièrement urgent vu le déficit de l’état et des collectivité territoriales – il faudra un audit sérieux sur ces points :
– Combien coûte l’entretien du vieux port (draguage, travaux, … ) et combien ça rapporte ? (Sommes versées par les plaisanciers usagers et leurs associations – société nautiques)
– Combien coûte l’entretien de l’espace entre l’Estaque et les Corbières (draguage, travaux, amortissement des « investissements » … ) et combien ça rapporte ? (prix payé par les sociétés qui gèrent cet espace et/ou les plaisanciers usagers)
– Pourquoi la nouvelle gare maritime n’accueille pas les véhicules en attente de départ pour l’Algérie mais que ceux-ci ont bloqué tout l’été le Bd du littoral entre Calade et Cabucelle ?
J’en passe et j’en oublie mais les lecteurs pourront en ajouter d’autres.
Bref le GPMM se casse la gueule mais c’est aussi un véritable boulet qui entraine avec lui toute la façade maritime marseillaise mais comme il nourrit aussi beaucoup de clients alors ils sont nombreux ceux qui ne voient rien n’entendent rien et, surtout, ne disent rien.
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Et on devrait voir apparaitre dans l’organigramme du GPMM un directeur et un sous directeur de la pédagogie, chacun avec sa voiture de fonction …
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Aaah enfin des nouvelles de Castaner, ça faisait un bail ! Je me demandais ce qu’il devenait, ce qu’il faisait de ses journées. Je vois… palabres entre potes et petits fours…
On dirait que les journalistes de Marsactu saturent de la vie politique marseillaise, des discours blablatant des un.es et des autres, comme on les comprend ! Un peu d’humour, de légèreté, c’est bien aussi.
Surtout pour ce machin inauguré par le microcosme local, où les millions engloutis ne serviront à rien. Sinon à servir de cache misère à grand coup de “fiers de notre port à nous !”
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Aux coups de millions cités vous pouvez rajouter ceux dévolus à la construction du nouveau siège social qui semble d’un intérêt vital.
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Lier le Porc avec sa ville ! tout le monde est pour ! Par ex, ce lien a existé pendant plus de 100 ans avec l’accès de la population à son littoral, 7 kms de digue du large, non entretenue, laissée crapuleusement à l’abandon, privant la ville d’une incroyable ressource de loisirs et de tourisme. Le reste n’est que blablatage
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‘Murs, ville,
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise :
Tout dort.
Dans la plaine
Naît un bruit.
C’est l’haleine
De la nuit,
C’est la plainte
Presque éteinte
D’une sainte
Pour un mort. […]’
Quelques années avant d’embarquer sur le ‘bateau ivre’ arthurien, je fus – et je reste – fascinée par cette magistrale performance poétique de Totor* : les huit vers de chaque strophe comportent un pied (= une syllabe) de plus que ceux de la précédente, jusqu’aux huit alexandrins de la strophe médiane, entre 2 strophes de décasyllabes puis ainsi de suite en abrégeant d’un pied à chaque strophe jusqu’au final où il retombe sur ses 2 pieds :
‘[…] On doute,
La nuit.
J’écoute.
Tout fuit,
Tout passe.
L’espace
Efface
Le bruit.’
Oui, car VH n’a pas écrit que Les misérables et Notre-Dame de Paris. Au passage, ce poème n’est pas un simple exercice de virtuosité, c’est aussi la mise en scène d’un cauchemar où se déploie l’imaginaire romantique (et orientaliste) de la terreur. Le jour s’est levé, tout mouillé : bon dimanche !
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Joli ! Je ne connaissais pas. Merci.
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Oui merci 😄 quel plaisir !
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