Impôts, loyers, concerts : les millions perdus du stade Vélodrome
Une décennie après la mue du stade iconique, la chambre régionale des comptes joue les arbitres du contrat signé par la Ville. Et de ce qu'il est devenu depuis l'entrée d'une filiale de l'OM au centre du jeu.
Le Stade Vélodrome un soir de match (Photo : Coralie Bonnefoy)
La chambre régionale des comptes rechausse les crampons. Dix ans après une série de tacles appuyés, les magistrats financiers reviennent sur la gestion du stade Vélodrome, équipement municipal exploité par l’Olympique de Marseille. Et s’autorisent, au passage, une petite victoire, sur le défunt maire, Jean-Claude Gaudin, qui répondait à ses inquiétudes que le nouveau stade coûterait dans “le pire des cas” un peu plus de quatre millions d’euros par an aux finances publiques, voire rien en cas de bonne saison de l’OM. Au final, c’est près du triple, constate la chambre. En cumul, le tableau affiche désormais 99 millions d’euros.
Consulté par Marsactu avant sa présentation au conseil municipal de Marseille ce vendredi, ce rapport pointe, sur près de 70 pages, une série de lacunes dans le suivi du contrat de partenariat public-privé (PPP). D’abord, entre la Ville et Arema, qui a posé un toit sur l'”enrhumoir” et doit l’entretenir jusqu’en 2045. Puis avec l’OM, qui a repris la gestion quotidienne depuis 2019.
Des impôts remboursés à ceux qui n’en paient pas
Le raté le plus flagrant se chiffre à 8,5 millions d’euros. C’est le montant cumulé, année après année, de la redevance payée par la Ville pour couvrir l’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire sur les bénéfices, d’Arema. Problème : “Arema, dont le résultat est majoritairement déficitaire depuis sa création, n’a payé au total que 78 567 euros d’impôt sur les sociétés de 2014 à 2022.” Faut-il le préciser ? Pour les magistrats financiers, ces paiements de la Ville n’ont donc pas lieu d’être. Ils notent que les prévisions initiales n’ont même pas été mises à jour quand la taxation des bénéfices est passée 33,3 % à 25 %, pendant les deux quinquennats d’Emmanuel Macron. Arema a continué à encaisser et la Ville n’a rien vu.
Dans son courrier de réponse au rapport, qui lui a été adressé en juin, le maire de Marseille Benoît Payan avance une explication : un changement de méthode comptable de son partenaire privé “ayant pour conséquence de concentrer l’impôt sur les sociétés sur la seconde moitié du contrat”. Mais, pour la chambre, le contrat ne prévoit absolument pas que ce remboursement se fasse à l’avance, pour “couvrir le paiement d’impôts à venir”. “La Ville de Marseille ne saurait rester inactive”, convient Benoît Payan dans sa réponse générale. Il compte engager des discussions avec Arema, “profitant du résultat du contrôle de la juridiction financière” sur ce point.
Mauvais contrôle
Et sur d’autres : absence de renégociation des taux d’intérêts — la Ville ayant parfois payé le triple à Arema de ce qu’elle payait pour ses propres emprunts —, absence de pénalités, flou des flux financiers entre Arema et l’OM au titre du “secret des affaires”… “Ce contrat de partenariat soulève de nombreuses difficultés et je suis déterminé à mettre les moyens nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations évoquées plus haut”, assure encore le courrier de réponse du maire, après avoir rappelé que ce cadre qui contraint encore la commune pour plus de vingt ans “résulte des choix des majorités précédentes”.
Là encore, la CRC propose une rediffusion du précédent opus :
“Dans son rapport sur la gestion de la commune publié en 2013, la chambre avait noté la faiblesse des ressources internes de la ville lors de la phase d’élaboration du contrat et la prépondérance de cabinets externes, qui rendait la commune très dépendante de ceux-ci. La chambre indiquait que ces moyens, s’ils n’étaient pas renforcés, risquaient de rendre difficile le suivi de l’exécution du contrat.”
La conclusion cingle comme un “on vous avait prévenus” : “La commune n’a pas mis en œuvre cette recommandation.” Quatre ans après l’alternance politique, la critique vaut aussi pour l’exécutif actuel. Ce marquage à la culotte est d’autant plus nécessaire que le transfert de l’exploitation depuis 2019 à une filiale de l’OM, Mars 360, a complexifié le jeu. Laissant, souvent, le champ libre à l’OM, simultanément dans la situation du loueur et du locataire. Pendant plusieurs saisons sportives, “le contrôleur, chargé de vérifier l’état du stade, et le club résident, preneur du stade, étaient de facto la même personne”. C’est-à-dire un salarié du groupe OM.
Plus de bonus concerts
Entrant dans les ramifications contractuelles de ce changement d’acteurs, les magistrats alertent aussi sur un manque à gagner potentiel pour la Ville sur le volet événementiel. Réunis en 2018 en salle des mariages de l’hôtel de Ville par Jean-Claude Gaudin, le patron d’Arema de l’époque, Bruno Botella, et celui de l’OM, Jacques-Henri Eyraud, n’y voyaient que du mieux. Le premier s’enlevait un “risque de programmation”. Le second pouvait développer “l’OM expérience” et le “modèle économique d’un stade moderne”. L’adjoint aux finances retenait quant à lui une certitude : Arema continuerait à lui reverser environ 13 millions d’euros par an au titre des recettes commerciales “garanties”.
Après leur analyse, les magistrats ajoutent un bémol de taille : la Ville ne touchera pas plus que ce plancher garanti. En effet, Arema devait partager à 60% avec la collectivité les revenus tirés des concerts et autres salons qui dépassaient ce montant. Un bonus somme toute théorique puisque le Vélodrome n’avait jamais réussi à générer suffisamment de chiffre d’affaires. Désormais, elle n’a plus rien à reverser puisque c’est la filiale de l’OM qui gère la commercialisation… Sauf que cette dernière n’a rien signé avec la Ville. Si l’OM “parvient à développer fortement l’activité d’exploitation du stade et à générer un chiffre d’affaires important, elle gardera les recettes correspondantes”, constate la CRC, qui invite la Ville à “renégocier”.
Un loyer de l’OM encore trop bas
Pendant que ces grandes manœuvres s’opéraient, les maigres effectifs municipaux dédiés au sujet ont encore fondu. En 2016, moins d’un équivalent temps plein s’y consacrait au sein des deux directions identifiées — grands équipements d’une part, affaires juridiques d’autre part. “La direction en charge des travaux et services techniques de la Ville n’est pas associée alors même qu’il s’agit de suivre le fonctionnement et l’entretien corrects d’un équipement”, note au passage le rapport. Mais, en 2022, l’agent de la direction des grands équipements a vu la portion dédiée au suivi du contrat “considérablement réduite, celui-ci n’étant plus qu’une activité annexe”. À cette critique, le maire répond qu’un poste à temps plein sera “très prochainement pourvu” et que l’agent serait secondé par “toute l’ingénierie requise”, en interne ou en externe.
Ce poste de défense des intérêts de la commune n’enlèvera pas la nécessité d’une attitude plus offensive face au club mythique. En dépit des hausses de loyers successives, pour atteindre huit millions d’euros par an, la CRC le considère encore insuffisant. Si cette part fixe s’approche des recommandations initiales, les renégociations de 2022 et 2023 ne permettent toujours pas d’espérer un réel bonus variable en cas de parcours européen de l’OM.
Si l’on ajoute des montages baroques de rabais sur les travaux et des loyers non exigés, les relations avec le club ont parfois un air de soutien déguisé, alertent les rédacteurs du rapport. C’est toute la complexité de la stratégie affichée par le maire dans son courrier de réponse : défendre “l’intérêt des Marseillaises et des Marseillais” sans abimer “un marqueur important de l’identité culturelle marseillaise”.
Commentaires
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Que n’avons nous pas entendu de la part de Payan concernant le dossier du Vélodrome et de sa gestion sous l’ére Gaudin et à juste titre.
Et là patatras, le successeur de Jean Claude épinglé par la CRC sur ce dossier sur les mêmes causes et bien sûr avec les mêmes effets.
La gestion juridique de cette ville frise le ridicule, mais la gestion des dossiers financiers et du contrôle de gestion ne valent pas mieux.
Peut être une inauguration de rue cette semaine par notre ” bon maire”avec comme nom sur la plaque ” les agents publics sont responsables de leur administration puisque la société a le droit de leur en demander compte”
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Un sponsoring Pernod Ricard serait il la solution à tous ces problèmes ? Ou le transfert de cet équipement d intérêt métropolitain, ou même régional, presque national à qui de droit ?
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En remerciement, l’OM a décidé de rebaptiser le Virage sud, Virage Benoît-Payan.
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Gabegie par ci, gabegie par là, et encore ici n’est pas mentionné le vampirisme de Bouygues et droits à bâtir accordés à l’époque par l’équipe Gaudin & Co
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Un vieux réflexe: corriger l’orthographe. “… que ce remboursement se FASSE (conjonctif présent du verbe FAIRE et non se FACE, nom commun féminin) à l’avance”. Désolée!!
Mais j’ai apprécié l’article qui devrait intéresser tous les Marseillais.
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Rectifié, merci !
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Une belle coquille dans le texte : “face” pour “fasse”….si vous pouvez rectifier…
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Jacques-Henri Eyraud, qui avait conçu toute cette embrouille dévastatrice pour nos comptes en banque, est forcement quelqu’un de bien puisqu’il a reçu des propres mains d’Emmanuel Macron la Légion d’Honneur. Vous êtes tous des jaloux et comme disait feu Gaudin, vous faites rien que du marseillobashingueu.
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A désespérer de la parole politique !
Déjà le contrat semble hyper déséquilibré, sacré Jean Claude et ses supers adjoints et services juridiques.
Et puis, vous allez voir ce que allez voir, à grands coups de menton, on va le vendre…et là sacré Benoît, qui avait juste oublié que vendre un stade au coût de revient de 300/400 millions d’euros était un peu plus compliqué que de vendre un appartement; et que le nombre d’acquéreur se réduirait, si tant est qu’il y en ait un un jour.
Alors je veux bien, 2, 3 ans pour se mettre en jambe, mais 4 ans, toujours pas un agent pour s’occuper à plein temps d’un bien payé 3/400 millions (plus de 10.000 agents à la ville) qui est censé rapporter 8/10 millions par an, ça dépasse l’entendement.
La ville rembourse de l’is jamais payé, se fait rouler par son locataire, ne suit pas les travaux, se fait payer avec du retard sans intérêts, j’ai vraiment du mal à comprendre ce laisser aller, surtout quand la même ville conteste une partie du versement de la subvention de ma façade alors que je considère avoir respecté pleinement les règles.
C’est désespérant d’incompétence et de je m’enfoutisme pour une municipalité qui vociférer à juste titre de la mauvaise gestion de l’ancienne municipalité.
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…Malheureusement ce montage était voué à nous couter un bras et demi dans la durée et même à nos enfants!!!!!.Ca ressemble à ce que font les organismes de crédit révolving avec les personnes qui ne comprennent pas ce que ca leur coute….La les payeurs c’est les contribuables marseillais…Basta.
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L’impression qui reste c’est que les montages financiers autour du stade ex-vélodrome étaient bien étudiés et ficelés afin que la mairie soit le dindon de la farce. Mr Gaudin et son équipe se gargarisaient avec ces contrats dont les conséquences (néfastes) font partie de l’héritage trouvé par la nouvelle municipalité. Il est tellement facile d’affirmer (yaka, faucon) qu’en quatre ans, toutes les chausse-trappes gaudinesques auraient dû être déjouées.
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