Érika Riberi vous présente
Chronique littéraire

Fureur de vivre sur la Corniche Kennedy

Chronique
le 23 Juil 2016
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Fureur de vivre sur la Corniche Kennedy
Fureur de vivre sur la Corniche Kennedy

Fureur de vivre sur la Corniche Kennedy

Il m’a dit (Benoît Gilles, qui « supervise » la bonne tenue de cette chronique littéraire marseillaise) : « Dans dix jours, c’est ta chronique, je pensais peut-être à Corniche Kennedy de Maylis de Kerangal, pour sa saveur estivale. Tu en penses quoi ? »

Je me suis dit (et lui ai répondu): « C’est l’été, ça fait un petit bout de temps que je veux le lire, en plus l’adaptation ciné devrait bientôt sortir *… Alors allons-y ! »

Et m’y voilà donc dès les premières lignes, sur cette Corniche Kennedy, directement projetée par les mots sur l’emblématique boulevard marseillais, « ruban de feu liquide coulé entre la ville et la mer ». C’est le début de l’été, et c’est là, sur la « plate », en contrebas de la corniche, que se retrouve au quotidien toute une bande d’adolescents dont la plupart habitent les « tours merdiques des quartiers pauvres de la ville », celles des quartiers Nord. D’une marge à l’autre de la ville, ils trouvent ici l’espace de liberté où laisser exprimer la puissance éblouissante de leur vitalité juvénile : c’est bien ce que perçoit Sylvestre Opéra, directeur de la Sécurité du littoral, qui, à une trentaine de mètres en amont de là, les observe chaque jour s’adonner au plaisir frénétique du plongeon sensationnel depuis le bord de la corniche. Car sauter, pour eux, c’est plus encore que propulser leurs corps «  à l’avant de la corniche, à l’avant de la ville, à l’avant du bourbier qu’ils laissent dans leur dos, le bourbier de l’enfance et des secrets pourris ». Pour eux, sauter va jusqu’à signer une réconciliation, un instant où, le temps d’un plongeon du “Just do it” ou du “Face to face”, le corps tout entier entre en symbiose et en harmonie avec le monde :

« […] il sait la relance du monde à chaque saut, à chaque impulsion de pied sur la pierre, comme une figure libre qui ferait le pari de la transcendance inversée, il sait le corps débordant et désorienté qui reconquiert un autre espace, un autre monde à l’intérieur du monde ; non pas la chute, non, le truc grisant de tomber comme une pierre, mais être contenu dans le ciel, dans la mer, là où tout croît et s’élargit, et devenir le monde soi-même, coïncider avec tout ce qui respire, et que ce soit intense, rapide, léger […]. »

On applaudit la plume de Maylis de Kérangal, qui nous donne sacrément envie d’aller sauter avec eux et de (re)découvrir la sensation d’un grand plongeon… Sauf que manifestement, cette histoire ne plaît pas à tout le monde de la même manière ! L’arrêté municipal tombe : les sauts sont interdits. Tolérance zéro, annonce le Jokey, maire tout-puissant de la ville. C’était bien sûr sans compter sur la fougue, l’insolence et le désir de liberté de ces jeunes ados rebelles à toute capitulation. La guerre aura bien lieu, et « la chasse aux enfants de la Corniche » est ouverte : patrouilles cyclistes, brigades maritimes, caméras de surveillance, etc. L’ultra-sécuritaire se déploie à souhait : ça suffit les bêtises, prière de revenir dans les périmètres sécurisés, en deçà des lignes de bouées. Alors, game over ?

Je vous laisse le découvrir, mais ce qui est certain, et réussi dans ce roman, c’est qu’il y a quelque chose de très lumineux (c’est l’été !) dans l’écriture de la force et la fougue de ces corps d’ados insouciants libérés de l’hiver, « brûlants de vie comme des torches en plein vent ». Une fougue et une force auxquelles s’oppose une deuxième trame construite autour des fantômes et enquêtes du flic solitaire Sylvestre Opéra, celui-là même qui observe la bande depuis ses jumelles et se voit sommé par le maire de débarrasser le lieu de sa présence (je n’en parlais pas pour rien au début de cette chronique !)… Tout cela finira par se rencontrer, mais, une fois de plus, je ne vous dirai rien, pour ceux qui auraient envie de se plonger dans le roman… Bonne lecture, et bon été !

* Le film, réalisé par Dominique Cabrera est prêt. Il a été présenté en avant-première le 12 juillet dans le cadre du FID au théâtre Silvain.


L'extrait

Commentaires

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  1. Happy Happy

    Pas grand chose à voir hormis la toponymie : une anecdote entendue ce week-end.
    Une connaissance se fait démarcher au téléphone :
    “- Bonjour Madame B., vous habitez bien au XXX Corniche Jean-François [sic !] Kennedy ?
    – Oui…
    – C’est drôle, parce que moi je m’appelle Maryline, vous vous rendez compte ? Mais attention, hein, moi je me drogue pas !”

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