Après l’agression d’une médecin à la Viste, une mobilisation pour garder les soignants
À la Viste (15e), plusieurs dizaines d'habitants se sont mobilisés suite à l'agression d'une médecin le 12 août. Derrière l'enjeu sécuritaire, la crainte de voir la situation s'empirer dans le Nord de Marseille, largement en manque de soignants.
Saïd Ouichou et Nadia Boulainseur avec la médecin agressée à la Viste (15e). (Photo: SH)
“Il y a tout Marseille ici“, se réjouit une riveraine face à la foule devant le cabinet du Dr Saïd Ouichou à la Viste (15e), ce jeudi. Dix jours plus tôt, sa consœur était agressée par deux patientes après avoir refusé de donner une ordonnance destinée à une autre personne. Les deux jeunes femmes auraient frappé et mordu la médecin, qui s’en sort avec quatre jours d’arrêt de travail. Face à la foule, elle ne peut cacher son émotion. “J’ai choisi de venir ici car je voulais être utile. Pour l’instant je n’ai pas décidé de rester ou non. Mais cette mobilisation va jouer dans ma prise de décision”, explique-t-elle. “Reste avec nous !”, scande une habitante dans la foule, rapidement applaudie.
Figure du quartier, Saïd Ouichou veut donc “faire quelque chose d’utile de cette agression”. “Un confrère a récemment été agressé dans le 7e à Malmousque, ça arrive partout”, expose le médecin, lui-même victime d’une agression dans son ancien cabinet, qui l’a poussée à partir en 2022. À ses côtés, le secrétaire général du conseil départemental des l’Ordre des médecins, Bruno Bellet, fait un état des lieux préoccupant : “Dans les Bouches-du-Rhône c’est deux agressions recensées par semaine, en augmentation de 10 %”. Il précise ensuite à Marsactu que les deux tiers sont verbales et les autres physiques. Le rapport annuel complet sortira en septembre.
Un métier visé
À ce sujet, la première adjointe au maire de Marseille chargée de la santé et médecin de formation, Michèle Rubirola, veut rappeler que le problème est ancien : “À partir du moment où l’on prescrit des médicaments on est sujet à des pressions. J’ai plusieurs fois été confrontée à des gens violents en crise de manque. C’était il y a 20 ans déjà.” Difficile donc de savoir quelle part de l’augmentation des chiffres est liée à la plus grande visibilité du problème.“Beaucoup de médecins ne font pas l’effort de signaler, peut-être en se disant que ça ne sert à rien”, estime Bruno Bellet.
Dans ce contexte, Saïd Ouichou a été reçu par la préfecture de police ce mardi. Le médecin a obtenu une liaison directe avec la police, comme c’est déjà le cas dans certains cabinets identifiés comme à risque. Une revendication centrale, la médecin aurait appelé la police une première fois mais, face à ses agresseuses, elle n’a pas pu faire comprendre le problème aux forces de l’ordre qui ne se sont pas déplacées. Il aura fallu attendre un deuxième appel pour obtenir une intervention, après le départ des patientes qui n’ont toujours pas été interpellées à l’heure où nous écrivons ces lignes. “Quand c’est au Prado, ils interviennent de suite”, lâche le médecin, amer. Des patrouilles aux heures de fermeture, lorsque les soignants sont souvent seuls, sont aussi envisagées. “Il faut que les médecins restent”, martèle la préfecture.
garder les soignants
L’enjeu de taille dans le nord de Marseille, zone d’intervention prioritaire selon le zonage de l’Agence régionale de santé (ARS), signifiant un manque important de personnel de santé. La maire de secteur, Nadia Boulainseur (DVG), n’hésite donc pas à s’adresser directement aux soignants ce jeudi : “Je ne veux pas que l’on ramène ça à tout un quartier. En tant que maire de secteur je vous demande de rester”. Une inquiétude relayée par les habitants qui sont nombreux, après la prise de parole, à demander personnellement à Saïd Ouichou si sa collègue va rester. “C’est compliqué de trouver un médecin ici, on n’a pas beaucoup de possibilités”, explique une habitante. Face à la devanture du cabinet son ami ironise “ouvert sept jours sur sept, mais où tu vois ça ici?” Pire, ce manque d’accès aux soins viendrait alimenter le problème. “L’endroit où il y a le plus d’agressions c’est en psychiatrie et on y ferme des lits tous les ans”, résume un représentant du syndicat Sud santé.
Pour éviter une désertion, les pouvoirs publics comptent sur la force du nombre. Michèle Rubirola défend alors le modèle des centres de santé avec plusieurs praticiens, comme en ouvrent les hôpitaux de Marseille, limitant les chances de se retrouver seul. Même son de cloche chez Sébastien Delogu, député LFI dans le 15e et lui-même patient de Saïd Ouichou. “Les médecins viennent quand il y a des centres de santé et ça allège les cabinets comme celui-là”, veut croire l’élu. Pour rompre l’isolement, l’ARS a également promis “un accompagnement des jeunes médecins en zones tendues sur le plan financier et humain”. Malgré nos sollicitations, l’ARS n’a pas apporté plus de précisions sur ce plan pendant les délais impartis pour la rédaction de cet article.
Pour les riverains présents, un certain agacement flotte cependant face à des discours déjà entendus. Lors d’une session de question-réponses, une habitante se montre particulièrement remontée. “L’insécurité, elle est partout ici et elle est récupérée par l’extrême droite. La solidarité ça ne règle rien, qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?”, assène-t-elle largement applaudie. Un sentiment d’abandon que la mairie ne peut que constater. “Ce n’est pas juste que l’on manque de médecins dans les quartiers Nord, c’est que l’on manque de tout. C’est pour ça que les médecins ne s’installent pas. C’est une question d’aménagement du territoire”, conclut la première adjointe.
Commentaires
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” la médecin aurait appelé la police une première fois mais, face à ses agresseuses, elle n’a pas su faire comprendre le problème aux forces de l’ordre qui ne se sont pas déplacées”.
Donc dans l’urgence, quand on appelle la police pour demander de l’aide (on est sans aucun doute dans une situation parfaite de tranquillité d’esprit) il faut “savoir faire comprendre le problème aux forces de l’ordre” ?
Ça ne choque que moi ?
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oh non !
il y a quelques années, le “17” se déplaçait pour des dégradations, des tentatives de cambriolages, des agressions….
la police est un “service public” !! et comme tous les services publics, le “service” est dégradé.
les policiers, largement utilisés ailleurs pour des missions qui les concernent à peine : les “fdo” encadrent les manifs diverses….et obéissent à leur hiérarchie !
et puis, il y a cette situation géographique, et la tension des quartiers nord de marseille, oui, ils se déplacent plus facilement sur le prado.
bon courage à tous.
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Il y a quelques années, un début de “point de deal” s’est installé dans mon immeuble. Oui, en plein 8e, au plus près des clients. Nous avons fait le nécessaire auprès de la police : dépôt d’une main courante, communication du code d’entrée de la porte, transmission des heures où le trafic s’opérait. Que croyez-vous qu’il arriva ? Rien. La police n’a pas daigné intervenir.
En revanche, quand un passant a vu, depuis la rue, nos petits trafiquants maltraiter un chien sur leur terrasse et en a averti la police, deux équipages sont intervenus dans les 48 h pour mettre le chien à l’abri.
Je n’invente rien. Trafic de drogue : pas grave. Maltraitance d’un animal : grave. Question de priorité politique, probablement.
Bref, la police est surtout utile quand on n’en a pas besoin. Même “quand c’est au Prado”.
En attendant, si je lis bien, les deux agresseuses de la médecin sont toujours tranquillement chez elles.
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Autrement dit dans le futur commentaire suivant qui ne saurait tarder, cela sera la faute de la police si ce médecin s’est retrouvée agressée dans son cabinet.
Aujourd’hui il n’ y a plus aucune limite.Medecins, chauffeurs,infirmiers ,pompiers,enseignants, postiers aux guichets, policiers sont agressés par des gens sans éducation et qui ne respectent rien et sont sans limites.
Imaginez donc la situation, en arriver à créer des centres médicaux qui sont bien évidemment nécessaires en les transformant en camps retranchés, nous sommes chez les fous.
Et pourtant nous en sommes là.
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Il y a 2 sujets différents que vous amalgamez joyeusement et avec une certaine délectation, il faut le reconnaître : la violence à Marseille et particulièrement dans les quartiers; l’abandon du service public de la sécurité qu’est la police.
Ces deux aspects sont distincts. Mais on peut aussi se poser la question de la corrélation entre la croissance du sentiment d’insécurité et la décroissance de l’intervention policière…
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S il est vrai comme le dit l’article que les agresseurs du medecin ne sont pas inquiétés 10 jours après, alors oui, il y a un problème.Une plainte a été déposée je suppose où, quand, comment et pourquoi rien ne bouge ?
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Bonjour,
Depuis la publication de notre article, les agresseuses ont été interpellées. L’une, majeure, sera jugée en comparution immédiate ce jeudi. La mineure qui l’accompagnait passera devant un juge pour enfant. Nous avons publié un bref à ce sujet ce mercredi.
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