[C’est mon data] À Marseille, petits succès et grandes limites du front républicain

Pascaline Lécorché, Raphaël Glucksmann, et Laurent Lhardit, du Nouveau front populaire, lors de la campagne des élections législatives anticipées de 2024, à Marseille. (Photo : C.By.)

Au second tour des élections législatives anticipées à Marseille, dimanche 7 juillet, quatre candidats du Nouveau Front Populaire (NFP) étaient opposés à des candidats du Rassemblement national (RN). Dans les 1er, 2e, 3e et 6e circonscriptions, les électeurs des candidats battus au premier tour – principalement des candidats macronistes et dans une moindre mesure issus des Républicains – étaient appelés par la gauche à constituer un front républicain contre l’extrême droite. Si certains candidats de la majorité présidentielle ont relayé cet appel, d’autres ont laissé faire, appelant plutôt à ne voter “ni pour l’extrême gauche, ni pour l’extrême droite”. Dans ce contexte, comment s’est effectué le report de voix ? Marsactu a regardé les données issues des bureaux de vote, en tentant d’en comprendre les grandes tendances.

Dans la 2e circonscription de Marseille, l’adjoint au maire chargé de l’économie, le socialiste Laurent Lhardit (NFP) a réalisé un tour de force en réussissant à s’imposer face à Olivier Rioult (Rassemblement national) lors du second tour des élections. Dans une circonscription où le taux de participation a légèrement diminué entre les deux tours (de 70,5 % à 68 %), il a comblé les 3,5 points d’écart qui le séparaient du candidat soutenu par l’extrême droite au premier tour (28,5 % contre 32 %), sans réserve de voix provenant d’autres partis de gauche. Pour tenter de comprendre comment cette circonscription a basculé, il faut essayer de déchiffrer le comportement des votants des troisième et quatrième forces en présence dans la circonscription.

Bon report pour Lhardit

La liste Renaissance menée par la députée sortante Claire Pitollat a remporté 27 % des voix au premier tour. Arrivée en troisième position, la candidate a rapidement appelé ses électeurs à voter pour Laurent Lhardit dont elle dit alors connaître “les valeurs humanistes et respectables”. Dans les dix bureaux de vote où la candidate de la majorité présidentielle est arrivée en tête au premier tour, et donc où le report des voix de ses troupes est le plus significatif, on note une augmentation nette des voix en faveur du NFP au second tour.

Dans ces bureaux, la progression du vote pour l’alliance de gauche est 1,4 fois plus importante que celle du RN, réduisant l’écart qui passe de 103 voix en moyenne au premier tour à 47 voix en moyenne au second. On constate également une augmentation importante du vote blanc, qui passe de 23 à 82 voix en moyenne par bureau, soit une hausse de plus de 250 %. On retrouve d’ailleurs cette tendance à l’échelle de la circonscription, où le vote blanc passe 815 voix au premier tour à 4300 au second. Signe que le “ni ni” prôné par la candidate Les Républicains a eu un effet sur son corps électoral.

Si le “front républicain” a permis une victoire de Laurent Lhardit à l’échelle de la circonscription, on note cependant certains bureaux de vote où le report est plus favorable au RN. Ainsi, dans les bureaux 834 – Prado Plage et 806 – Jean Mermoz, dans le cœur des quartiers Sud longtemps favorables à Jean-Claude Gaudin, c’est l’extrême droite qui engrange le plus de voix, creusant l’écart de 78 voix dans le premier, et de 108 voix dans le second. Ce report vers le RN pourrait s’expliquer en partie par le transfert des voix de Laure-Agnès Caradec. Au premier tour, la candidate Les Républicains en lice dans cette 2e circonscription, est arrivée quatrième et a obtenu 8,7% des suffrages dans la circonscription. Marsactu avait documenté lors d’un reportage après le premier tour comment certains électeurs de droite, notamment du côté du Prado, s’apprêtait à voter RN sans barguigner.

Trop court dans les autres circos

Dans les autres circonscriptions où le RN et le NFP étaient à la lutte – 1ere, 3e et 6e -, on observe les mêmes dynamiques de la part des voix Renaissance : un report vers les candidatures d’union de la gauche plus fort que vers le RN, et une augmentation du vote blanc. Cependant, à la différence de la 2e circonscription, l’écart à combler après le premier tour était bien plus important.

Ainsi, dans la 1ere circonscription, Pascaline Lécorché, secrétaire générale de Place publique en lice pour le NFP, est celle qui a le mieux comblé son retard : ses voix ont progressé 1,8 fois plus que celles du RN. Insuffisant toutefois pour rattraper la candidate du Rassemblement national, Monique Griseti (RN), élue avec 55,9 % des suffrages au second tour. Ce bon report vers Pascaline Lécorché a, en partie, pu être influencé par l’expression sans ambiguïté députée Renaissance sortante et ancienne secrétaire d’État chargée de la ville, Sabrina Agresti-Roubache. Au soir du premier tour, la candidate macroniste qui a terminé troisième avait immédiatement appelé à voter pour sa challenger de gauche.

Christine Juste, adjointe (EELV) au maire de Marseille chargée de l’environnement, échoue également dans la 6e circonscription avec 47,7 % des voix face à Olivier Fayssat, candidat inconnu il y a encore trois semaines, “ami” d’Éric Ciotti, parti sous la bannière RN. La candidate NFP n’a, elle, pas pu bénéficier explicitement d’un soutien de Lionel Royer-Perreaut. Ancien maire de secteur et député sortant, défait dès le premier tour, il n’a pas donné de consigne de vote et lancé “maintenant, que le meilleur gagne“, après son arrivée en troisième position. Dans les bureaux de vote où le candidat macroniste a obtenu ses dix meilleurs scores, le report ne permet à Christine Juste de combler que la moitié de son retard par rapport au RN, passant de 130 voix d’écart en moyenne au premier tour contre 64 au second.

Amine Kessaci (EELV), candidat NFP malheureux dans la 3e circonscription, peut lui nourrir plus de regrets. Avec 49,1 %, l’outsider de 20 ans échoue de peu – 800 voix – au second tour face à Gisèle Lelouis, la députée RN sortante. Dans cette circonscription du secteur Nord de Marseille, les votes blancs ont été multipliés par 2,2 entre les deux tours, passant de 1150 à 2500, soit 5,3 % des votants. Dans cette circonscription, la candidate Renaissance Céline Aycard, qui avait obtenu 11,6¹% des votes au premier tour, a appelé au “ni ni”. Privant potentiellement Amine Kessaci du report qui lui aurait permis d’emporter la victoire.