Carrefour des luttes pour le mouvement social contre la loi travail
Blocage d'entreprises, opérations escargot, le mouvement social a pris un nouveau virage dans le département. À Fos-sur-Mer et à Vitrolles, les rassemblements se sont soldés par trois blessés dont un grave après qu'un automobiliste et un chauffeur de poids-lourd ont tenté de forcer le passage. Le mouvement social est à un nouveau tournant.
Blocage festif des Terrasses du port par la CGT.
Dans la droite ligne des actions de blocage économique et d’appel à la grève, les syndicats opposés au texte du gouvernement avaient décidé de multiplier les points de blocages, manifestations et occupations d’Arles à Marseille, en passant par Vitrolles et Fos-sur-Mer. Dans ces deux dernières localités, ce huitième jour de mobilisation contre la loi travail a pris un tour dramatique.
À Fos, un militant CGT a été violemment percuté par un automobiliste alors que le cortège de manifestants était sur le point de se disperser. L’homme âgé de 51 ans aurait violemment heurté le sol lors du choc. Il a été aussitôt évacué par hélicoptère, indique l’AFP, qui précise qu’il était alors dans un état grave.
D’après la préfecture de police, le chauffeur aurait fini par se rendre au commissariat de Martigues où il est en garde à vue. Pour l’heure, aucun bilan de son état de santé n’a été rendu public. Dans un communiqué diffusé en fin d’après-midi, l’union départementale CGT évoque un “camarade, très sérieusement blessé”. Dans ce texte, elle met directement en cause le gouvernement pour “sa communication, diffamante et mensongère” en “incitant à la haine une partie de la population contre l’immense majorité”.
Trois blessés à Vitrolles
Un peu plus tôt dans la matinée, un autre incident du même type aurait pu prendre un tour tout aussi dramatique. Des militants CGT opéraient un barrage filtrant sur un rond-point d’accès à la zone d’activité de l’Anjoly. “Nous n’étions pas dans une logique de blocage pure et dure, explique Patrice, militant CGT à la Poste. Nous avions mis des palettes en travers de la route et nous faisions passer les autos au compte-goutte. C’est sûr que ça râlait comme toujours mais sans excès”.
Les manifestants laissent alors passer une voiture. À l’arrière, un chauffeur routier s’impatiente et finit par forcer la route en passant par dessus les palettes qui bloquent le rond-point. “Il est passé sur la jambe d’un copain et est parti en direction des deux voitures que nous venions de laisser passer, poursuit Robert, un retraité de la CGT. Il a fracassé l’une d’elles. Il y avait une fillette de 3 ou 4 ans dedans. Les parents étaient vraiment sous le choc“. Patrice sort son téléphone et montre une photo d’une Kangoo à l’aile entièrement froissée. “Après cela, il a encore heurté une autre copine qui a été blessée au bras”, précise-t-il.
Le semi-remorque finit par être rattrapé par la foule de manifestants en colère qui crèvent les pneus, tirent le frein automatique et bombardent le chauffeur de projectiles. “On va dire qu’ils lui ont expliqué la vie”, résume Pascale, de la CGT Poste, présente sur place. Au final, les forces de l’ordre finissent par évacuer le chauffeur qui sera placé en garde à vue au commissariat de Vitrolles. Selon la préfecture, les deux militants et le père de la fillette souffriraient de blessures légères. Quant au chauffeur routier, il a été examiné par un médecin dans le cadre de sa garde à vue.
Les précaires de Chronopost
À Marseille, les actions et blocages se sont déroulés dans le calme. Elles ont commencé tôt le matin avec le blocage du chantier de la tour La Marseillaise par des militants CGT de la construction. Toujours à Arenc, des militants de SUD, de 13 en lutte et de la Nuit debout ont bloqué la plateforme Chronopost dès potron-minet. “Nous avons été surpris de constater qu’il n’y avait sur place que 5 ou 6 salariés directs de Chronopost sur 80 personnes, explique un militant de 13 en lutte, présent sur place. Le reste était constitué de précaires, CDD, intérimaires et même auto-entrepreneurs”.
Ces derniers demandent alors aux militants de faire durer le blocage plus que les quelques heures prévues. “Sinon on ne faisait que prolonger leur journée de travail”, explique Serge Reynaud, militant de SUD PTT, également sur place. Le blocage se poursuit sur un mode bon enfant jusqu’à ce que le directeur s’en mêle. “Il est arrivé avec quelques cadres et il a commencé à gueuler sur ses employés, reprend le militant. Du coup, ceux-ci étaient pris entre deux feux et nous ont demandé de lever le camp”.
Les Terrasses bloquées
Ils ont alors rejoint les Terrasses du port où les représentants de la CGT des dockers bloquaient depuis plusieurs heures l’entrée du centre commercial. En lieu et place du cortège habituel, les syndicats en lutte ont préféré mener plusieurs actions en parallèle avant de converger à la Joliette. De son côté, la FSU a rassemblé ses militants sur la place du général de Gaulle avant de rejoindre à son tour le point de fixation de la CGT où plusieurs milliers de militants étaient ainsi rassemblés. Au micro, au nom de l’union départementale, Hélène Honde a appelé à “amplifier la lutte” avant de lancer l’Internationale.
Mais cette nouvelle stratégie ne fait pas que des heureux. Militant à la FSU, Florimond Guimard est dubitatif : “On peut s’interroger sur la pertinence de bloquer les Terrasses du port, surtout qu’il y a deux autoroutes à côté. C’est bien de changer mais il faudrait anticiper un peu plus. Bon, de toute façon, c’est un mouvement qui se cherche depuis le début, on le sait.”
Manif spontanée à Saint-Charles
Sur la place de la Joliette, dans la maigre assistance d’une assemblée générale de SUD, un participant glisse à sa voisine : “On marchait comme des moutons, c’était pas bien. Et là, on est parqués comme des moutons et c’est pas mieux”. Non loin, un cortège s’ébranle en direction de la gare Saint-Charles. En son sein de nombreux participants des manifs sauvages de ces dernières semaines.
Après un bref blocage du carrefour de Saint-Charles, ils finissent par rejoindre la CGT de la RTM qui bloquent à quelques-uns la gare routière. Il est 14 heures, il fait chaud. Mêmes les CRS lèvent le casque. À l’ombre maigre d’un pin, un grand chevelu, drapeau rouge et noir à l’épaule s’enquiert des blessés du matin auprès des militants de la CGT. Tous ont l’air sombre. Le grand roule son drapeau : “On se retrouve le 14 juin alors ?” Le cégétiste lâche en souriant : “J’espère qu’il y aura des actions communes avant”.
Reportage et photo : Benoît Gilles et Mathieu Pequignot
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Eh ben voilà, ça c’est un reportage de terrain
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