L’Accueil de jour Marceau menacé d’expulsion cherche un abri pérenne
Place Marceau, l'association Accueil de jour qui reçoit chaque jour les sans-abri risque d'être expulsée de son local, le propriétaire n'ayant pas renouvelé le bail depuis mars 2015. Pendant deux jours, la structure fermera symboliquement ses portes afin d'alerter ses partenaires institutionnels sur la nécessité de lui fournir des financements pérennes.
L’Accueil de jour Marceau menacé d’expulsion cherche un abri pérenne
À L’Accueil de jour de la Place Marceau, en ce premier jour d’hiver, les sans-abri entrent et sortent, gobelet de café à la main. Comme Stanbouli Merraihia, un Algérien de 71 ans. Transbahuté de l’unité d’hébergement d’urgence Madrague-Ville jusqu’à Salon, il a choisi cette nuit de dormir à la gare d’où, lâche-t-il fataliste, “je serai chassé”. Son errance épuisante se répète incessamment. Mais depuis un an, il revient ici chaque jour. “C’est un peu chez moi. Je peux faire une partie d’échecs, lire les journaux, prendre une douche. ça réchauffe le cœur”. C’est aussi l’avis d’un autre sans-abri. Lui vient de Guinée et souhaite rester anonyme. “Ici, nous sommes des mendiants propres, et on nous aide à reprendre notre vie en main”.
C’est à la veille de Noël que l’Accueil de jour Marceau a choisi de fermer symboliquement ses portes les 23 et 24 décembre pour alerter l’opinion publique sur la menace d’expulsion qui pèse sur elle. Structure liée, l’Accueil de Jour Consolat fermera également ses portes jusqu’au 28 décembre. Ouverte sept jours sur sept depuis 1992, l’accueil de jour Marceau accueille chaque année 5000 personnes et leur offre notamment un lieu de repos, un accès à l’hygiène et une domiciliation administrative. Or, depuis depuis le 31 mars 2015, elle occupe illégalement ses locaux jugés vétustes et inadaptés dont le propriétaire n’a pas souhaité renouveler le bail.
Sonnette d’alarme
“C’est la deuxième fois en l’espace de deux ans que l’on tire la sonnette d’alarme”, interpelle ce mardi matin en conférence de presse le président Jean-Marc Flambeau. “Outre ce problème de bail, nous sommes acculés en ce moment par une baisse plus générale des financements des structures de ce type. Mais il faut que l’État, notre partenaire financier principal, se rende compte que la lutte contre la précarité est une réelle urgence”. Chaque année, sur un budget moyen de 1,8 million d’euros pour l’ensemble de l’association Accueil de Jour, seul 10 % est pérennisé. “On demande une visibilité financière pour ne plus être obligé de refaire des dossiers de demande de subvention chaque année”, poursuit le président.
Arborant une étiquette “NPAI” – n’habite plus à l’adresse indiquée -, la directrice Paule Soghomonian enchérit : “Nous accueillons près de 190 personnes par jour, de plus en plus de monde. Nous disposons seulement de deux cabinets de toilette mixtes et les lieux sont plein d’amiante. Nous devons alerter les pouvoirs publics sur notre situation alarmante pour les usagers et le risque encouru par les salariés”. Entouré d’usagers qui acquiescent, le chef de service Gilles Aspinas appuie les propos de sa directrice : “les gens qui viennent ici sont fatigués de dormir dans la rue. Parfois, ils ne peuvent même pas s’asseoir à cause du monde. Je ne parle même pas de confort mais de dignité. Ici, nous tentons de leur offrir une sortie de l’anonymat, un droit fondamental”.
Ce mercredi se tiendra en préfecture un comité de pilotage avec les différents partenaires financiers de la structure. La directrice Paule Soghomonian espère qu“une ligne de force commune va se dégager”. Pour elle, un premier signe positif a eu lieu : Didier Mamis, le directeur de la direction départementale de la cohésion sociale, est venu visiter les lieux le 15 décembre et le préfet Yves Rousset, interrogé sur la question la semaine dernière par Marsactu avait assuré qu“il allait se saisir de ce dossier”.
“Risque de surdensification”
De son côté Xavier Méry, adjoint à la ville de Marseille à la solidarité et à la lutte contre l’exclusion qui sera présent au comité de pilotage assure la structure de son soutien : “il s’agit d’un partenaire avec lequel nous travaillons en étroite collaboration avec le Samu social. Si je trouve la manière de faire de L’Accueil de jour un peu brutale [le fait de fermer deux jours la structure, ndlr] la Ville de Marseille est tout à fait favorable à ce qu’un local pérenne soit trouvé. Je ferraille d’ailleurs à ce sujet contre les maires de secteur, opposés.”
En effet, mis à part le refus du propriétaire de prolonger le bail et la question de la pérennité des financements, la directrice de l’Accueil de Jour de Marceau doit également faire face au refus des mairies de secteur des 2/3 et des 1/7 de voir aboutir le projet d’un achat d’un local ou même d’une autre location. Déjà, rue de Crimée dans le 3e arrondissement, non loin de la Boutique Solidarité de la fondation Abbé Pierre, l’Accueil de jour avait tenté d’obtenir un local. Face au refus de la maire Lisette Narducci (PRG), par ailleurs opposée à la construction des premiers bains douche marseillais et face au manque de financement, l’opération n’avait pas eu lieu.
Plus récemment, en juillet dernier, c’est dans la rue Marcel Sembat, non loin de la gare Saint-Charles, qu’un autre local était pressenti. Là encore, une autre maire de secteur (LR), cette fois-ci du 1/7, Sabine Bernasconi donne une fin de non-recevoir à l’association. Celle-ci, qui avait déjà bataillé pour que la distribution de la soupe populaire sur le square Léon Blum soit seulement provisoire, campe sur ses positions : “Le 1/7 n’est pas en mesure d’absorber 5000 personnes de plus [ce chiffre correspond au nombre de personnes accueillies à l’année, ndlr]. Il faut trouver un équilibre permanent entre les habitants et les usagers de ces structures d’accueil, déjà très nombreuses sur mon secteur. Leur surdensification risque de fixer leurs usagers dans ces quartiers et il y a des nuisances difficiles à vivre. Et en même temps, je suis consciente qu’il est nécessaire pour les populations en difficulté de rester dans des endroits passants, non isolés”. La maire de secteur suggère par exemple qu’elle trouve refuge… dans le 3e, dans le secteur de lisette Narducci.
En attendant, un sans-abri qui souhaite conserver l’anonymat alerte sur le risque d’une éventuelle fermeture définitive de l’Accueil de jour : “là se trouvent tous les damnés de la terre. Des drogués, des travailleurs sans domicile fixe, des stressés, des gens qui ont des problèmes psychiatriques. La société les a oubliés. Imaginez un peu si demain ils se retrouvent tous dans la rue ? La ville de Marseille devra gérer ça.”
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J’habite juste en dessus du centre d’accueil du Jour. Au début, ça ne me gênait pas du tout de les avoir comme voisins… après quelques temps, je dois avouer que la perception est différente: sol couvert de canettes de bières, personnes qui rentrent dans mon immeuble pour s’en servir comme toilette, etc. etc. Sur initiative de mes voisins, on a rencontré la Directrice du Centre d’Accueil mais, hélas, elle dit ne pas être responsable de ceux que les personnes font en dehors de la porte du centre. Et comme dans le centre il est interdit de fumer ou consommer alcohol, les personnes que le centre attire font tout cela juste à coté… devant la porte de mon immeuble. Je trouve bien dommage que les employés du Centre n’assument aucune responsabilité de ce qui arrive juste dehors… je comprends partiellement leur point de vue, mais le résultats est que tous le quartier maintenant espère que a cohabitation le centre déménage ailleurs. Et pourtant… je pense qu’avec un peu plus de bonne volonté on aurait pu (et on pourrait encore) pourrait quand meme arriver à une cohabitation plus respectueuse de toutes et de tous.
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