Les immeubles du haut de la rue d’Aubagne entrevoient un avenir rénové
La société publique chargée de réhabiliter les bâtis les plus dégradés du centre-ville a présenté le 18 janvier ses projets en cours. Parmi ses priorités : trouver un opérateur pour sept immeubles situés sur le haut de l'artère marquée par les effondrements de 2018. Une fois les travaux finis, ils accueilleront du logement social.
Les immeubles visés par l'appel à manifestation d'intérêt jouxtent le lieu des effondrements. (Photo : B.G.)
Les barrières et les vigiles n’occupent plus le centre de la rue d’Aubagne, passés au second plan. Du 69 au 83, les lourdes portes anti-squat et les façades écorchées laissent encore voir les stigmates de la déflagration. Depuis le 5 novembre 2018 et l’effondrement de deux puis trois immeubles, occasionnant huit morts, Noailles n’a pas retrouvé son visage d’antan. Pire, la vague de périls qui s’est propagée peu à peu à partir de cet épicentre n’a jamais vraiment cessé, comme nous le révélions il y a quelques jours encore. Et pourtant l’horizon s’éclaire un peu dans ce coin du centre-ville. Mise en place pour répondre dans la durée à la crise, la société publique locale d’aménagement d’intérêt national, la Splain, entre dans le concret.
Un peu partout dans Marseille, les premiers travaux de réhabilitation vont démarrer en 2024. Dès l’été, ils vont concerner quatre immeubles de la rue Jean-Roque (du 34 au 40), dans le petit tronçon de rue qui se prolonge au-delà du cours Lieutaud et qui a longtemps été fermé à la circulation, tant les immeubles étaient menaçants. À l’automne, d’autres chantiers vont débuter un peu partout dans le grand centre-ville, à Belle-de-Mai, à la Joliette, à Belsunce et enfin à Noailles, avec le 16, de la rue d’Aubagne.
Dépôt de permis en 2024
Il faudra attendre encore quelques mois pour voir les palissades grimper à nouveau le haut de la rue. Mais, là encore, les choses avancent. La société publique lance un nouvel appel à manifestation d’intérêt pour désigner le ou les bailleurs sociaux qui vont piloter la réhabilitation de sept immeubles, du 71 au 83, de la rive impaire de la rue. Le permis de construire devrait être déposé cette année pour des travaux espérés au mitan de l’année 2025, en vue d’y installer du logement social.
“Il ne se passe pas une commémoration du 5-Novembre, sans que des habitants m’interpellent sur ce qui se passe en haut de la rue, se félicite Sophie Camard, la maire de secteur qui représente la municipalité au sein de la Splain. On passe enfin de l’ombre à la lumière. Et ce qui est positif, c’est que ces chantiers vont servir à l’ensemble du centre-ville de Marseille. C’est tout l’intérêt des lettres IN, pour intérêt national. Ces travaux vont permettre de lever les craintes et les peurs“.
Elle-même n’était pas exempte de suspicion quand l’ancienne équipe municipale a lancé la préemption de ces immeubles au titre d’un projet urbain pas encore écrit. Les propriétaires avaient tout tenté devant la justice pour conserver leurs biens, ou à tout le moins, en obtenir le meilleur prix. L’établissement public foncier (EPF) a bataillé durant quatre ans et demi – “avec le Covid et les élections municipales au milieu” – avant d’obtenir la propriété des 85 logements visés, du 65 au 83. “Pour un montant global de 4,5 millions d’euros“, détaille Claude Bertolino, la directrice générale de l’EPF régional. Ils ont été ensuite rétrocédés à la Splain.
Le lot qui doit trouver un nouvel acquéreur au printemps ne comprend pas le n°69, dont les étages supérieurs ont été déconstruits dans les jours suivants les effondrements, ni la “butte collinaire” qui surplombe ce qu’on appelle communément la dent creuse. “L’idée est de se laisser la possibilité d’intégrer ces espaces au projet qui devra prendre place à cet endroit et pour lequel la Ville a lancé une consultation“, précise Franck Caro, le directeur de la Splain. Les 46 logements inclus dans l’appel à manifestation d’intérêt en deviendront 26, après la réhabilitation.
“Il y avait dans le lot un hôtel meublé, des pièces aveugles, de nombreux appentis, construits dans les cours en fond de parcelle, reprend le directeur. L’idée est donc de redonner de la qualité en travaillant sur des appartements traversants, qui conserve l’intérêt des constructions initiales“.
Rue Jean-Roque ou rue d’Aubagne, on est dans le dur de l’habitat dégradé : “Sur une échelle sur 10 de la dégradation, on se situe aux alentours de 8 ou 9 pour Jean-Roque, et 7 ou 8 pour la rue d’Aubagne, évalue le directeur. On est dans le très raide“. À titre d’exemple, il cite une anecdote. Des architectes ont entrepris la réhabilitation d’un immeuble rue Jean-Roque, où d’anciens propriétaires ont scié systématiquement les poutres des planchers “pour faire passer les fluides“.
“Le logement social a été le moteur de l’innovation et il peut le redevenir”
Au-delà de remettre sur pied des immeubles balafrés, devenus des symboles de la dégradation du centre ancien, l’ambition de Franck Caro est “de documenter la façon dont on réhabilite pour construire une grammaire commune. Longtemps, le logement social a été le moteur de l’innovation et il peut le redevenir“. L’enjeu, développé lors d’une conférence de presse le 18 janvier, est immense. Car la puissance publique ne pourra pas à elle seule réhabiliter l’ensemble des immeubles décatis du grand centre-ville. La Splain elle-même n’a que 182 immeubles dans son viseur, principalement dispersés dans les quatre “îlots démonstrateurs” de la Belle-de-Mai, Hoche-Versailles et Noailles.
En parallèle, la métropole doit lancer des opérations incitatives pour accompagner les petits copropriétaires à rénover leurs immeubles, grâce aux aides de l’agence nationale de l’amélioration de l’habitat (Anah). Mais ces opérations programmées s’empilent sur le centre-ville depuis bientôt trois décennies sans offrir de résultats probants. “Les nouvelles opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) doivent nous permettre d’accompagner les propriétaires à travailler sur les fondamentaux, assurer la solidité des immeubles pour éviter que cela soit une mission sans fin“, affirme David Ytier, le président (LR) de la Splain qui suit les questions de logement pour l’exécutif métropolitain.
Le préfet délégué pour l’égalité des chances, Mickael Sibilleau veut, lui, croire aux vertus du Programme d’intérêt national, le mystérieux PIN, surgi au détour du discours présidentiel de juin dernier, qui doit “offrir des moyens juridiques et des ressources financières nouvelles“. Mais, pour l’heure, personne à la métropole et à la Ville n’en a saisi les contours exacts.
Agir aussi sur l’espace public
Enfin, vu l’ampleur de la tâche, les pouvoirs publics doivent agir sur les espaces publics pour rendre visible leur action sans que tous les immeubles visés soient réparés. On se souvient que la présentation du projet Noailles date de janvier 2018. Six ans plus tard, la métropole n’a pas fini de mettre en œuvre le plus simple : la piétonisation d’une partie du quartier.
“Nous travaillons en parallèle sur ces questions en lien avec le comité de maîtrise d’usage qui représente une partie des habitants, assure Franck Caro. L’idée est de lancer une phase de préfiguration dès le printemps“. Comme un symbole, le transformateur, laid cube de béton qui avait remplacé le seul arbre de la rue d’Aubagne en 2018 sur la place du 5-Novembre, pourrait ainsi rejoindre le rez-de-chaussée d’un des immeubles réhabilités.
Commentaires
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Bravo
Ca c’est du bon boulot
Ca coute cher mais c’est de bonnes expériences à reproduire
La ville et ses opérateurs prennent l’affaire du bon coté en utilisant tous les instruments existants
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