Hedi, 22 ans, “laissé pour mort” après avoir croisé la BAC à Marseille
Dans la nuit du 1er au 2 juillet, le jeune homme a été touché par un tir de LBD qui lui a causé un grave traumatisme crânien. Il dit aussi avoir été "tabassé", avec plus de 60 jours d’arrêt de travail à la clef. Nous reprenons ici un article paru chez nos partenaires de Mediapart.
Hedi a subi un traumatisme crânien grave lié à un tir de LBD, dans la nuit du 1er au 2 juillet 2023. (Photo : Nejma Brahim / Mediapart)
Le visage esquinté et la tête bandée, Hedi peine encore à réaliser ce qui lui est tombé dessus, dans la nuit du 1er au 2 juillet dernier. “Ils m’ont tiré dessus et m’ont tabassé, puis ils m’ont laissé pour mort par terre”, résume-t-il, attablé en terrasse du restaurant tenu par ses parents, dans les Bouches-du-Rhône.
Vendredi 14 juillet, au lendemain de sa sortie de l’hôpital de la Timone, à Marseille, Hedi est un homme détruit. Pourtant, il affirme garder en mémoire les violences qu’il a subies. “C’était une équipe de la BAC, ils étaient au moins quatre, rembobine-t-il. On les a croisés au croisement d’une ruelle vers le cours Lieutaud.” L’endroit exact, le jeune homme de 22 ans ne l’a plus en tête.
Après que des agents de l’IGPN ont recueilli son témoignage durant son hospitalisation, huit policiers ont été placés en garde à vue mardi 18 juillet. D’après La Provence, ils appartiennent à deux brigades anticriminalité (BAC). Jeudi 20 juillet, le parquet de Marseille a indiqué que quatre de ces fonctionnaires allaient être présentés au juge d’instruction, en vue de leur mise en examen, et qu’il avait requis leur placement en détention provisoire.
“Je suis contente qu’ils les aient arrêtés, ça va dans le bon sens” réagit Leila, la mère de Hedi. “J’imagine qu’ils ont dû avoir des éléments grâce aux caméras. On a confiance en la justice. Mais j’ai dit à Hedi et à son ami Lilian de se préparer à être attaqués, à ce que certains aillent chercher la moindre petite broutille.”
Le 5 juillet, le parquet de Marseille avait ouvert une information judiciaire pour des “violences en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique” ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours. Il a confié l’enquête à la police judiciaire (PJ) de Marseille et à l’IGPN.
“La scène décrite est une scène de barbarie”, commente Jacques-Antoine Preziosi, l’avocat de Hedi. “Deux gosses parfaitement socialisés, sans casier, qui travaillent, descendent à Marseille pour se distraire. Ils ne sont ni des manifestants ni des pilleurs. Ils tombent sur cinq ou six cinglés qui les agressent. Il se trouve que ce sont des fonctionnaires de l’État français. Nous attendons que l’enquête ait lieu et que justice se fasse, qu’on identifie ces gens-là et qu’on les juge.”
Un tir de LBD et un passage à tabac
Le soir des faits, Hedi donne “un coup de main” à ses parents à l’occasion de la “fête des terrasses”. Il quitte le restaurant seul en voiture, aux alentours de 1 h 15 ou 1 h 30 du matin. “Je suis descendu à Marseille pour rejoindre des camarades, on s’est retrouvés au Vieux-Port”, se souvient-il.
Là, il découvre une “scène de film”. “Il y avait un hélicoptère, on a eu l’idée de le suivre, ce qui n’était pas très malin, concède Hedi. Mais bon, un hélicoptère qui survole le ciel à Marseille dans un tel chaos, on n’en voit pas tous les jours.” Lui et Lilian, son ami, arpentent les rues du centre-ville en suivant l’engin des yeux.
Hedi assure qu’ils n’ont pas pris part aux révoltes mais croisé la route d’autres jeunes qui y participaient, certains cagoulés, d’autres pas. Ils avancent dans l’obscurité de la nuit, sans lumière de la ville. Au croisement d’une ruelle située près du cours Lieutaud, ils tombent nez à nez avec les agents de la BAC.
“On leur a dit bonsoir, mais on a vite compris qu’ils étaient énervés et fermés à la discussion.” Selon le récit de Hedi, les policiers n’ont pas répondu. L’un d’eux aurait agrippé son lanceur de balle de défense (LBD), un autre se serait saisi de sa matraque pour asséner un coup au visage de Lilian. “Il s’est protégé avec son bras, puis il a réussi à partir en cavalant.” Hedi n’y parvient pas.
Je me souviens de leur matraque, de leurs gants à coque et de leur arme de service à la taille.
Il raconte avoir vu un policier lui tirer dans la tête avec son LBD, puis avoir été traîné au sol sur environ dix mètres. L’un des hommes se serait alors agenouillé sur ses jambes pour l’immobiliser, tout en lui donnant plusieurs coups, tandis que les autres le passaient à tabac. “Je me souviens de leur matraque, de leurs gants à coque et de leur arme de service à la taille.” Il revoit aussi le sang couler sur son visage, provenant de sa blessure à la tête, comme si on lui “renversait de l’eau dessus”. “Je sentais un truc énorme dans mon crâne qui me brûlait”, poursuit Hedi, qui marque une pause dans son récit pour ravaler ses larmes.
“Il se montre fort, là, mais il pleure quand il est seul avec nous à la maison”, commente sa mère. Hedi estime que ce calvaire a duré cinq minutes. Il précise avoir supplié les policiers d’arrêter et ne se souvient d’aucune parole de leur part, en raison du “brouhaha”. “Je criais en disant que j’étais gentil, que j’avais mes papiers, qu’ils pouvaient me fouiller pour voir que je n’avais rien de dangereux sur moi. Mais ils n’ont pas voulu arrêter.”
Après avoir été abandonné, il aurait trouvé, avec l’adrénaline, la force de se relever et de courir, courir encore, sans vraiment savoir où il allait ; tentant d’appeler son ami Lilian par téléphone pour pouvoir le rejoindre quelque part. “J’essayais de lui envoyer ma localisation avec Snapchat, mais avec le stress, je n’y arrivais pas. On a fini par se retrouver par hasard devant une alimentation.”
Transporté à l’hôpital en urgence
Peu de temps après, le jeune homme s’écroule. Malgré le flou, il se souvient d’avoir perdu le contrôle de son corps, de s’être uriné et vomi dessus, et d’avoir vu “tout blanc” alors que le projectile était encore incrusté dans son crâne. Son ami, ainsi que les deux gérants de l’épicerie, le prend en charge et l’emmène à l’hôpital. “J’étais tout raide dans la voiture, Lilian n’a pas pu monter avec nous. L’un des gérants me tenait la tête, l’autre conduisait. Lilian a couru derrière nous jusqu’à l’hôpital.”
La suite, ce sont ses proches qui nous la confient. Hedi tombe dans le coma. Ses parents ne sont prévenus que le lendemain, dimanche, en fin de matinée. Mais avant même que les gendarmes ne viennent toquer à leur porte, Leila, sa mère, se doute de quelque chose : “D’habitude, quand mes fils sortent, ils me donnent toujours des nouvelles. Je l’ai appelé le matin car on devait aller à la piscine ensemble. Et c’est quand il n’a pas répondu que j’ai compris.”
Les médecins nous ont dit que c’était un miraculé.
Leila, mère d’Hedi
Les gendarmes leur demandent d’appeler la police. “C’est très grave” est la seule précision qu’ils obtiennent à ce moment-là. “Quand on les a appelés, ils nous ont juste dit qu’il avait été déposé à la Timone après avoir reçu un coup sur la tête. Ils nous ont dit de nous y rendre le plus vite possible.”
Les parents du jeune homme, qui a fêté ses 22 ans à l’hôpital, ne peuvent le voir avant 15 heures. “Les médecins voulaient nous parler d’abord. Ils nous ont dit que c’était un miraculé et qu’il faudrait encore attendre 48 heures pour être sûr qu’il s’en sortirait”, relate Leila, qui précise qu’il était intubé. Des sources hospitalières, interrogées par Mediapart, confirment que son pronostic vital a été un temps engagé.
Et pour cause. Les médecins ont dû retirer une partie de sa boîte crânienne pour évacuer le sang qui se trouvait entre le cerveau et le crâne. Hedi a aussi une fracture de la mâchoire – “c’est simple, commente-t-il, il n’y a plus d’os sur le côté gauche” –, l’œil gauche tuméfié et fermé, la joue creusée, des hématomes plein les jambes. “Les médecins pensaient qu’il ne pourrait plus marcher”, ajoute Leila.
Cinquante agrafes sur le crâne
Au moment où nous le rencontrons, il n’a toujours pas recouvré la vue du côté gauche. Sur sa fiche médicale, qu’il nous montre, apparaît la mention “traumatisme crânien grave sur shoot de flash-ball”. Les violences subies lui valent plus de 60 jours d’ITT et une invalidité temporaire.
Dans la même nuit du 1er au 2 juillet, toujours dans le centre-ville de Marseille, Mohamed B., 27 ans, est décédé d’une crise cardiaque après avoir été touché au thorax par “un projectile de type flash-ball”. Le parquet de Marseille a ouvert une information judiciaire pour “coups mortels” avec arme. Cette enquête, confiée à la PJ et à l’IGPN, vise à déterminer si un fonctionnaire de police est à l’origine du tir, et à l’identifier.
“Ils t’ont pas épargné, hein !, lâche un ami des parents de Hedi, de passage au restaurant, en voyant l’ampleur de ses blessures. Le jeune homme prend soin de saluer toutes celles et ceux qui viennent prendre de ses nouvelles. “Comment ça va ?”, interroge-t-il à plusieurs reprises. “C’est à toi qu’il faut demander ça”, répondent un à un les visiteurs et visiteuses.
Sur la table en face de lui est posé le casque qu’il est supposé porter pour protéger sa tête d’un éventuel choc. “À ce jour, il lui manque toujours une partie de sa boîte crânienne, donc c’est très fragile”, précise sa mère. En retirant ses bandages, Hedi laisse entrevoir une cicatrice formant un arc de cercle, depuis le front jusqu’à l’arrière de l’oreille. Il aura fallu 50 agrafes.
“La police est censée nous protéger”
Depuis le drame, le jeune homme est très affaibli. D’anciennes photos d’identité laissées sur la table montrent qu’il a perdu beaucoup de poids. “Je n’arrive plus à manger, j’ai encore de fortes douleurs”, regrette cet assistant de direction dans l’hôtellerie-restauration. Il n’a qu’une crainte : ne plus pouvoir exercer son métier. “Mon employeur est très compréhensif pour l’instant, mais même si je reprends un jour, je refuse d’être un “poids” pour l’entreprise.”
À sa sortie de l’hôpital, il devait rejoindre une maison de rééducation à Avignon, mais la famille a refusé. “Avec tout ce qu’il a vécu, on refuse qu’il soit loin de nous”, explique Leila, qui lui a trouvé une autre maison de repos tout près d’ici. Avant de l’intégrer, Hedi devait subir une opération de la mâchoire ce mercredi.
S’il témoigne aujourd’hui (après avoir livré son récit à La Provence, une semaine après les faits), c’est “pour les autres”. “On ne veut pas que ce genre de choses se reproduise.” Hedi, qui n’a pas de casier judiciaire, dit être déjà tombé sur des “cow-boys” par le passé, mais jamais sur des “gars aussi violents”, capables de “te laisser pour mort dans une méchanceté gratuite”. Il y voit le signe d’un “problème dans la police”. “Quand il y en a un ou deux, OK. Mais quand sur une équipe de quatre ou cinq, tu vois qu’ils sont tous pourris, c’est grave. Ça veut dire que c’est clair et assumé.”
Et sa mère de compléter : “La police est censée nous protéger. Comment il va vivre avec ce traumatisme maintenant, lui ? S’il se fait contrôler en voiture demain, est-ce qu’ils ne vont pas lui en mettre une ?” La famille veut garder confiance en la justice. Elle est soutenue par l’Association d’aide aux victimes, qui leur signifie depuis le départ que les soins de Hedi sont pris en charge à 100 %. Mais le jeune homme n’a toujours pas récupéré ses effets personnels, placés sous scellés dans le cadre de l’enquête. “Il n’a donc pas de carte Vitale, et je dois avouer que l’aspect financier nous inquiète beaucoup”, conclut sa mère.
Nejma Brahim, Camille Polloni et Pascale Pascariello
Commentaires
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Consternant, écœurant. Si les faits relatés sont exacts, ils ne sont pas dignes de notre pays mais font penser à l’Argentine, au Brésil du temps des dictatures.
La société devient plus violente, des groupes “s’ensauvagent”, c’est un fait mais, face à ces phénomènes là police n’est plus à la hauteur. Son rôle est de maintenir l’ordre dans des conditions républicaines, pas de fracasser les passants.
Je l’ai déjà écrit, devant la multiplication de ces faits de violence, il y a pour moi un vrai problème structurel dans la police. Recrutement, effectifs, formation, encadrement, organisation et utilisation des unités ( que faisaient donc ces cow boys de la BAC lâchés en pleine ville pour des missions de maintien de l’ordre alors qu’ils ont pour métier de traquer les gangsters?), dotation d’armes létales mal maîtrisées etc. Le tout aggravé par les instructions du gouvernement et de ses relais depuis 6 ans: Castaner, le préfet Lallement à Paris…
Tout ceci n’enlève rien au fait que ce garçon a croisé de vrais salopards. On va nous dire qu’ils ont craqué dans un contexte d’émeutes sauvages. Mais c’est leur boulot, s’ils n’ont pas les nerfs solides ils doivent en changer ou être virés.
Si les faits sont avérés, la sanction devra être très dure, aussi brutale qu’eux, dans l’intérêt de la police et des Français.
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Le pire, c’est le réflexe de “soutien” que les collègues de ces voyous ont tenu à afficher : autant revendiquer le droit pour la police de faire n’importe quoi au mépris des lois et des règles. On ne peut donc pas circonscrire cette affaire à quelques cas individuels, c’est le corps policier dans son ensemble qu’il faut reprendre en main.
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André, vous resumez clairement la situation, mais vous oubliez un point important.
Contrairement à ce que nous rabachent les révolutionnaires de comptoirs marseillais, la justice a fait son boulot en la matière .
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Il est vrai, Alceste, la justice semble faire le travail.
Quant à ces policiers qui ont manifesté pour exprimer leur soutien aux collègues mis en examen, ils sont non seulement irresponsables et ne rendent pas service à leur corps mais, en plus, ne respectent pas leur devoir de réserve. Ils devraient tous être mis à pied.
Un dernier mot, ce garçon aurait il participé aux émeutes, ce qui a priori n’était pas le cas, fallait il que les flics visent sa tête avec leur ” flash ball”, le rouent de coups et le laissent inanimé sur le sol sans appeler les secours? J’essaie en général d’être mesuré dans mes commentaires, mais là, maintenant, ne me vient qu’un seul mot: bordilles, ordures!
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100% avec vous
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A lire l’article il s’agit d’une tentative de meurtre en réunion avec en bonus la non-assistance à personne en danger puisqu’ils l’ont laissé pour mort seul dans la rue sans appeler les secours.
A une époque il était question que tous les policiers soient équipés de caméra piéton, qu’en est-il ?
Ce serait quand même le meilleur moyen de contrôler leurs interventions et que ces caméras envoient les images en direct à un serveur distant pour éviter qu’elles soient effacées par les policiers eux-mêmes lorsqu’ils sont en tort.
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Les flics de macron et darmanain sont en roues libres ils deviennent des cogneurs assermentés. Aucun d’entre eux n’ose alerter c’est à croire qu’ils sont tous pourris
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Les flics de macron et darmanain sont en roues libres ils deviennent des cogneurs assermentés. Aucun d’entre eux n’ose alerter c’est à croire qu’ils sont tous pourris
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Moche de moche. .. tout est moche en macronie , ils pourrissent tout ce qu’ils touchent ,
Je n’aime pas Mediapart qui touche de l’argent du gouvernement,
Ça me dérange, on ne vent pas son âme.
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Parenthèse, Marsactu est comme Félicie ou Mediapart, il touche aussi.
Mais ne râler pas trop,beaucoup de titres sans cette aide seraient déjà morts.
Alors , la Démocratie c’est cela aussi, être subventionné et pouvoir critiquer tout en restant correct ce qui n’est pas le cas tous
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Il faudrait certainement dissoudre la BAC et recommencer sans les dirigeants. C’est devenu necessaire dans certaines villes aux U.S.. Il doit y avoir quelques personnes la dedans qui ne sont pas encore pourri.
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Si on résume bien :
– Aucune interpellation donc aucun fait ne lui a été reproché,
– Ce n’est pas la seule victime mutilée lors de ces évènements,
– Aucune réaction digne de ce nom au niveau politique,
– Bien que des défaillances aient été identifiées, pas de démission dans les cadres de la police nationale….
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