Le Grand port de Marseille génère une pollution de l’air courte mais intense sur la ville

Actualité
le 24 Mai 2023
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Des études menées dans le cadre européen détaillent l'impact du grand port maritime de Marseille sur la qualité de l'air. Les résultats révèlent une pollution importante mais ponctuelle, avec des facteurs de dispersion qui dépendent de la météo, mais aussi, de la topographie de la ville.

Des bateaux de croisière dans le port de Marseille à l
Des bateaux de croisière dans le port de Marseille à l'été 2022. (Photo : JV)

Des bateaux de croisière dans le port de Marseille à l'été 2022. (Photo : JV)

Il s’agit d’études réalisées sur plusieurs années, avec des financements européens et plusieurs équipes de chercheurs. Menées notamment par Atmosud, l’association agréée par l’État pour surveiller la qualité de l’air, et l’université Aix-Marseille, certaines de ces recherches scientifiques dont le sujet principal est la pollution maritime, portent spécifiquement sur le Grand port maritime de Marseille. Quel est l’impact du port sur l’air de la ville ? Et qui est réellement touché ?

“Nous avons démontré que l’impact local est important, mais fugace, même si je n’aime pas trop ce dernier terme”, explique à Marsactu Dominique Robin, directeur d’Atmosud. Autrement dit, par moment et sur des zones très localisées, les panaches des navires peuvent être “la source majoritaire de pollution”. Ces études menées dans le cadre des projets européens Scipper et Aernostrum ont également, poursuit Dominique Robin, apporté des éléments nouveaux sur les “facteurs d’émission” du carburant maritime ou, en d’autres termes, sur la quantité de pollution émise lors de la combustion.

80 000 fois plus de particules ultrafines que le diesel

“L’étude basée sur la mesure de 97 panaches dans le port de Marseille a montré que la combustion d’un litre de carburant dans les moteurs des navires émettait un nombre de particules ultrafines 80 000 fois plus important que les véhicules diesel norme EURO 6”, peut-on lire dans le compte rendu du volet de l’étude qui concerne Marseille. “Pour être tout à fait honnête, il faudrait obtenir la quantité de diesel brûlée et celle de carburant maritime, complète le directeur d’Atmosud, mais ce chiffre reste significatif.” 

Deux raisons l’expliquent. La première est que, contrairement au pot d’échappement de voiture, les moteurs des navires ne sont pas systématiquement équipés de filtres. La seconde : le fioul utilisé pour les bateaux est beaucoup moins raffiné que celui pour le transport terrestre. Rappelons que les particules ultrafines sont les plus dangereuses, puisqu’elles pénètrent plus profondément dans l’appareil respiratoire, entraînant des risques cardio-vasculaires.

L’Agence régionale de santé (ARS) était notamment présente lors de la restitution de ces études ce lundi. Contactée par Marsactu, elle affirme réfléchir à la possibilité de compléter ces études : “Il a été demandé à Santé public France [l’agence nationale de la santé, ndlt] d’examiner la pertinence et la faisabilité d’une étude d’impact sanitaire liée spécifiquement aux émissions atmosphériques des navires à Marseille, sur les bassins Est du Grand port maritime de Marseille (GPMM). Les travaux de SPF sont en cours et devraient être finalisés avant la fin de l’année.”, nous répond-on.*

25 % de carbone suie

Rien de nouveau en revanche sur la composition de la pollution émise par les navires. Outre les particules ultrafines, les fameux HAP, comme le naphtalène sont présents en quantité, ainsi que des métaux lourds, les composés organiques volatiles et enfin, le “carbone suie”. Ce dernier polluant constitue un point important de l’étude. “Nous avons déterminé que 25 % de la pollution maritime était du carbone suie, cette quantité n’est pas négligeable”, détaille Dominique Robin. Selon l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, le carbone suie est “associé à un risque accru de cancer.”

Mais qui subit précisément cette pollution ? Et quand ? Les études en question ont également consisté à réaliser des modélisations de déplacements de panaches de fumée. Sans grande surprise, les zones touchées par les panaches de navires dépendent des conditions météorologiques, mais aussi, on y pense moins, au relief de la ville, à la hauteur de ses bâtiments et celui de la cheminée des navires. “Les fumées des navires se dispersent tout d’abord en altitude, à la hauteur des cheminées, écrit Atmosud dans son compte-rendu. Elles parcourent plusieurs centaines de mètres avant de retomber au sol.” Mieux vaut donc habiter en rez-de-chaussée qu’en haut d’une tour dans le secteur du port. Et une fois au sol, la pollution peut mettre jusqu’à 30 minutes à se disperser.

Simulation synchronisée de la dispersion d’un panache de navire sortant du port de Marseille avec une visualisation des concentrations au niveau du sol (gauche) et à la hauteur de la cheminée du navire (droite) 3 minutes après le départ du navire.

Si l’impact des émissions durant les phases de manœuvres est bref, “de l’ordre de la minute”, celui de la phase à quai peut être plus long et dépend fortement du vent. Il est de l’ordre de la dizaine de minutes.

Mourepiane en première ligne

Enfin, et de manière logique, “les concentrations des polluants des panaches diminuent avec la distance, mais influencent la qualité de l’air sur plusieurs kilomètres.” Jusqu’à trois kilomètres de portée directe autour du navire, détaille l’étude.

En journée, lorsque la brise de mer est établie, les vents dispersent les panaches vers l’intérieur des terres et les quartiers résidentiels.

“Sur les sites récepteurs, nous avons constaté une concentration de 800 000 particules ultrafines par centimètres cubes. C’est beaucoup, mais ponctuel”, conclut Dominique Robin qui annonce par la même occasion l’installation prochaine de capteurs dans le secteur en première ligne de Mourepiane-Saint-André. “Des pointes de dioxyde de soufre, traceur de l’activité maritime, sont enregistrées par bouffées sur le site de Marseille/Mourepiane. Associée à ces pointes, une augmentation ponctuelle des niveaux d’autres polluants est aussi constatée”, indique encore l’étude. Des constatations, là encore, de “niveaux significatifs de polluants, observés ponctuellement, sur des périodes quart-horaires ou horaires, par bouffées, sans influencer les valeurs chroniques moyennes.” En dehors de ce projet d’étude exceptionnel, Atmosud dispose actuellement d’un seul capteur fixe pour mesurer la pollution maritime, à la Joliette.

*réponse de l’ARS ajoutée le 25/05/2023

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Commentaires

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  1. Pascal L Pascal L

    On peut voir ici :
    https://map.purpleair.com/1/mPM25/a10/p604800/cC0#11.99/43.33153/5.35175
    que des particuliers ont installé (à leurs frais) des capteurs entre L’Estaque et le Cap Janet.

    On se demande bien pourquoi la Mairie ne s’en charge pas.

    De plus, avec la densification du secteur entre Cap Janet et la Joliette, ce serait utile d’avoir des capteurs en face du déchargement de l’Alumine (Cabucelle), en face des portes 3 (Smartseille) et des portes 2 (Parc Habité) du port. Mais cela ferait peut-être baisser les cours de l’immobilier dans le secteur : j’ai un ami qui habitait rue Mazenod. Il n’y est resté que 2 ans car la pollution y était telle qu’il a pris peur pour ses enfants.

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    • Forza Forza

      Certains habitants du secteur avaient des capteurs Diams aussi https://www.airdiams.eu/
      Le mien était systématiquement au vert alors que j’habite à côté de la Porte 2, j’en avais donc déduit qu’il ne fonctionnait pas, ou alors c’est parce que je ne suis pas en hauteur… Il faut dire que le maniement en était aussi obscur que complexe.
      Et sinon ne voyez pas le mal partout : le secteur n’a pas besoin de ça pour que les cours de l’immobilier y baissent :p

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    • Pascal L Pascal L

      Les capteurs diams, j’en ai eu 2 et je confirme c’est de la daube. Ils se déconnectaient tout le temps, pas moyen de faire une mesure sur 5 minutes (je suis généreux, c’est souvent une minute) Ceux qui ont vendu ça à la métropole devraient être poursuivis pour fraude. Mais l’intoxication des politiques qui n’y connaissent rien en technologie est un sport mondial.

      Effectivement ceux du coin n’ont plus guère d’illusions sur le devenir du quartier mais le Pinel qui est vendu à des gens qui ne regardent que les belles images des sites internet et qui ne viennent pas y passer une semaine (sinon ils risqueraient de passer au début du chemin de la Madrague ville – taper 16 chemin de la Madrague ville sur Google street – hallucinant mais c’est pire aujourd’hui que sur l'”image, il va falloir faire venir des chasses-neige pour qu’on puisse passer !) c’est un marché juteux. D’ailleurs ce serait intéressant de connaitre le taux de propriétaire occupants de ces immeubles du 2-3.

      Le Pinel c’est bien, mais faut pouvoir louer et si c’est pourri ça se loue pas alors on revend … à perte … et c’est la trajectoire, la dégringolade, d’immeuble tel Bel Horizon par exemple, ça fini très mal.
      Un grand merci à Mme Vassal pour son action pour la propreté dans la moitié nord de Marseille : tous les habitants peuvent maintenant y adopter des rats et des cafards autant qu’ils le souhaitent et même davantage.

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    • Marc13016 Marc13016

      “On se demande bien pourquoi la Mairie ne s’en charge pas.” Bonne question en effet !
      Sans installer ses propres capteurs (encore que ce n’est pas si cher que ça, même en grand nombre), elle pourrait apporter son onction institutionnelle aux mesures relevées par les particuliers. Genre, une labellisation garantissant le sérieux de ces mesures, et ensuite, une diffusion sur son site internet, et enfin, une accumulation des données à des fins statistiques, voire légales si il fallait en arriver à un procès avec le GPMM.
      Pas sûr que ça soit dans les programmes … Pourtant, c’est un beau projet de participation citoyenne. Ils ont ça dans leurs cartons, la citoyenneté, me semble-t-il, les P.M. (pour le Printemps Marseillais, pas les Particules Microscopiques !)

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  2. BRASILIA8 BRASILIA8

    En gros ça dépend du temps ça dépend du vent cela me rappelle un sketch de Fernand Raynaud
    Encore une étude qui confirme ce que l’on sait depuis longtemps avec tout l’argent englouti dans ces études on aurait sans doute pu électrifier les postes

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  3. barbapapa barbapapa

    Immédiate mesure de salubrité publique : Fermeture des terrasses des Terrasses du Port

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  4. GaetanH GaetanH

    ZFE ???? donc sanctions ?

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Euh, la ZFE, tout le monde s’en fout, non ? La métropole a fait une vague campagne d’affichage (la com, c’est sa seule compétence concrète), et n’a même pas matérialisé les entrées du périmètre concerné. La police a indiqué qu’elle avait d’autres chats à fouetter que de faire des contrôles de vignettes Crit’Air. Un automobiliste sur deux continue d’y circuler avec une bagnole dépourvue de cette vignette. Quant aux habitants de la zone, dont certains sont particulièrement précaires, qui peut croire qu’ils ont les moyens de jeter leur vieille voiture ?

      Bref, on s’est plié à une obligation avec l’intention à peine cachée de n’en tenir aucun compte.

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  5. Fabienne Fabienne

    Bizarre c’est article. On dirait que apres la pollution intense causé par la panache, la pollution va simplement dispairaitre. Ils oublient que ca va se rajouter a la masse de fond de particules fines. Agir sur le traffic routier pour diminuer les particules fines n’a aucun sens quand il y a des bateaux a quai si et que 1L de carburant brule par un navire egale 80.000L de carburant brule par une voiture neuve.

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