Perquisition à la RDT 13 dans le cadre d’une enquête préliminaire sur la gestion des marchés

Perquisition à la RDT 13 dans le cadre d’une enquête préliminaire sur la gestion des marchés

La vénérable vieille dame n’avait sans doute jamais connu ça. Fondée il y a 110 ans pour opérer les déplacements en chemin de fer dans les Bouches-du-Rhône, la régie des transports des Bouches-du-Rhône, RDT 13, a reçu la visite, en son siège aixois ce jeudi 13 avril, d’enquêteurs pour y effectuer une perquisition. Elle intervenait dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet d’Aix-en-Provence, en fin d’année dernière, a confirmé celui-ci à Marsactu.

Cette enquête fait suite à un signalement de la métropole Aix-Marseille-Provence qui chapeaute la RDT 13 depuis 2017, au titre de sa compétence sur les transports. Selon nos informations, un fonctionnaire avait été mandaté pour passer au crible les comptes et le fonctionnement de l’établissement public. Ce qu’il y a découvert l’a aussitôt convaincu d’alerter sa hiérarchie et d’écrire à la procureure de Marseille.

Double saisine

En l’occurrence, outre son âge vénérable, la RDT 13 a conservé un certain esprit baroque dans sa gestion tant comptable que dans la passation des marchés. En parallèle de la saisine métropolitaine, le parquet d’Aix a reçu “un certain nombre d’informations” de la chambre régionale des comptes (CRC), qui a exercé un contrôle de la gestion de la régie à partir de 2016.

Marsactu avait dévoilé en avant-première les multiples entorses que la CRC avait soulevées dans son rapport rendu public en octobre dernier. Peu avare de traits d’humour, les magistrats de la chambre soulignaient à dessein le “caractère systémique” des irrégularités dans la passation des marchés, évoquant même – avec des guillemets en guise de pincettes – “un « panel » très complet des irrégularités possibles en matière d’achat public”. L’expression pourrait prêter à sourire si les marchés de la RDT 13 ne dépassaient pas les 50 millions d’euros.

“Gros volumes de dépenses non couverts par des marchés”

En 2021, un prestataire extérieur qui examine les procédures de passation s’alarmait déjà des pratiques en vigueur. Cité par la CRC, son diagnostic s’apparente à un inventaire à la Prévert de ce qu’il ne faut pas faire avec de l’argent public :

 “Peu ou pas de compétences spécifiques à la commande publique (compétences juridiques), absence d’acheteur métier au sein de l’entité, de nombreux acteurs dans le processus achats, une absence de vision globale et transversale sur l’ensemble des achats, l’absence de contrôle et de coordination des procédures marchés passées à toutes les étapes du process, de nombreux achats ou gros volumes de dépenses non couverts par des marchés publics”.

Parmi les irrégularités constatées, on peut citer les marchés saucissonnés en de multiples bons de commande, ce qui permet de ne pas passer par des appels d’offre en bonne et due forme. Ainsi, un cabinet d’architecte est “intervenu sur la plupart des opérations de construction de la régie” pour plus de 130 000 euros, sans mise en concurrence.

Parfois, la régie continue ses commandes alors que les marchés sont arrivés à échéance ou n’ont pas été renouvelés. C’est le cas, d’un marché signé en 2014, pour un an renouvelable, qui a donné lieu à 227 000 euros de paiements, alors qu’il n’existait plus de “support juridique pour passer commande à cette société dès 2015”.

2,2 millions de dépenses juridiquement non encadrées

Le pire est atteint avec l’entretien des locomotives – l’activité historique de la régie avant son rachat par le département au début du siècle dernier. Elle opère notamment le transport en train de marchandises, de déchets ou d’hydrocarbures. Là, c’est 2,2 millions d’euros qui sont dépensés sans mise en concurrence et donc de “manière irrégulière”.

Le conseil d’administration où siègent neuf élus de la métropole était clairement peu informé de cette situation qui, en revanche, ne pouvait pas échapper à la direction. Curieusement, certains marchés étaient regroupés dans un chapitre intitulé “contrats, conventions et divers” avant leur examen par le conseil. L’important marché d’entretien des locomotives voisinait alors avec des partenariats avec le club de rugby du coin, le festival d’Art lyrique ou une association de triathlon…

Des élus métropolitains trop absents

Le conseil d’administration n’a qu’un contrôle assez lâche de l’activité de sa régie. Les neuf élus qui y siègent pour le compte de la métropole, pourtant autorité organisatrice des transports, sont souvent absents. Leur présence est “rare, voire nulle, pour trois d’entre eux sur les quinze séances” examinées par la chambre. Le président de la RDT13, vice-président transport et mobilité de la métropole et maire d’Eyguières, Henri Pons n’y trouve rien à redire. Joint par Marsactu, celui-ci n’a pas répondu à nos sollicitations.

Dans certains cas, les pouvoirs des élus ont été confiés à des personnalités qualifiées, voire à des représentants du personnel, mettant ainsi la métropole en minorité dans la gestion de son propre satellite. Quant aux rapports d’activité, soit ils ne sont pas transmis à la collectivité, soit ils arrivent avec grand retard… Heureusement que le développement des transports collectifs est la priorité numéro un de la métropole.