Rue de Tivoli, un quartier meurtri face à l’urgence

Reportage
le 12 Avr 2023
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Trois jours après l'explosion suivie de l'effondrement de plusieurs immeubles rue de Tivoli, certains habitants ont été autorisés à récupérer des affaires sur place. Alors que les recherches se poursuivent dans les gravats, le quartier est englobé dans un périmètre de sécurité pour une durée indéterminée.

Un périmètre de sécurité englobe désormais 42 immeubles. (Photo : IH)
Un périmètre de sécurité englobe désormais 42 immeubles. (Photo : IH)

Un périmètre de sécurité englobe désormais 42 immeubles. (Photo : IH)

Quelques jours séparent Marseille du drame qu’elle a subi, rue de Tivoli, et à l’exceptionnel a succédé l’organisation. Sur le haut du cours Franklin-Roosevelt, la rue de Tivoli forme un plateau. Une file d’attente s’y est formée devant l’école élémentaire qui sert de base arrière aux secours. Au milieu du décor devenu habituel ces derniers jours, fait de couleurs fluorescentes des forces de secours, un groupe de civils tranche. Après le drame, 42 immeubles du voisinage ont été vidés de leurs habitants et 302 personnes évacuées – 247 adultes et 55 mineurs, soit 155 foyers –  ont été recensées par les services de la Ville.

Une bonne partie des délogés est réunie ici, devant l’élémentaire Roosevelt, ce mardi après-midi. Beaucoup habitent la portion la plus proche de la catastrophe. La rue de Tivoli, bien sûr, mais aussi les deux rues qui l’entourent : la rue Jaubert et la rue Abbé-de-l’Épée, jusqu’au boulevard Eugène-Pierre. Ils ne pourront pas rentrer chez eux ce soir, un arrêté a été pris, confirmant l’interdiction d’habiter ou d’occuper ces immeubles toujours trop dangereux pour leurs résidents. Car cet effondrement a eu lieu dans un quartier fait souvent de “trois fenêtres marseillais”, ces immeubles qui se soutiennent mutuellement : c’est aussi la fragilisation de tout un pâté de maison.

Les habitants s’apprêtent néanmoins à accéder brièvement à leur appartement, escortés par un policier municipal et un marin-pompier. Ils vont avoir l’occasion de remplir leurs valises de vêtements et d’effets personnels. Un peu gêné, l’un d’entre eux a suivi les instructions de rendez-vous transmises via le syndic par SMS. Il demande des informations, puis se met dans la file pour attendre son tour. Afin passer le cordon et retrouver quelques unes de ses affaires dans son appartement rue Jaubert. Il est toujours sous le choc, un peu pudique. Anonyme, il y tient, il raconte son quartier, qu’il apprécie, qui ne sera plus pareil. “Ce “boum”, au début j’ai cru à un attentat”. Il décrit un tremblement profond, faisant réagir une femme derrière lui dans la file. “Je comprends qu’ils ne veuillent pas qu’on rentre, chez moi le mur a fait comme un vague”. Drôle de rencontre entre voisins, où l’on partage ses certitudes sur les causes d’un drame commun, où on échange les prénoms, mais aussi ceux des victimes, à qui l’on pense.

Les dernières heures ont transformé les portés disparus en fatalités, les chiffres en nom. Ce matin le parquet annonçait avoir formellement identifié 4 victimes sur les six corps retrouvés. Sans surprise et sans illusion. “Ces pauvres gens…”. Le délogé secoue la tête. Il se retrouve gêné de la solidarité dont font preuve les Marseillais. “On nous a dit qu’on avait donné des habits. Je n’en ai pas besoin, surtout dans un moment comme ça, mais c’est tellement gentil”.

Élan de solidarité

Comme pour les trois quarts des relogés, il a trouvé refuge chez des proches, pas très loin du quartier, le quart restant étant logé à l’hôtel aux frais de la municipalité. À la mairie de secteur aussi, on collecte depuis le matin d’un côté les habits et les produits d’hygiène ou pour bébé uniquement, peut-être aussi pour canaliser une volonté de solidarité qui dépasse même les besoins des délogés. Le gymnase Vallier a été réquisitionné pour accueillir de l’aide administrative, juridique, psychologique. Le riverain de la rue Jaubert a bien l’intention d’avoir recours à la dernière : “J’ai beau aller bien, je suis encore sous le choc. Mais je culpabilise un peu”.

“Non, monsieur, y en a assez des caméras”. Cette habitante n’y va plus par quatre chemins. À peine s’est-elle détachée du groupe qui attend son tour pour sortir de la rue de Tivoli en tirant une grande valise qu’on lui demande si elle peut répondre à des questions. Elle refuse donc, nettement, mais marmonne assez fort, comme pour être entendue “Comme si je pouvais dire quelque chose de plus que ce qui a été dit”.

Depuis qu’il s’est établi pour la première fois dans la nuit de samedi à dimanche, le périmètre de police a légèrement rétréci pour la première fois mardi matin, autorisant le public à emprunter la rue Saint-Savournin, chemin le plus direct vers la Plaine. Après trois jours de lutte, les marins-pompiers ont excavé 950 de mètres cube de débris. Et les recherches continuent, périlleuses, avec la crainte de voir le numéro 19 s’effondrer complètement. Le parquet de Marseille a lancé un appel à témoins, espérant trouver des informations sur les minutes qui ont précédé l’effondrement. “L’hypothèse d’une explosion au gaz” est toujours privilégiée, a confirmé la procureure mardi matin. Mais pour le moment, autour du périmètre résonne toujours un traumatisme collectif qui n’en est qu’à ses débuts.

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