L'aire de rien

Un recours pour forcer MPM à aménager des aires d’accueil de gens du voyage

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le 13 Nov 2015
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L'avocat Benoît Candon porte ce vendredi au tribunal administratif la demande d'une association de gens du voyage pour obliger la communauté urbaine de Marseille à respecter la loi.

Le stade Mouton, avec en fond l
Le stade Mouton, avec en fond l'usine Arkema Saint-Menet. Photo Georges Robert.

Le stade Mouton, avec en fond l'usine Arkema Saint-Menet. Photo Georges Robert.

Faire respecter – enfin – la loi sur l’accueil des gens du voyage. C’est l’objectif d’un recours de l’association La vie du voyage contre Marseille Provence métropole (MPM). Porté par l’avocat Benoît Candon, il sera examiné en référé ce vendredi au tribunal administratif de Marseille. Depuis 2000, la loi Besson impose la réalisation d’aires d’accueil spécifiques. Sur le territoire de MPM, compétente en la matière depuis 2014, 220 places réparties en cinq aires sont exigées par le schéma départemental adopté en 2011. Or, il n’y en a aujourd’hui que 48.

Benoît Candon n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il a défendu des familles sur ce sujet dès 2002. En juin l’avocat avait porté deux recours pour défendre des installations près de la fondation Vasarely et à la Duranne. Dans le second cas, le tribunal administratif de Marseille a annulé l’arrêté d’expulsion du préfet, sous prétexte qu’Aix-en-Provence “ne respecte pas [ses] obligations”. Pour Vasarely, “qui était exactement la même problématique”, la procédure a échoué, mais pour des questions de forme, affirme Benoît Candon. Le référé de ce vendredi est plus audacieux. Il s’agit non pas de contester une expulsion, de traiter une situation particulière, mais de forcer MPM à réaliser des aires.

Actuellement, la seule existante sur son territoire est celle de Saint-Menet, à quelques encablures de l’usine chimique Arkema… Pendant des années, la mairie de Marseille a également mis en avant le terrain de Mazargues Eynaud. “Non répertoriée au schéma départemental comme une aire d’accueil de gens du voyage, elle ne peut être considérée comme telle. Elle accueille en effet des ex-gens du voyage complètement sédentarisés”, note le recours. Par ailleurs, il manque une aire dite de “grand passage”. D’un aménagement plus sommaire, elle est censée permettre d’accueillir des arrivées en groupe sur de courtes périodes.

Plutôt du BMX

“Cela constitue une atteinte grave à leur mode de vie et les pénalise au surplus lourdement dans leurs activités privées, familiales et professionnelles”, argumente le recours. Sans fard, il indique qu'”en l’absence d’aires de stationnement, les gens du voyage sont conduits à commettre des délits pénaux, comme l’entrave à la circulation ou l’ouverture de terrains par effraction ou dégradation, ou encore à porter atteinte à la sécurité, la tranquillité ou la salubrité publique en stationnant dans des lieux mal adaptés pour les recevoir”.

L’exemple de l’occupation récurrente des stades Mouton et Pépinière à Saint-Menet est cité à l’appui. Étant donné le nombre de caravanes (plusieurs centaines) et la période systématiquement estivale, elle correspond exactement au besoin rempli par une aire de grand passage. “Cela nous avait coûté 200 000 € pour refaire la pelouse l’an dernier et nous en sommes à 500 000 € depuis 2012 de travaux de réfection ici et au stade du Mouton”, s’emportait en septembre dans La Provence la députée-maire du 11/12 Valérie Boyer (LR).

Des sommes à mettre en rapport avec celui de l’investissement d’une aire d’accueil et d’une aire de grand passage : si on se fie au coût moyen par place indiqué par le ministère du logement, il en coûterait moins de 2 millions d’euros pour mettre Marseille en conformité avec la loi. Pour l’heure, la municipalité réfléchit à transformer le stade Pépinière en terrain de BMX et motocross…

Casse auto sous des falaises

Dans le cadre de sa défense contre le recours, MPM a ressorti un bilan publié en février 2015, en parallèle du vote de “principes cadres” sur le sujet. Lorsque la communauté urbaine a récupéré le dossier, quatre villes de la Côte Bleue – qui mutualisent leurs obligations sur un terrain à Gignac-la-Nerthe – et Septèmes-les-Vallons – qui s’est associée aux Pennes-Mirabeau – avaient bien avancé. En revanche, les projets de Marignane, Saint-Victoret, La Ciotat et Gémenos sont encore embryonnaires. Sans parler de Marseille…

“À La Ciotat, le projet est évoqué depuis 2012 sans avoir avancé d’un chouïa. Le terrain est situé au niveau d’une ancienne casse automobile, sous des falaises, ce qui le rend compliqué d’emblée”, note Benoît Candon. L’avocat souligne également que Gémenos n’est même pas mentionnée dans le document alors que le schéma départemental lui impose une vingtaine de places. Une étude a toutefois été confiée à la Soleam, aménageur de la ville de Marseille, pour faire des propositions de localisation. “Alléguer devoir effectuer encore et encore de nouvelles recherches constitue un argument abusif et dilatoire”, rétorque le recours.

Des préfets sans fermeté

Au niveau départemental, un bilan tiré en 2013 par la préfecture n’était pas plus flatteur. Moins d’un quart des places prévues par le schéma avaient été réalisées, contre deux tiers en moyenne nationale. En revanche, deux des trois aires de grand passage – celles d’Aix-en-Provence et Istres – sont aménagées. Mais le reportage de France 3 Provence sur l’aire aixoise du plateau de l’Arbois, en compagnie de Benoît Candon, ne donne pas envie de s’y arrêter.

Même si certains projets ont vu le jour ces dernières années, les préfets successifs ont rarement dépassé les sermons sans lendemain pour que le rattrapage soit général. En juin 2013 pourtant, la préfecture semblait prête à changer de braquet. “À compter de janvier 2014, l’Etat pourra mettre en demeure les communes retardataires de se conformer à leurs obligations, avant, éventuellement, de se substituer à celles qui seraient en carence”, prévenait un communiqué. Les recours multiples de Benoît Candon ont le mérite de rappeler qu’il n’en a rien été.


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Actualisation

Le 13 novembre à 19h.
Le tribunal administratif donne raison à l’association La vie du voyage et enjoint à MPM de prendre une nouvelle décision dans un délai de six mois.

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    Où l’on apprend que rien n’a été fait depuis 2015… alors que le retard était déjà flagrant.

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