Lycéenne décédée à Gardanne : de la polémique antivax au classement sans suite de l’enquête
Le décès de Sofia B. est brandi comme un exemple des méfaits de la vaccination par ses contempteurs. L'enquête menée par le parquet d'Aix-en-Provence n'a établi aucun lien entre l'injection et la mort de la lycéenne. La famille va demander des examens complémentaires.
Des seringues de vaccin anti-Covid. (Photo : ML)
Depuis son décès en septembre 2021, le visage de Sofia B. s’affiche partout, de conférences en manifestations. Plusieurs militants contre le vaccin anti-Covid ont fait de la mort soudaine de cette lycéenne de Gardanne un cas emblématique des méfaits qu’ils attribuent à ces piqûres. La tante de Sofia, notamment, multiplie neuf mois plus tard encore les conférences pour évoquer le cas de sa nièce. À qui veut l’entendre, elle demande de “refuser ce poison”. Mais elle dit aussi avec justesse sa douleur. Elle évoque “la vérité que les familles demandent pour trouver la force d’avancer”.
C’est le sens des investigations que vient de terminer le parquet d’Aix-en-Provence, sans conclure précisément sur les causes d’un décès surveillé dès le départ par les autorités sanitaires. C’est peu dire que son travail s’est déroulé sous pression et c’est le procureur Achille Kiriakides lui-même qui a supervisé l’enquête. Dès le lendemain du décès et sans autre information qu’une première injection du sérum de Pfizer dix jours plus tôt, de nombreux internautes anti-vaccin ont crié à “l’assassinat”. Un contexte qui a poussé la mère de la victime, effondrée, à appeler au calme et à la décence. “Les différents articles dans la presse sont le fait du père de Sofia. Il doit notamment être orienté par sa sœur qui est une anti-vaccin. [Dans] le seul article de journal qui est de mon fait, j’essaie de calmer les esprits. […] Je ne veux pas que le décès de ma fille serve à la propagande anti-vaccin”, confie-t-elle lors de son audition.
Le père et la tante de Sofia B. ont poursuivi le combat judiciaire et le parquet a pris la précaution de les informer des avancées de l’enquête. Progressivement, ils ont appris le déroulé des faits, du malaise en fin de matinée au lycée jusqu’au décès 18 heures plus tard. Une thrombose ayant entraîné une embolie pulmonaire massive a été fatale à la jeune femme.
Une expertise médico-légale évoque la pilule contraceptive
La justice ne fonctionne pas avec des vérités révélées mais avec des faisceaux d’indices. Ni le père ni la tante n’ont été entendus dans la procédure pour évoquer leurs soupçons sur le vaccin. “La justice mène ses investigations sans prendre le pouls de la famille, constate leur avocat “triple vacciné” Mehdi Medjati. L’idée du procureur, c’était de trouver la cause par l’intermédiaire d’un expert. C’est un dossier d’expertise plus que d’enquête en réalité.”
Très vite, c’est en effet une professeure du service de médecine légale de la Timone qui récupère le dossier. Données d’autopsie, antécédents médicaux, facteurs héréditaires atterrissent sur son bureau. L’experte produit un premier rapport. Au bout de sa démonstration, elle oriente ses conclusions dans un autre sens que celui proposé par la famille. “Seul le rôle de la contraception orale peut être retenu dans la survenue d’une embolie pulmonaire massive”, estime la médecin. Trois mois avant sa mort, Sofia s’était vu prescrire une pilule qui constitue, précise-t-elle, “un facteur de risque thrombotique”, de l’ordre de 2 à 6 fois plus que la normale. Cet élément n’est toutefois pas retenu comme suffisamment étayé pour constituer une cause établie du décès.
Peu d’exemples dans la pharmacovigilance
La professeure précise comme il se doit que cette piste unique est formulée “en l’état actuel des données”. Dans un rapport complémentaire, elle s’attaque à la question suivante : “Peut-on établir une corrélation certaine entre la vaccination et l’embolie pulmonaire ?”. Sa réponse tient en une page et se base sur la littérature scientifique à sa disposition : “la parution régulière des enquêtes de pharmacovigilance ne permet pas de retenir un lien exclusif entre la survenue d’une embolie pulmonaire et la vaccination.” Et la spécialiste de citer en exemple un rapport de confrères marseillais et bordelais qui s’est basé sur 36 cas de thromboses dans leurs services sans trouver de lien probable avec le vaccin. L’Agence nationale de sécurité du médicament dans ses analyses établissait les mêmes constats : les cas suspects concernent les vaccins à vecteur adénoviral, comme l’AstraZeneca ou le Janssen, plutôt que ceux à ARN messager comme le Pfizer.
C’est ce deuxième rapport qui conduira à la fin de l’enquête. Du moins provisoirement. La famille estime que les réponses ne sont pas assez fermes et va solliciter un complément d’enquête. “Je vais solliciter une nouvelle expertise qui puisse permettre de challenger la première”, annonce Mehdi Medjati. Parmi ses arguments, il estime que l’analyse est biaisée : “La question n’est pas de déterminer une causalité certaine, mais une causalité probable”. Il voudrait notamment que soient examinées de plus près “la présence de lésions pulmonaires semi-récentes [qui] suggère un processus se déroulant sur plusieurs jours avant le décès”, alors que la jeune femme prenait la pilule depuis plusieurs mois. Il suggère aussi et sans plus de précision que soit étudiée une potentielle “interaction” entre la pilule et le vaccin. S’il n’est pas entendu par le parquet général d’Aix, il pourra poursuivre par une plainte avec constitution de partie civile pour faire désigner un juge d’instruction ou une demande indemnitaire dans le cadre d’une procédure civile.
Commentaires
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Félicitations, excellent article correctement documenté, clair, sans recherche de sensationnel.
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” une interaction entre la pilule et le vaccin”?
Sans doute l hypothèse ma plus probable mais qui ne prouvera pas la toxicité du vaccin.
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