LE PORT ET LA VILLE
Une fois de plus, le port fait parler de lui, à Marseille. Les problèmes environnementaux liés aux usages du port s’ajoutent aux problèmes politiques posés par l’administration du Port, qui échappe à la municipalité et à la métropole
La Valiant Lady et le MSC Orchestra sont en escale à Marseille ce mardi 19 juillet. (Photo JV)
La pollution liée aux gigantesques bateaux de tourisme
C’est le lancement d’une pétition par la municipalité visant à imposer une politique des bateaux de croisière plus respectueuse de l’environnement qui, une fois de plus, soulève la question de la pollution urbaine liée au Port (Voir l’article de Suzanne Leenhardt dans Marsactu du 21 juillet 2022). Ces monstres, qui, en plus, ne servent pas au transport des voyageurs mais uniquement au tourisme, détruisent l’environnement de la ville par leurs rejets et par la pollution liée à leurs carburants. La taille de ces bateaux a atteint celle de véritables gratte-ciels maritimes, mais peut-être pourrait-on parler de gratte-mer. La pollution qu’ils suscitent dans le port, et, par conséquent, au-delà, dans la ville, st aussi une pollution visuelle, car ils dégradent le paysage urbain de façon spectaculaire : c’est un spectacle d’horreur qui s’offre aux habitantes et aux habitants de la ville – mais, même aux touristes, ce qui instaure une contradiction : conçus pour le tourisme, ils finissent par l’empêcher et par lui nuire. C’est l’habitat urbain qui est pollué et dégradé par cette modernité illusoire du transport.
Repenser la place du tourisme dans la politique urbaine de Marseille
Au-delà des bateaux, c’est la place du tourisme dans l’économie urbaine qu’il devient urgent de repenser. Peut-être la multiplication de ces bateaux de tourisme et leur taille ne sont-elles que des symptômes d’une réalité plus profonde dans l’économie de la ville et de la métropole. Ce n’est jamais bon signe quand le tourisme occupe une place trop importante dans une économie, car cela signifie que les domaines plus vitaux et, surtout, plus productifs de valeur, ont perdu leur importance. Marseille deviendrait-elle un port de tourisme ? Ne l’oublions pas et ne faisons pas semblant de ne pas le voir : le tourisme des villes est, pour elle, uns forme de prostitution. Il signifie que la ville ne produit pus, ne participe plus aux échanges avec d’autres villes ou avec d’autres pays, mais n’est plus active que dans le domaine du jeu et du loisir. C’est aussi cette pollution-là qui envahit la ville, et ce n’est plus seulement la pollution de l’environnement. L’invasion de la ville par les touristes risque, à terme, de faire perdre à Marseille son identité et son histoire, car cette histoire risque de ne plus être une histoire politique, économique et sociale, pour n’être plus qu’une histoire romanesque d’aventures et de héros.
Les relations entre le Port, la municipalité et la métropole
Enfin, ce qui est à repenser, c’est ce que l’on peut appeler la politique du Port, c’est la relation entre trois pouvoirs : le pouvoir de la municipalité, celui de la métropole et celui du Port, une institution nationale dont l maîtrise échappe aux pouvoirs locaux, comme c’est le cas d’autres ports « autonomes » comme celui de Bordeaux. Que la municipalité en soit réduite à lancer une pétition, ce n’est pas bon signe, car cela signifie qu’elle est en situation de demande vis-à-vis d’un pouvoir qui lui échappe – en l’occurrence celui du Port. Entreprise d’ouverture de la métropole sur le monde, le Port – comme, d’ailleurs, l’aéroport, qui jour le même rôle – devrait faire partie des éléments de la politique de développement économique et d’activité prévus et régulés par la municipalité et par la métropole. Ce n’est pas à la Chambre de commerce ni aux institutions nationales de l’État de prévoir et de décider ce que doit être l’avenir du Port, c’est à la municipalité et à la métropole. Une fois de plus, cette initiative de la municipalité est un symptôme : celui d’une faiblesse économique et institutionnelle de la municipalité. Encore une fois, cet aspect de la politique du Port n’est pas propre à Marseille, mais elle concerne tous les ports de notre pays et leurs relations avec les municipalités et métropoles dans lesquelles ils se situent. Ne nous trompons pas : nous sommes, une fois de plus, devant une crise de pouvoirs. Il faut regarder au-delà des bateaux de tourisme pour mesurer l’enjeu de l’initiative prise par la municipalité. Il importe de repenser les modalités de la régulation de l’activité économique de la ville et de la métropole par les institutions et les pouvoirs proprement politique, au lieu de les laisser, presque par une sorte de négligence, aux acteurs économiques et financiers.
Encore une histoire de libéralisme
Une fois de plus, nous voilà renvoyés devant les méfaits du libéralisme. Ce n’est pas à des entreprises et à des acteurs économiques privés de décider des orientations d’une politique économique. L’économie doit demeurer une économie politique, et faire, ainsi, partie des domaines d’action et d’intervention des états et des pouvoirs qui ont été démocratiquement choisis par les citoyennes et par les citoyens. Face à cet excès des activités du tourisme maritime, nous sommes, une fois de plus, confrontés à l’affaiblissement de l’État dans la vie économique, car, enfin, une municipalité et une métropole urbaine font partie de l’État : elles sont ce que l’on peut appeler la part locale de l’État. Devant cette dévolution de l’espace urbain aux activités du tourisme, qui prive la ville de sa maîtrise de la mer, nous nous trouvons devant un des aspects de cet affaiblissement de l’État qui caractérise la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Comme toutes les activités liées au transport, la mer et les ports ont toujours été des institutions de commerce et d’échange. C’est pourquoi ils ont toujours été le champ d’une tension entre les pouvoirs des entreprises et des marchands et les pouvoirs des états dans lesquels ils se situent. La pétition de la municipalité va bien au-delà de la question de la pollution suscitée par les grands bateaux de tourisme : elle pose la question soulevée par le libéralisme de la reconnaissance d’un pouvoir de l’économie qui échapperait au pouvoir politique et au contrôle et à la régulation de l’activité par les acteurs politiques. Il est temps d’élaborer et de mettre en œuvre une critique de l’économie politique du transport.
Une fois de plus, le port fait parler de lui, à Marseille. Les problèmes environnementaux liés aux usages du port s’ajoutent aux problèmes politiques posés par l’administration du Port, qui échappe à la municipalité et à la métropole
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