Sabrina Agresti-Roubache et Lionel Royer-Perreaut, les ambitieux néo-députés de la Macronie

Reportage
par Coralie Bonnefoy & Suzanne Leenhardt
le 20 Juin 2022
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La conseillère régionale et le maire des 9e et 10e arrondissements sont, finalement, les deux nouveaux visages de la majorité présidentielle à Marseille. Deux personnalités fortes, différentes mais unies par une indéniable ambition politique.

Sabrina Agresti-Roubache et Lionel Royer-Perreaut, les ambitieux néo-députés de la Macronie
Sabrina Agresti-Roubache et Lionel Royer-Perreaut, les ambitieux néo-députés de la Macronie

Sabrina Agresti-Roubache et Lionel Royer-Perreaut, les ambitieux néo-députés de la Macronie

Ce dimanche 19 juin, Sabrina Agresti-Roubache a gagné deux choses. Un maillot de l’OM bleu azur floqué à son nom que lui tend un petit garçon – “parce que tu es une championne”, sourit la mère du garçonnet. Et un siège, pas acquis d’avance, au Palais Bourbon. Il est un peu plus 22 h 30 dans la cour de l’ancien cabinet de radiologie de Saint-Barnabé que la candidate a choisi comme local de campagne et son équipe peut, enfin, laisser éclater sa joie.

Toute la soirée durant, le duel qui opposait la candidate d’Ensemble, proche du couple présidentiel, à Monique Griseti, investie par le Rassemblement national, dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône, a été incertain. Au gré du dépouillement, la représentante de la majorité présidentielle, par ailleurs conseillère régionale dans la majorité du centre et de droite de Renaud Muselier, a compté jusqu’à 700 voix de retard sur la lepéniste. Elle finit par l’emporter sur le fil avec 50,8 % des suffrages et 479 bulletins d’avance.

Vents contraires

À la sono, le DJ est passé de la bossa-nova d’ascenseur à de l’électro qui cogne. Les militants se congratulent et s’enlacent. Ils scandent “Sabrina-Sabrina-Sabrina !”. C’est une victoire dans le combat ! Nous sommes allés la chercher voix par voix”, commente Sabrina Roubache, large sourire et traits fatigués. La productrice audiovisuelle de 45 ans considère que malgré les appels très clairs de la gauche – Thibaud Rosique pour la Nupes et Benoît Payan le maire de Marseille ont appelé à voter pour elle – “le front républicain n’a pas marché. Ce soir, je suis élue contre deux courants nationaux, contre tous les vents contraires.” Une question qui ne paraît pas aussi aisée à trancher, en tout cas moins que les reports au bénéfice des candidats de la France insoumise dans leurs duels avec le RN.

Au gré de la soirée, la cour du cabinet de radiologie se remplit d’anciens proches de Jean-Claude Gaudin (les adjoints Julien Ruas, Sylvie Carréga, le conseiller Maurice Battin, entre autres.). La fête a un faux air de reconstitution de ligue dissoute. Roland Blum est là aussi. Lui qui fut premier adjoint de l’ex-maire de Marseille et député de ces quartiers Est 25 ans durant, était le président du comité de soutien de la députée fraîchement élue. Il la couve d’un regard presque paternel et lui tresse quelques lauriers : “C’est une femme jeune, cheffe d’entreprise, dynamique. C’est pour moi le portrait idéal du renouvellement politique, d’une droite qui doit évoluer.” Didier Parakian, son suppléant, lui aussi ancien adjoint de Jean-Claude Gaudin ne tarit pas d’éloges non plus : “Sabrina, c’est ma gâtée ! Elle a la niaque, elle a du punch. Elle incarne une nouvelle manière de faire de la politique, faite d’émotions, de joies, de pleurs.”

Je n’ai pas la victoire joyeuse mais la victoire grave. J’ai l’impression de revivre le choc de 2002″

Sabrina Roubache

Quelques minutes plus tard, assise son maillot de l’OM posé sur les genoux, la nouvelle députée savoure mais avec nuances. “Pour moi qui suis une fille de Marseille, c’est un symbole très fort de battre le RN. C’est une Roubache qui a battu le RN !”, se satisfait-elle avant de préciser : “Pour autant, je n’ai pas la victoire joyeuse mais la victoire grave. J’ai l’impression de revivre le choc de 2002.” Le score très élevé du RN et de l’abstention “doivent nous amener à mener une réflexion sur la représentation.”

Coup de fil présidentiel

Difficile pour la nouvelle élue de goûter pleinement à son succès dans un contexte national qu’elle juge très compliqué. “Cette victoire me donne plus de devoirs que de droits. Vis-à-vis des électeurs, vis-à-vis du reste du Parlement et vis-à-vis du président.” Emmanuel Macron, justement, l’a appelée. “Il m’a félicitée. Mais nous avons aussi parlé de la situation nationale. Pour nous, surtout, le travail commence demain [lire aujourd’hui]”, dit-elle pour résumer le coup de fil présidentiel. Son ambition première ? “Contribuer à mettre en œuvre Marseille en grand, pour le bénéfice des Marseillais”, affirme-t-elle.

Dans cette nuit électorale qui au fil des heures prend la forme d’un désaveu pour le président de la République et ses troupes, la victoire de Sabrina Roubache fait figure de rayon de soleil durant la traversée de la Bérézina. Quand des ténors de la macronie tels que Richard Ferrand, Christophe Castaner, et plusieurs ministres du gouvernement Borne se sont faits laminer, quand trois sortants marseillais sont balayés, il n’est pas interdit de penser qu’en enlevant la première circonscription des Bouches-du-Rhône, Sabrina Roubache a gagné un troisième cadeau : la possibilité d’un maroquin ministériel dans un gouvernement futur. “C’est tout ce qu’on lui souhaite !”, pose Didier Parakian qui, du coup, entrerait comme son suppléant au Palais Bourbon. Il rit : “Elle ferait une bonne ministre et je ferais un bon député. Elle a les moyens de ses ambitions.”

“En politique, l’ambition n’est pas un défaut”

Roland Blum

Trop gourmande de pouvoir, Sabrina Roubache ? Trop ambitieuse, trop carriériste, s’irritent certains de ses adversaires. “En politique, l’ambition n’est pas un défaut”, répond d’un air de connaisseur Roland Blum, cinq mandats à l’Assemblée entre 1986 et 2012. L’intéressée évacue pour l’instant la question d’une trajectoire ministérielle : “Je viens à peine d’être élue. Laissez-moi savourer d’être députée !” Elle avait pris soin, durant sa campagne de prévenir qu’elle n’entendait pas se “laisser enfermer dans une assignation à résidence politique”. Qui sait si les frontières de sa circonscription ne lui sembleront pas rapidement trop étroites.

Champion du cumul

À peu près à la même heure, Lionel Royer-Perreaut prend le soin d’enfiler son écharpe tricolore, avant d’attraper le micro. Des cris de joie et des applaudissements fusent au bar The Pub, avenue Lattre de Tassigny (9e). Conseiller départemental, maire des 9e et 10e arrondissements, président du bailleur social 13 Habitat… à Marseille, Lionel Royer-Perreaut fait figure de champion du cumul des fonctions. Le voilà qui vient donc d’être élu député de la 6e circonscription des Bouches-du-Rhône, sous la bannière d’Ensemble.

Malgré une abstention importante, le transfuge des Républicains qui avait choisi de soutenir Macron dès février dernier s’offre un score qui ne souffre aucune contestation : avec 57,9 % des voix, contre 42,1 % à Éléonore Bez (Rassemblement national). Il est “soulagé et fier“, souffle-t-il au micro, devant une assemblée qui dit son ancrage local. Dans la foule, bon nombre d’agents de la mairie des 9/10 sont venus le soutenir. En fin politique qu’il est, celui qui fêtera ses 50 ans en novembre se satisfait de sa victoire mais pousse son analyse plus loin. “Aujourd’hui s’ouvre un nouveau cycle politique dans ces arrondissements. La France a besoin de réformes, il faut une majorité solide“, assure-t-il. Pas question, dans son discours, de froisser ses anciens amis politiques. Au contraire, il esquisse une “main tendue” vers ses adversaires, notamment LR, d’hier.

Cette élection va en appeler d’autres. C’est important de se parler, d’échanger pour écrire l’histoire dans les années qui viennent.

Lionel Royer-Perreaut

Surtout, Lionel Royer-Perreaut veut voir plus loin. Ambitieux, il l’est. En gagnant la 6e circo, au nez et à la barbe de Guy Teissier et de Martine Vassal qui tous deux soutenaient la candidature de Didier Réault (LR), le maire des 9/10 gagne aussi du poids politique. Entre les lignes, son message est limpide. Il faudra compter avec lui dans les prochains scrutins : “Cette élection va en appeler d’autres. C’est important de se parler, d’échanger pour écrire l’histoire dans les années qui viennent. Je n’ai d’acrimonie envers personne, j’ai parlé avec ma majorité municipale, notre destin est commun.

Les municipales marseillaises ? “LRP” assure qu’il est trop tôt pour évoquer cette échéance. “C’est un sujet qui se posera en son temps, c’est dans quatre ans”, glisse-t-il. Il n’empêche, il souligne l’air de rien que “les fondamentaux de la recomposition politique sont aujourd’hui posés”. Là encore, il s’agit bien de comprendre que cette recomposition, désormais il est de ceux qui l’incarnent.

Et s’il voyait encore plus loin que les municipales marseillaises et les futures départementales ?  Un poste de ministre ? Il sourit et ne dit pas non : “Moi, je suis disponible pour Marseille et les Marseillais, après nous verrons“. Il a désormais 30 jours pour se mettre en conformité et faire ratifier par le conseil d’arrondissements l’élection d’un successeur à la tête de la mairie des 9/10 qu’il entend surveiller de près. Il apprendra alors à ceindre son écharpe tricolore non plus à la manière d’un maire (le bleu près du col), mais à la façon d’un député (dans l’autre sens). Un tout petit détail, mais un vrai changement de stature politique.

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Coralie Bonnefoy
Suzanne Leenhardt

Commentaires

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  1. julijo julijo

    deux nouveaux visages pour macron, qui sont deux vieux visages de lr dans nos secteurs. leur ambition n’a pas d’odeur, la place est bonne.
    c’est amusant de noter que leur envie de gagner est inversement proportionnelle à la chute, à la disparition de lr dans les bdr. qui reste-t-il pour envisager une remontada de la “droite et du centre” ?
    finalement, je l’ai déjà dit, je préfère un parachuté qui ne tourne pas avec le vent, mais opère un simple détour géographique, à ces deux ex lr qui ont les dents qui trouent la moquette.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Adoubée par Gaudin en personne, Mme Roubache est peut-être jeune, mais elle incarne désormais cette vieille droite qui a coulé et fracturé Marseille. Une droite sans plus de conviction qu’une girouette, à part la volonté de durer, dont LRP est la caricature.

      Les plaintes de Mme Roubache sur le front républicain qui n’aurait pas bien fonctionné en sa faveur sonnent curieusement, quand on voit le nombre de candidats RN élus grâce à des reports de voix LREM au détriment de la gauche. C’est une leçon qui ne sera pas oubliée.

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    • Jack Jack

      Encore Gaudin ? J’avoue être perdu par cette référence incessante qui n’a plus aucun sens ni réalité

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    • julijo julijo

      @…! plus aucun sens ? gaudin ? c’est une blague !

      il a défiguré la ville, vendu tout par petits bouts, a fait le despote, a promené son incompétence et sa roublardise dans tous les domaines de la cité…et ….etc.
      les cicatrices des activités de gaudin et de sa nullicipalité sont énormes et visibles, la ville sera en “traitement” longtemps avant d’effacer les dégats. et certains sont irréversibles.
      perdu ? allez faire un tour dans les musées, les écoles, les TC, les impôts….

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      La référence à Gaudin – qui pourrait en effet avoir l’élégance de se cacher – est juste liée à un petit fait d’actualité : peu avant le premier tour, Mme Roubache a publié une vidéo où l’ancien maire lui apportait un soutien chaleureux. Je ne sais pas s’il s’agissait du baiser de la mort, mais quand on prétend incarner le renouvellement, on ne se réclame pas fièrement de celui qui a laissé la ville en déshérence pendant un quart de siècle.

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  2. Tarama Tarama

    Merci à Marsactu d’arrêter de parler de “nouveauté” pour des figures et des noms que l’on voit depuis des décennies.
    Merci de ne pas participer au story-telling médiocre de ces gens et des autres médias.
    Vraiment.

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  3. Richard Mouren Richard Mouren

    …..le transfuge des Républicains qui avait choisi de soutenir Macron dès février dernier…. Dès Février, c’est au deuxième degré, j’espère. ….Qui a attendu février…. devrait-on dire. Bon, Martine a fait mieux que lui…..

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  4. jemamo13 jemamo13

    C’est vraiment à gerber la politique dans les BDR!

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  5. TINO TINO

    Qualité de l’une, être bonne copine des Macron. Qualités de l’autre, souple comme les girouettes, mais rigide dans la direction des ressources humaines ( allez faire un tour à 13 habitat en ce moment…..). Le 13, entre le rn et ces gens là, n’est pas le chiffre porte bonheur…..

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