Devant le tribunal, EDF se défend d’avoir détruit l’écosystème de l’étang de Berre
Ce lundi, EDF comparaissait devant le tribunal correctionnel de Marseille pour avoir pollué l'étang de Berre. Alors qu'il s'était engagé dans un processus de réduction des rejets de sa centrale de Saint-Chamas, l'électricien réfute désormais toute responsabilité.
EDF comparaissait ce lundi devant le tribunal correctionnel de Marseille pour pollution de l'étang de Berre. Au premier plan, son avocat Alexandre Gaudin. Photo : VA
“L’infraction de pollution peut-elle être caractérisée sachant qu’il n’y a pas eu de dépassement réglementaire ?” La question que pose ce lundi Laure Humeau, présidente du tribunal, est inhabituelle. Face au tribunal judiciaire de Marseille, les représentants d’EDF, accusée d’être l’émetteur de la pollution via la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas, plaidaient pour la négative. Constitués en parties civiles, le groupement d’intérêt public pour la réhabilitation de l’étang de Berre (Gipreb), ainsi que le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de PACA, répondaient par la positive. Et réclament la reconnaissance d’un préjudice écologique et économique.
Au départ de la plainte, il y a une grave crise d’anoxie – manque d’oxygène – connue par l’étang à l’été 2018. Qualifié de “catastrophe écologique” par le Gipreb, l’épisode dit de malaïgue a causé la mort de nombreux animaux et végétaux vivant dans ce milieu. Comme par exemple les palourdes, dont on a constaté 100 % de mortalité à l’époque. Certaines conséquences de cet épisode sont encore visibles aujourd’hui. Rapidement, le syndicat mixte a multiplié les procédures, dont celle-ci, sous la forme d’une citation directe devant le tribunal. Autrement dit un procès sans passage par une enquête diligentée par le procureur. Le délit visé, “déversement de substances nuisibles pour le maintien ou la consommation de la faune ou de la flore”, est puni de 500 000 euros d’amende pour une entreprise.
Rejets exceptionnels… mais dans les clous
Tout au long de la journée, les deux parties ont ainsi débattu de la responsabilité de la centrale hydroélectrique dans la crise écologique de 2018, dont une réplique de moindre ampleur a été observée en 2021. Cet été-là, pointent les avocats des parties civiles, dont l’ex ministre de l’Environnement Corinne Lepage, EDF a effectué des rejets exceptionnels. L’industriel ne dément pas mais nuance. Il y a bien eu des rejets exceptionnels durant plusieurs semaines, mais ils rentrent parfaitement dans les clous de l’autorisation lorsqu’on les lisse sur l’année.
EDF a déversé cet été-là une quantité d’eau inhabituelle provenant de la Durance.
Ils n’auraient par ailleurs pas pu être évités, assure Hervé Guillot, directeur EDF hydro Méditerranée. “Le syndicat mixte d’aménagement de la vallée de la Durance réalisait des travaux qui n’étaient pas compatibles avec un fort débit”, et impliquant donc une dérivation. “Nous l’avons donc aiguillé vers l’étang de Berre, comme le prévoyait un protocole validé par la Dreal [service de l’État, ndlr]”, se défend-il.
À l’été 2018, EDF a donc rejeté dans l’étang de Berre, lagune d’eau salée, une quantité d’eau douce, largement supérieure à ce qu’il rejette d’habitude. Cette eau chargée en limon a un impact négatif sur l’oxygénation du milieu. Mais le volume répandu restait “en dessous du quota annuel”, répète le représentant du producteur d’électricité préférant réorienter le débat sur les conditions météorologiques. “L’étang de Thau a connu un épisode de malaïgue sur la même période avec les mêmes conditions météorologiques, mais sans centrale”, compare Hervé Guillot.
Effets avérés mais pas mesurés
Un argument sur lequel les deux témoins des parties civiles, ingénieur en biologie marine et enseignant chercheur à l’institut méditerranéen d’océanographie, sont revenus. Les fortes chaleurs et l’absence de vent contribuent effectivement à l’aggravation d’un phénomène de malaïgue. Mais “ce phénomène est aussi amplifié par le phénomène de stratification”, explique David Nérini, de l’institut méditerranéen d’océanographie. Un phénomène qui intervient lorsque l’on mélange de l’eau aux caractéristiques différentes (comme, au hasard, de l’eau douce et de l’eau salée) et engendre une sorte de plafond empêchant l’oxygénation du milieu.
“L’étang de Thau a une capacité de régénération plus importante que Berre qui subit des rejets en eaux douces qui maintiennent la stratification”, ajoute le scientifique qui finit par simplifier : “Comme pour une personne malade qui vivrait dans la pollution, mangerait mal et fumerait beaucoup. Ça serait compliqué de lui dire qu’elle est malade parce qu’elle fume, mais si j’étais son médecin, je lui dirais d’arrêter.”
Satisfaite de cette dernière explication, la présidente enchaine : “Peut-on quantifier la proportion de responsabilité des facteurs sur lesquels on a la main ?”, questionne Laure Humeau. “Conséquente”, répond du tac au tac le scientifique. Mais celui-ci ajoute être face à “un système complexe difficilement prédictif”. “C’est compliqué de dire que si on tourne le robinet là, il se passe ci ou ça. Je n’ai pas de réponse proportionnée.”
Engagements en l’air
Dans leur argumentaire, les avocats d’EDF sont évidemment allés dans la direction opposée. Jusqu’à dire que les apports en eau douce pouvaient être bénéfiques pour l’étang, en agissant comme une sorte de chasse qui évacuerait la pollution émise par d’autres. Pourtant, l’industriel s’est engagé dans un processus qui visait à réduire ces rejets, comme il l’avait annoncé de concert avec le Gipreb et les collectivités territoriales en septembre dernier.
Devant le tribunal, le discours d’EDF a radicalement changé. L’intérêt “de la réduction du quota ne fait pas consensus”, a ainsi affirmé Hervé Guillot, précisant qu’EDF s’était engagé sur une “expérimentation” qui ne concernait pas uniquement ses rejets. La réduction de ces derniers constituait pourtant la mesure la plus importante du plan d’action joint au rapport parlementaire publié en septembre 2020. “Selon ce rapport parlementaire, il y a un accord scientifique et social pour dire que les rejets d’EDF constituent une destruction du milieu de l’étang, a pointé Corinne Lepage. Seuls les techniciens d’EDF ne sont pas d’accord”.
Le prix à payer pour une énergie renouvelable
On ne va pas critiquer une production d’énergie verte parce qu’on ne regarde la question que sous le prisme de l’étang de Berre
Alexandre Grandin, avocat d’EDF
Selon une source proche du dossier, un document cadre de la mise en place de ce processus était même en passe d’être signé. Jusqu’à la semaine dernière, “parce que l’État n’a pas proposé de compensation assez élevée”, glisse-t-on. Face à la justice, EDF choisit en tout cas de jouer la carte de la nécessité, dans un contexte de crise internationale. “La région PACA est déficitaire en énergie. Elle a besoin de cette eau. En dehors du gaz et du charbon il n’y a pas d’autres énergies mobilisables. On ne va pas critiquer une production locale, voire nationale d’énergie verte parce qu’on ne regarde la question que sous le prisme de l’étang de Berre”, a conclu Alexandre Gaudin, l’avocat de la défense.
“Le fait de produire de l’électricité n’est pas une raison pour polluer”, réplique Corinne Lepage. Sans le reconnaitre directement, et en niant le code de l’environnement, EDF considère que si. Et Alexandre Gaudin de citer “une loi de 1955 qui autorise EDF à dériver l’eau de la Durance.”
Il poursuit, sûr de lui : “Ce que la loi autorise, on ne peut pas le réprimer. On peut avoir des discussions devant la cour de justice européenne pour débattre de si la loi française respecte la réglementation internationale, mais devant une cour pénale française, le débat est clos.” Pourtant, celle-ci devra s’y pencher et rendra son délibéré le 4 juillet. En parallèle, le Gipreb a déposé deux plaintes devant les juridictions européennes. Elles sont en cours d’instruction.
Commentaires
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Bel exemple de croissance verte qui au nom du renouvelable, du durable justifie la pollution et la destruction d’un biotope
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Belle démonstration, ancienne déjà, du fait que “la croissance verte” n’existe pas. Il faut faire avec ce que l’on a, et on a peu. Les sociétés anciennes le savait et faisait avec. L’époque contemporaine, grisée par son sentiment de toute puissance technologique l’a oublié. Elle ferait bien de vite se le rappeler, sinon on va tous finir comme les coquillages de l’Étang.
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C’est pas si simple : les romains ont percé l’accès à la mer de l’étang de Berre pour faciliter le transport : le trajet de l’époque reliant l’Italie à l’Espagne (en passant à peu près à l’est par le tracé de l’A8 actuel) passait par cet étang puis Arles puis l’étang de Thau. : l’avantage c’est que les barges pouvaient circuler facilement avec du fret sur ces eaux calmes.
Ces travaux de romains ont conduit à la salinisation de l’étang et les pêcheurs de l’époque ont du se plaindre amèrement de cette pollution à l’eau salée qui a fait disparaitre les poissons d’eau douce … jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre s’établisse.
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A Pascal L il faut de tout urgence donner cette information aux avocats d’EDF voilà qui justifie la mort de l’étang au nom du progrès “vert” et de l’histoire
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Ou alors attaquer l’Italie pour réparation aux dégâts engendrés par la colonisation 🤭
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Extrait de “les actes des rencontres LAGUN’R” rencontres scientifiques autour de l’étang de Berre 14-15 mars 2011
Avant 1863 l’Etang de Berre est un milieu saumâtre très riche avec des peuplements denses et étendus de macrophytes
1863-1924 les creusements successifs du chenal de Caronte entraine une augmentation de la salinité
Désolé mais les romains n’y sont pour rien
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Pourtant les Romains ont bien été les premiers à creuser Caronte ?
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Caronte est un chenal naturel
les Romains n’ont rien percé
la navigation Marseille-Arles, à l’époque, passe par le cap Couronne et remonte le Rhône depuis l’estuaire
à compter de 1824, par le canal d’Arles à Port-de-Bouc
à compter de 1928, par le canal du Rove et le chenal de Caronte
les travaux de rectification du tracé de Caronte en 1855 n’ont pas d’effet sur la salinité de l’étang de Berre
par contre, le percement du canal du Rive augmentera la salinité de l’étang du Bolmon
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53029297j
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Un historien pourrait’il allumer ma lampe à huile ?
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Merci fvielfau
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c’est bizarre, j’ai dû poster 2 fois
sans doute certains liens (URL) que j’avais mis dans mon 1° post ont invalidé l’envoi sans avertissement !
c’est néanmoins assez gênant, car on est obligé de tout retaper…
si un technicien de Marsactu, peut me dire ce qui se passe, ce serait bien
merci d’avance
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Bonjour,
Les techniciens de Marsactu n’étant pas dispo, je vais tâcher de vous faire une réponse. Les liens hypertextes ont effectivement bloqué la publication de votre commentaire. Dans ce cas-là, celui-ci n’est pas supprimé, mais en attente d’une approbation de notre part pour éviter que des contenus promotionnels par exemple ne se logent chez nous. Nous avons ensuite été un peu long à la détente pour valider votre publication. Ceci dit, nous approuvons 😉
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Ce n’est pas l’EDF qui a détruit l’écosystème de la Mer de Berre, c’est l’Etat Français qui l’a condamné depuis très longtemps (1928 premières raffineries) en choisissant d’y interdire la pêche en 57 plutôt que d’exiger un contrôle des rejets industriels. Le projet de la centrale EDF a suscité des protestations véhémentes d’environnementalistes (le terme écologie n’était pas encore sorti de la sphère scientifique). Nous sommes passés (déjà) pour des adeptes de la lampe à huile. Ce qu’une loi a fait, une nouvelle loi peut le défaire si il y a la volonté politique. Par contre, il semblerait que cette mer de Berre ait toujours été reliée à la haute mer car elle a toujours été un lieu de reproduction des anguilles.
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Que disent les archeogeologues que Diable ?
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