Les squats, lieux de vie par défaut pour au moins 3000 personnes à Marseille

Info Marsactu
le 30 Mar 2022
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Un groupe de militants associatifs et citoyens réalise depuis deux mois un recensement des squats et de leurs habitants à Marseille. Rendu public aujourd’hui, leur premier rapport fait état de 37 squats pour une population de 2834 personnes. Parmi eux, des copropriétés dégradées, mais aussi des lieux autogérés qui tentent de montrer l'exemple.

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L'intérieur du bâtiment A du parc Corot avant son évacuation en novembre 2018. (Photo BG)

L'intérieur du bâtiment A du parc Corot avant son évacuation en novembre 2018. (Photo BG)

“Bienvenue au SIAO urgence 115 des Bouches-du-Rhône, le numéro spécial pour les sans abris, nous allons donner suite à votre appel…” Ce mercredi 23 mars une grosse centaine de personnes sont rassemblées sur la place des Réformés. Un appel au 115 a été lancé et la messagerie amplifiée : tout le monde profite de la voix suave qui rabâche son message en français et en anglais. Organisée par le Collectif des associations unies, cette mobilisation nationale vise à rappeler aux candidats à la présidentielle la pénurie de logements sociaux et de places d’hébergement.

Des usagers du 115 se saisissent du micro pour incarner la face cachée de cette boucle. Hommes et femmes partagent la même expérience : quand enfin un opérateur répond, c’est généralement pour dire qu’il n’y a pas de place et inviter à rappeler le lendemain. Ils racontent leur galère entre la rue, les nuits en hôtels sordides, la mise à l’abri à l’unité d’hébergement d’urgence municipale de la Madrague, le retour à la rue…

Mohamed, lui, a été orienté il y a quelques années vers le 51, boulevard Dahdah, un squat où il devait verser un loyer. “Il fallait donner 300 euros par mois, mais j’avais ma chambre. Je pouvais fermer la porte, je ne subissais plus les colères, les bagarres et les vols comme à la Madrague. Je n’étais pas mis à la porte tous les matins et je pouvais faire ma cuisine. Je pensais être à l’abri mais le 14 novembre 2019, des gens de la mairie nous ont dit que l’immeuble était en péril et qu’on devait évacuer les lieux avant 14 h. Après cette expulsion, je me suis retrouvé à nouveau sans solution.”

Malgré son obligation d’accueil et de mise à l’abri, l’office français d’immigration et d’intégration (OFII) laisse de nombreux exilés à la rue. Les Bouches-du-Rhône disposent de 3138 places d’hébergement d’urgence quand 6590 demandeurs d’asile sont enregistrés à la structure de premier accueil des demandeurs d’asile de Marseille (Spada). “Les trois quarts de nos adhérents sont obligés de vivre en squat”, affirme Alieu Jalloh, réfugié et responsable de l’association des usagers de la Spada. Pour documenter cette réalité qui passe sous les radars des recensements institutionnels, un groupe d’associations et de collectifs membres d’Alerte Paca a décidé de recenser les squats de Marseille.

De grandes inégalités entre les différents lieux

Leur rapport, “Vivre en squat : une fatalité à Marseille ?” annonce le chiffre de 2834 hommes, femmes et enfants répartis dans trente-sept squats de plus de dix habitants. Concentré sur ce qu’on nomme l’habitat par nécessité, ce recensement exclut les occupations militantes ou artistiques. Cet état des lieux ne concerne pas non plus les bidonvilles de familles Roms qui font déjà l’objet d’un travail associatif.

“Le profil des habitants est également mal connu. En effet, la plupart sont des personnes en demande d’asile, des déboutés ou des sans-papiers”, peut-on lire dans le rapport. Pour les auteurs, le chiffre retenu relève de l’estimation basse au vu de la difficulté de l’exercice. D’ailleurs, treize squats situés dans des grands ensembles des quartiers Nord n’ont pas pu être visités. En revanche, cet état des lieux révèle clairement les grandes inégalités entre squatteurs. En fonction du lieu où ils ont trouvé refuge, leur vie revêt de nombreuses disparités : paiement d’un loyer, accès aux besoins primaires (eau, électricité, toilette), vétusté du bâti, présence de réseaux de trafiquants…

Un premier état des lieux provisoire
En deux mois, les auteurs de ce rapport ont pu identifier 37 squats de plus de dix
habitants et y dénombrer 2834 personnes. Le recensement se poursuit et les chiffres sont voués à évoluer puisque les 13 squats qui n’ont pas pu être visités, faute de contact sur place ou de temps, se trouvent dans des grands ensembles. 80% des habitants recensés paient un loyer mensuel variant entre 150 et 400 euros. Un tiers des lieux répertoriés se trouve dans des copropriétés ou des grands ensembles de logements sociaux dégradés, ils abritent la grande majorité des squatteurs (80%). Répartis dans onze arrondissements, les squats les plus peuplés se trouvent dans les 3e , 13e , 14e et 15e .

L’enfer du Gyptis

Situé à la Belle-de-Mai, le Gyptis 1 compte plus de deux cents studios sur dix étages. Des familles entières logent dans ces minuscules appartements. Ces habitants vont et viennent sans prêter attention aux vigies en survêtement stationnées devant l’entrée. Nommé en mars directeur du logement et de la lutte contre l’habitat indigne à la mairie, Florent Houdmon témoigne dans ce rapport avec sa casquette d’ex-délégué régional de la Fondation Abbé Pierre. Pour lui, cette copropriété symbolise les dérives liées à la crise de l’hébergement :

“Au Gyptis, il y a des propriétaires occupants, des marchands de sommeil, des locataires qui paient un loyer, mais le plus souvent pas aux propriétaires, des squatteurs. Plus personne ne peut entretenir l’immeuble qui se dégrade. Chaque jour, nous recevons des personnes en danger car leur hébergement est insalubre, tenu par des mafias… Je devrais prévenir les pouvoirs publics mais que se passera-t-il ? Quelques jours dans un gymnase, dix nuits à l’hôtel puis la rue à nouveau…”

Faute de logement digne et accessible, la vie s’installe dans une précarité extrême. Un gamin de dix ans se faufile dans l’escalier pour éviter un “grand” qui trimbale un panneau où sont inscrites les promotions d’herbe et de shit. Au deuxième étage, une enfilade de portes bigarrées donne sur un couloir baignant dans deux centimètres d’eau. Partout des fils électriques pendent, parfois dénudés. Cet état de vétusté vaut au 7/9, rue Cristofol où un arrêté de mise en sécurité urgente en date du 18 juin 2021, a été levé en août après des travaux réalisés par Enedis. Puis le 22 février 2022, les services de la Ville constatent les mêmes désordres et déclarent les occupants “gravement menacés par l’état des équipements communs de l’immeuble, avec un risque important de départ d’incendie et d’une électrisation ou d’une électrocution du public par contact direct“.

Squat payant

Ouafa et son mari paient pourtant 350 euros pour un petit studio situé au neuvième étage de cette cité. Depuis février 2019 et le rejet de leur demande de titre de séjour, ils vivent sans droit ni titre. Évacués par des gros bras d’un deux-pièces dont, en plein confinement, ils ne pouvaient plus assurer le loyer de 400 euros, ils ont échoué là avec leur deux enfants. Sans bail ni quittance, le couple pense avoir affaire au propriétaire parce qu’ “en cas de problème on peut lui téléphoner”.

Ouafa se réfugie régulièrement sur son balcon avec ses enfants en attendant les pompiers.

Dans un climat d’insécurité permanent, les problèmes ne manquent pas, les conflits, les descentes de police, les cambriolages qui obligent à se relayer dans l’appartement, les coupures d’électricité, les incendies… Régulièrement, Ouafa doit se réfugier sur le balcon avec son fils de deux ans et sa fille de 12 ans. “Les pompiers m’ont expliqué que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire, une fois on a attendu quatre heures en pleine nuit.” Membre du collectif des habitants organisés du 3e (CHO3), la quadra a participé au recensement des squats. Alors que tous les jours elle travaille dix heures pour gagner quarante euros, cet engagement lui redonne de l’espoir.

Le “CADA autogéré” des Réformés

Il lui a permis de découvrir le “CADA autogéré” (pour centre d’accueil de demandeurs d’asile) ouvert par des adhérents de l’association des usagers de la Spada. Depuis juin 2021, quarante-quatre personnes dont cinq enfants ont élu domicile dans un immeuble proche de la place des Réformés. Ancien hôtel meublé devenu propriété de l’établissement public foncier régional (EPFR), ce squat gratuit contraste positivement avec son immeuble. Beaucoup d’habitants travaillent au noir dans le bâtiment et récupèrent des matériaux sur les fins de chantier : enduit, peinture, carrelage… Ainsi, ils ont pu rafraichir l’immeuble laissé vacant depuis quelques années. Pour l’électricité et des canalisations, le partenaire de Médecin du monde spécialisée dans la mise en sécurité de l’habitat par nécessité, Just, a apporté son expertise.

Pour nous c’est essentiel d’avoir un lieu où dormir, donc on fera tout notre possible pour l’entretenir.

Mohamed

Les résidents s’appuient sur un règlement intérieur et un comité de supervision pour apaiser d’éventuels conflits de cohabitation. Une réunion mensuelle permet d’organiser le collectif. “Quand le propriétaire est venu, il avait un a priori défavorable, explique Mohamed, le Sierra-léonais qui a trouvé là un nouveau nid. Il a vu que l’ambiance était calme et qu’on prenait soin de son immeuble. Pour nous c’est essentiel d’avoir un lieu où dormir, donc on fera tout notre possible pour l’entretenir. » Du coup, l’État via son opérateur foncier envisage de signer une convention d’occupation.

L’interassociatif à l’origine de ce recensement cherche justement à promouvoir ce genre de compromis. Il invite les pouvoirs publics à s’appuyer sur les associations, les collectifs et les habitants afin de co-construire des réponses adaptées aux situations de squats à Marseille. Pour sa part, Ouafa se prend à rêver d’occuper un immeuble où elle pourrait échapper aux réseaux et élaborer avec d’autres un environnement sain pour ses enfants.

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Commentaires

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  1. Haçaira Haçaira

    Il existe des lieux vides qui pourraient accueillir des personnes démunies par exemple les anciens locaux de la sécurité sociale rue du Camas

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  2. marseillais marseillais

    Peut-on connaître les associations représentées par ce groupe ? Merci

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  3. MarsKaa MarsKaa

    Merci pour cet article au plus près du terrain, au plus près de ce grave problème, qui devrait être une priorité et donc être pris à bras le corps par les pouvoirs publics.
    Je pense aux enfants qui tous les jours vont à l’école, au collège, au lycée, et doivent taire leur situation. Qui tous les jours doivent faire des devoirs, reviser des contrôles, dans cette ambiance de précarité, de danger permanent.
    Je pense à tout ces gens qui tentent d’avoir une vie normale, un travail, dans cet environnement précaire.

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  4. TINO TINO

    Merci pour votre article qui montre la misère à deux pas de chez nous.

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  5. Gentiane Gentiane

    Quand on trouve des solutions pour les réfugiés ukrainiens (Ferry par exemple) et tant mieux, on peut trouver des solutions pour tous les réfugiés , délogés, déboutés, mineurs errants isolés… y compris avec un accompagnement social, administratif, éducatif, médical, etc … Oups, pardon je rêve !!

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  6. Jojo Jojo

    jojo 12/4/2022 18h45
    Je signale dans le 8em arrondissement trois cliniques fermées et abandonnées depuis plusieurs années.
    Tout en respectant le droit des propriétaires on aurait pu loger dignement
    et avec facilité de nombreuses personnes.

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