[Entres les lignes] Métroctogone

(Illustration : Ben8)

Après un rdv matinal, je me rends à la station de métro Noailles, direction station Gèze pour le boulot. Au fond de la rame à demi remplie, je trouve une place assise. Sur la rangée à ma droite deux sièges sont vides. À Saint Charles montent, deux belles demoiselles. Petite veste ouverte, crop top, bas de survêt, baskets, tote bag en bandoulière et lunettes. L’une blonde comme le blé en juillet, l’autre brune comme la châtaigne des Cévennes. Elles montent dans la rame de métro, avec l’insolence de la jeunesse qui n’a rien à cirer de la vie des gens et encore moins de leur avis. Non, ne leur parlez pas de règles de bienséance. Nos deux jeunes dames qui se croient drôles s’en cognent. Elles en rigolent comme deux ânes, pavanent leur insolence, ricanent…

Entre l’index et le majeur, chacune tient ostensiblement un gros bédo et tire goulûment de grosses bouffées qui nous emboucanent l’air. On a déjà du mal à respirer mais elles s’en cognent, elles n’en ont que faire des commentaires. Et nos masques, dans un métro sans climatiseur, n’arrangent rien à l’affaire, bien au contraire. Nos deux starlettes ricanent toutes seules et dodelinent de la tête sur une musique qu’elles seules entendent. Elles sont stones, comme le monde. (À dix heures et demie du mat quand même !)

Une dame un peu ronde portant le hijab d’à peu près 1,70 m, entre 25 et 30 ans, avec un sac de sport assise devant elles, se met à souffler bruyamment tout en les priant de baisser le ton. 🧕 Mais nos deux fans de rap variétés continuent leur concert improvisé. N’en pouvant plus, la dame voilée se lève pour changer de place et se met à entonner : “C’est Marseille bébé 🎶, il y trop de tarés 🎶, j’en ai assez 🎶, je crois que je vais craquer  🎶😱“. (Nous n’étions pas prêts.) Bien entendu, cela provoque l’hilarité générale.

Nos deux demoiselles touchées par le freestyle surprise se mettent en rogne et à faire des remarques déplacées sur sa tenue.

Belle blonde : “Mais qu’est-ce qu’elle a la grosse cochonne ? Elle a pas mangé son merguez ce matin ? Krkrkr
Belle Brune : Tiens, tire un coup. (En lui tendant son joint). C’est pas une merguez mais ça détend. Krkrkr”

“C’est pas la jeunesse, c’est la crasse des égouts”

La femme voilée se lève, sans doute pour les affronter, mais une dame BCBG d’une cinquantaine d’années avec un caniche dans les bras assise devant elle lui prie de laisser tomber en lui tenant le bras.

Dame BCBG : “……. (Je n’entends pas ce qu’elle lui dit)
Dame voilée (de façon à ce que tout le monde entende) : Il y des tartes qui se perdent, putain !!! Elles ne voient pas qu’elles prennent la tête à tout le monde de bon matin.
Dame BCBG : ……….(Je n’entends pas ce qu’elle lui dit)
Dame voilée : C’est pas la jeunesse ça, madame ! C’est… heu… la crasse des égouts !”
( Krkrkr…rire général)

Blondie : “Kestadi ? Kestadi ? Comment tu nous as traitées ? Vas-y répète ! Vas-y !
DV : Je vous traite comme vous traitez les gens. Vous fatiguez tout le monde, vous ne voyez pas ? Un peu de respect quand même.
Brunie : Vas-y toi. De quoi je me mêle ? On fait ce qu’on veut et si t’es pas contente c’est pareil. On t’emmerde.
DV : Je sais, on est emmerdés que par la merde (Hou, il y a du level niveau Élie Kakou)
Brunie : Espèce de tarée va ! Non mais elle non ! Elle n’est pas folle elle ! Regarde-toi un peu tu ne ressembles à rien avec ta tenue de ninja.
Blondie : Fais pas trop ta maligne ou tu vas finir en sang sur ma mère. Et va chier un coup ça va te détendre. Espèce de momie va !”

Insulter la mère des gens, ça ne peut que mal finir

Loin de se démonter la dame voilée leur adresse un nouveau couplet bien senti.
DV : “Vous allez la fermerwou ou je vais vous tarter, 🎶 faut pas me chercherwou ou vous allez le regretter 🎶
Brunie : Toi, tu vas la fermer ou je te nique ta mère espèce de malade. T’as de la chance on va descendre au prochain.”

Là tout le monde sent la cacahuète 🥜 arriver aussi grosse qu’une pastèque 🍉. Cette dernière insulte sort définitivement la dame voilée de ses gonds. (Ça ne se fait pas d’insulter la mère des gens, ça ne peut que mal finir.)

Cette fois-ci, la dame BCBG ne discute pas. Elle fait même un pas de côté pour laisser passer sa voisine. Cette dernière emporte son sac de sport avec elle manquant de cogner la tête de la BCBG.

La DV : “Qu’est-ce que tu as dit sur ma mère ? Va-y répète espèce de petite conne.
Blondie : Viens, viens ! Sur ma mère je vais te faire ta fête”. (elle pose son tote bag et file son pétard à sa copine).

MMA dans la rame

Blondie va pour la frapper, la Dame Voilée esquive et lui met une tarte en pleine poire. Blondie tente un nouveau coup de poing mais la DV esquive et lui remet une patate encore plus chaude.

Brunie jette alors toutes leurs affaires et va à la rescousse de sa copine mais dans son élan DV lui attrape le poignet. La DV lui tord ensuite le bras l’obligeant à lui offrir le dos en guise de soumission puis se fait attraper par les cheveux. (C’est la MMA et WWW Raw Smackdow en live, baby !)

DV : “Alors ? Vous vous prenez pour des bonhommes ? Bouffonnes va ! Vous allez faire quoi maintenant ? (Tout ça sans lâcher sa proie).
Brunie : Lâche-moi, lâche-moi, lâche-moi, je descends là. S’il te plaît.”

Comme c’est dit avec la forme, la DV, magnanime, lâche les cheveux de Brunie. Blondie n’ose pas esquisser un mouvement de défense. Elle ramasse leurs affaires à la hâte, tire sa copine par le bras pour sortir de la rame mais la DV leur bloque le passage. S’ensuit une tentative désespérée des deux demoiselles de forcer le passage. Peine perdue. Les portes vont se refermer. La DV les bloque.

DV : “Vous avez de la chance, je suis gentille. La prochaine fois je vous amène au quartier pour présenter des excuses à ma mère”.

La DV laisse sortir nos deux chanteuses du métro puis relâche les portes. Sur le quai, Blondie et Brunie vocifèrent des insultes à son encontre, lui font des bras et des doigts d’honneur. La Dame voilée leur adresse un large sourire et un coucou de la main. Puis va se rasseoir près de sa nouvelle copine BCBG.

Des fois ma rame de métro ou mon bus ressemble à s’y méprendre à un octogone.