La Camargue menacée : donnons lui des droits pour se défendre face à de climaticides projets

Billet de blog
le 14 Fév 2021
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A l’heure où l’horloge du bouleversement climatique s’accélère, où la Convention citoyenne pour le climat exige le développement des alternatives au flux routiers de marchandises avec le développement du ferroutage et du transport fluvial notamment, l’État continue à vouloir construire des autoroutes.


Le gouvernement, via une concertation alibi, a relancé le projet climaticide de contournement autoroutier d’Arles alors même que dès 2016, le rapport public Astier considérait ce tracé au sud d’Arles comme trop impactant pour les terres agricoles et naturelles.

Le fuseau de cette autoroute, qui serait construite sur pilotis, traverse les foins de Crau (dernière steppe d’Europe), va caresser le pont Van Gogh en menaçant 700 hectares d’espaces naturels agricoles, 52 hectares de foin de Crau classés AOC, des zones d’élevage de bovins, ovins, taureaux AOC et la nappe phréatique de la Crau. Il traverse aussi plusieurs zones humides classées Natura 2000 d’importance internationale.

Dans le même temps, Mme Martine Vassal, présidente du département des Bouches du Rhône et de la Métropole, relance le projet de réalisation d’un pont entre Salin de Giraud et Port Saint Louis sur le grand Rhône, proche de son embouchure en remplacement du Bac de Barcarin. Ce projet ouvre une brèche pour la traversée de la Camargue par des milliers de camions de la zone industrielle de Fos filant droit vers l’Espagne.

A l’heure où l’horloge du bouleversement climatique s’accélère, où la Convention citoyenne pour le climat exige le développement des alternatives au flux routiers de marchandises avec le développement du ferroutage et du transport fluvial notamment, l’État continue à vouloir construire des autoroutes.
Rappelons que la Camargue est un hotspot de ce péril climatique avec une inexorable montée des eaux. L’on constate déjà chaque année l’érosion du trait de côtes que les digues et la main de l’homme ne pourra empêcher.

La crise sanitaire a également montré nos liens d’interdépendance avec le vivant et un reflux de la fabrique du consentement aux dégâts environnementaux. Le monde d’après qu’esquissent nos intellectuels et que s’approprient les dirigeants doit être en rupture avec le monde d’avant libéral-productiviste. Il doit s’affranchir de la dictature du courtermisme et du «toujours plus» pour penser le temps long, à l’aune notamment de l’impératif climatique, de la relocalisation et décarbonation de l’économie.

En décembre 2020, le Président de la République a annoncé la révision prochaine de l’article premier de la Constitution auquel serait rajoutée la préservation de la biodiversité, de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique.
Déjà, la Charte de l’environnement ayant valeur constitutionnelle, reconnaît le principe d’interdépendance et de précaution.
Cependant, en droit positif français ces principes en matière de protection de la nature ne sont utilisés que comme outil de réparation ou de compensation suite à un préjudice écologique subi. Il convient de sortir de cette approche réparatrice, à posteriori du droit qui ne permet pas d’éviter des désastres écologiques. Cela passe par l’octroi de la personnalité juridique à des écosystèmes, à l’instar de la Camargue face aux menaces pesant sur elle.
Cette reconnaissance de la personnalité juridique permettrait à la Camargue de se défendre de manière préventive sans avoir à prouver les dommages subis sur son écosystème par la réalisation du grand projet inutile. C’est une manière d’intégrer les droits de la nature mais aussi le droit des générations futures par des mesures conservatoires pouvant être prises par les juges à l’encontre de projets industriels ou d’infrastructures routières par exemple.
En 2019, les habitants de Toledo dans l’Ohio aux Etats-Unis se sont prononcés lors d’un réferendum local sur une déclaration des droits du lac Erié menacé par des algues toxiques résultants de projets industriels alentours.
Mais c’est l’Equateur qui fut pionnier dans la reconnaissance des droits de la nature avec la protection constitutionnelle dès 2008 d’écosystèmes qui ont droit au « respect intégral de leur existence, au maintien des cycles vitaux de tous leurs éléments pour éviter toute extinction d’espèces, toute destruction d’écosystèmes ou altération de leurs cycles naturels ». C’est par ce nouvel arsenal juridique que le rôle écologique essentiel d’une mangrove a été reconnu et qu’un projet d’élevage intensif de crevettes a pu être, par ricochet, bloqué.
Aujourd’hui, la Colombie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande octroient des droits et la personnalité juridique à des fleuves. L’Inde a donné la personnalité juridique à des glaciers. Ainsi dans le monde, des forêts, des lacs, des rivières, des vallées se sont vus reconnaître le droit d’exister, de se maintenir et de régénérer leur système écologique vital au nom de la menace globale pesant sur le vivant.

Afin que la future révision constitutionnelle ne soit pas qu’un tigre en papier, il convient de donner à nos espaces naturels classés la personnalité juridique afin qu’ils puissent se défendre juridiquement et empêcher des projets écologiquement insoutenables comme celui de contournement autoroutier d’Arles, balafrant la Camargue.
Puisse ce vœu se réaliser.

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