L’ÉVEIL DU PRINTEMPS

Michèle Rubirola a été élue maire de Marseille

L’ÉVEIL DU PRINTEMPS

La candidate du Printemps marseillais, Michèle Rubirola, a été élue maire de Marseille, hier, par 51 voix contre 41 à Guy Teissier

Significations de l’élection de Michèle Rubirola

L’élection de Michèle Rubirola aux fonctions de maire de Marseille a plusieurs significations. D’abord, il s’agit en partie d’un retour à une culture politique qui avait été engagée par Jean Cristofol, maire communiste de Marseille de 1946 à 1947. Par ailleurs, l’élection de Mchèle Rubirola exprime une véritable rupture avec le système politique et le mode de gouvernance de la ville qui y avaient été institués par Michel Carlini, maire de 1947 à 1953, et pérennisés par G. Defferre, maire de 1953 à sa mort, en 1986, puis poursuivis par R. Vigouroux, de 1986 à 1995, mais aussi par J.-C. Gaudin, depuis 1995. Ce dernier avait beau ne pas appartenir au même parti que G. Defferre et R. Vigouroux, il n’en était pas moins porteur du même système politique. Sans aucun doute Michèle Rubirola engagera une véritable rupture avec ce système, car elle n’est pas porteuse de la même culture politique et parce que son expérience est celle d’une femme du terrain au lieu d’être celle d’une femme d’appareil. Par ailleurs, cette élection signifie précisément qu’en plaçant le Printemps marseillais en tête des élections municipales, les habitants de cette ville ont voulu dire leur souhait que s’engage une autre politique, que s’institue, dans la ville, une autre culture politique. Enfin, l’élection de Michèle Rubirola donne à celles et à ceux qui vivent dans cette ville l’espoir que s’y instaurent, justement, une autre vie publique, de nouvelles relations sociales, une nouvelle logique de médiations et d’échanges.

Recomposition des identités politiques

C’est, sans doute, l’autre signification de ce succès du Printemps marseillais. Les identités politiques de cette ville ne sont plus les mêmes, elles ne sont plus celles qui s’y manifestaient sans doute depuis les années cinquante. Deux ruptures au moins se manifestent ici. La première est l’engagement d’une véritable écologie politique décidée à repenser l’espace urbain, à rendre à l’environnement la qualité qu’il a perdue depuis longtemps, à faire retrouver aux habitants de la ville le goût d’y vivre, en ne limitant pas la sécurité au maintien de l’ordre, mais en élargissant le sens de ce mot, sécurité, à sa dimension écologique. L’autre identité politique qui semble se construire dans la ville est l’engagement pour une véritable politique de la ville, fondée à la fois sur le retour du débat et de l’information dans l’ensemble de l’espace public et sur le retour à une véritable politique de lutte contre les inégalités dans la vie dans la ville. C’est, d’ailleurs, un des points que la nouvelle maire a cités au cours de l’allocution qu’elle a prononcée après la proclamation des résultats du scrutin et son installation dans ses fonctions.

Une gouvernance complexe

Mais ne nous leurrons pas : la gouvernance de la ville sera complexe. Ne disposant, au sein du Conseil municipal que de 42 sièges sur 101, et même en ajoutant les huit sièges de S. Ghali et de ses colistiers, Michèle Rubirola ne dispose que d’une majorité très relative. Cela tient, d’abord, au mode de scrutin qui prévaut au cours des élections municipales, à Marseille comme à Paris et à Lyon. La seule issue à cette forme d’imprévisibilité est d’en finir avec ce mode de scrutin, et de distinguer deux élections, l’une et l’autre au suffrage universel direct, celle du Conseil municipal et celle des conseils de secteurs. Sans doute cela tient-il aussi aux circonstances particulières des élections municipales de cette année, dominées par le souci de la pandémie du coronavirus. Mais cette difficulté tient aussi au fait que, dans le septième secteur de la ville (les 13^ème et 14^ème arrondissements), le retrait du candidat du Printemps, J. Bacchi, destiné à empêcher tout risque d’élection d’un candidat du Rassemblement national, a contribué, en lui retirant des voix au second tour, à affaiblir la majorité du Printemps marseillais à l’échelle de la ville toute entière. Enfin, la complexité de la gouvernance tient à une culture politique qui domine depuis si longtemps dans cette ville avec laquelle la nouvelle municipalité entend en finir, pour engager une nouvelle politique de la ville, destinée en particulier, selon les mots mêmes de la nouvelle maire au cours de son allocution à l’issue du scrutin, à engager dans la ville une véritable transition écologique vers une autre politique et à mettre en œuvre une politique destinée à réduire les inégalités sociales et culturelles, pour que cette ville en finisse avec la précarité. Ne nous leurrons pas : il y a du travail.