Atteints de cancer, des anciens de l’école Oasis s’inquiètent des effets de la pollution
Alors que la concierge de l'école des Aygalades, construite sur un ancien site industriel, tente de faire reconnaître son cancer comme maladie professionnelle, d'autres se questionnent. Cancer, lymphome... Marsactu a retrouvé cinq anciens élèves et membres du personnel ayant contracté des maladies pouvant être liées à la pollution. Pendant ce temps aux Aygalades, les parents d'élèves manquent d'information face à des pouvoirs publics peu actifs.
Atteints de cancer, des anciens de l’école Oasis s’inquiètent des effets de la pollution
Tout part de la bataille d’une vie. En 2017, Michèle Rosa Sentinella, concierge de l’école Oasis Aygalades, saisit la justice pour faire reconnaître son cancer de la peau comme maladie professionnelle. Trois ans plus tard, la justice n’as pas encore tranché son cas mais les craintes de celle qui a vécu près de 30 ans dans cet établissement sont désormais incontestables : plomb, mercure, pyrène… Une expertise judiciaire versée à son dossier fait clairement état de la présence d’une importante pollution dans les sols de cette école construite sur un ancien site industriel.
La justice doit encore évaluer le lien entre la maladie de Michèle Rosa Sentinella et la pollution. Mais, dans le quartier, son combat prend un écho inattendu. La concierge de l’école Oasis n’est pas la seule concernée par des problèmes de santé pouvant être liés à une pollution. Une ancienne enseignante, elle aussi atteinte d’un cancer de la peau, a récemment joint son témoignage au dossier de l’ancienne concierge. D’autres seraient en mesure de faire de même.
En tout, Marsactu a retrouvé six anciens élèves ou membres du personnel ayant contracté des maladies pouvant être provoquées par cette pollution. Il est impossible d’affirmer que la pollution présente dans les sols de l’école des Aygalades est responsable, directement ou partiellement, de leurs maladies. En revanche, la plupart d’entre eux le pense, ou a minima, s’interroge sur cette hypothèse.
“C’est grave, il y a des enfants”
“En septembre 2009, alors en poste à l’école maternelle Aygalades Oasis dans le 15e arrondissement de Marseille depuis septembre 2006, un mélanome [cancer de la peau, ndlr] m’a été diagnostiqué sur la face postérieure de la jambe droite”, écrit Marie*, enseignante de maternelle dans une attestation officielle ajoutée dans le dossier judiciaire de Michèle Rosa Sentinella. “Michèle m’a appelée il y a quelques mois. J’étais consternée quand elle m’a expliqué dans quel état étaient les sols de l’école. C’est grave, il y a des enfants !”, développe l’enseignante, contactée par téléphone. Aujourd’hui,Marie* a quitté les Aygalades, après dix ans de bons et loyaux services. Pudique sur son état de santé, elle ne souhaite pas s’étendre sur le sujet mais poursuit : “Je ne sais pas si cette maladie est liée à la pollution. Mais ce qui m’est arrivée est un fait et quand on a travaillé là-bas pendant dix ans, la question se pose.”
Elle va plus loin : “Si les sols sont pollués, il ne faut pas s’étonner que des gens tombent malades. Nous n’étions pas du tout informés. En dix ans, je n’ai jamais eu aucun retour sur la question.” Outre la présence de métaux lourds dans les terres des jardins de l’école, l’expertise judiciaire réalisée dans le cadre de l’affaire de Michèle Rosa Sentinella mentionne celle d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, ou HAP. Or, une exposition constante aux HAP augmente le risque de cancer de la peau.
“On jouait aux billes dans la terre noire”
“Scolarisé là. Cancer auto-immun 40 ans plus tard”, écrit Hervé Paraponaris au bas d’un précédent article de Marsactu sur le sujet. Contacté, cet homme de 54 ans développe : “L’an passé, j’ai eu un lymphome de Hodgkin. C’est un cancer dit environnemental. J’ai fait toute ma scolarité dans le groupe Oasis. Dans la cour de récréation, il y avait une retenue de goudron où apparaissait de la terre noire. On y jouait aux billes.” Parmi les autres joueurs de billes, Alain Paraponaris, le petit frère d’Hervé. À l’âge de 21 ans, celui-ci n’avait plus de gallo en poche mais a contracté le même lymphome d’Hodgkin.
“Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a aucun caractère génétique. Par contre, des épidémiologistes disent qu’il y a des possibilités d’exposition domestique. Nous avons fréquenté la même école. Je ne suis pas cancérologue mais c’est plausible [qu’il y ait un lien entre la pollution de l’école et cette maladie, ndlr]. C’est en tout cas une hypothèse qui mériterait d’être explorée”, relate ce dernier à Marsactu. Parmi les facteurs de risque liés au lymphome, on retrouve également les hydrocarbures aromatiques.
“Ce sujet est d’intérêt public”
Son grand frère est plus catégorique : “Ce sujet est d’intérêt public. Cette école est toujours ouverte et accueille des enfants. Cela me met en colère. Ce cancer n’est qu’une blague s’il est traité tôt. Il faut faire passer le message à ceux qui ont été scolarisés là-bas, proposer des prises de sang pour que ceux qui le souhaitent puissent savoir”, s’indigne Hervé Paraponaris. L’homme se dit prêt à se lier à l’action en justice de Michèle Rosa Sentinella. “Peu importe de gagner ou pas un procès, ce qui m’intéresse, c’est la résultante. C’est une histoire de force publique, de vies d’enfants et de parents à qui l’on a dit qu’il n’y avait pas de problème”, conclut Hervé Paraponaris.
Après avoir vu notre appel sur les réseaux sociaux, Dominique Mascaro Bonetti contacte Marsactu. Elle aussi a été scolarisée dans le groupe scolaire Oasis-Aygalades du CP au CM2, dans les années 1960. En 2003, puis en 2012, elle a également été touchée par un cancer, du sein cette fois-ci. La pollution de son école de son quartier où elle a vécu de 1965 à 1972 peut-elle en être la cause ? Dominique Mascaro Bonetti concède ne s’être jamais posé la question jusqu’alors mais n’écarte pas l’hypothèse pour autant. Il faut dire que cette dernière n’a “jamais entendu parler de pollution dans l’école pendant [qu’elle] y étai[t]”. “Je ne sais pas si c’est dû à la pollution, peut-être aussi à cause de la contraception et ou de la cigarette. En tout cas, ce n’est pas génétique”, constate-t-elle aujourd’hui, attentive aux développements liés à la découverte de ces pollutions multiples. Les HAP comme la cigarette font partie des facteurs de risques identifiés concernant le cancer du sein.
D’autres anciens élèves scolarisés avant les années 2000 et contactés par Marsactu confirment n’avoir “jamais entendu parler de la pollution.” Certains d’entre eux font état de “personnes qui y travaillaient et qui ont eu des cancers”, sans pouvoir préciser de noms ni donner plus de précisions.
“Aucune information”
Nourriture, air, hygiène de vie, qualité du logement, génétique… les facteurs de risque pour les cancers ou leucémies sont nombreux et partout. Mais qu’ils soient dans les sols d’une école, propriété de la municipalité où sont accueillis des enfants, et que des usagers dont certains sont malades s’en inquiètent pose de réelles questions. “Si les gens se mobilisent au niveau local, c’est forcément qu’ils ont observé quelque chose, il faut les écouter”, analyse Johanna Lees, sociologue qui a étudié le lien entre santé et pollution dans le bassin industriel de Fos dans le cadre de l’étude Epseal.
“C’est pollué on le sait, mais on nous a dit que ce n’était pas grave, tient à faire savoir une source du centre social des Aygalades. “On en a parlé il y a un petit moment, il y a eu un gros boum, avec une pétition et des manifestations”, relate encore Mourad, militant associatif reconnu dans le quartier en référence aux événements de 2017. Cette année-là, après les révélations de Marsactu, la presse évoque le combat de la concierge de l’école et les habitants se mobilisent. “Puis les politiques ont enterré ça. Ils ont mis un système de bâche en nous faisant croire que ça allait isoler les sols. Mais c’est juste du camouflage. Et ils savent depuis longtemps. Si les gens sont malades, ils n’ont jamais pris conscience que ça pouvait être à cause de ça”, conclut Mourad.
Aux Aygalades, les usagers et le personnel de l’école Oasis ont en tout cas le sentiment d’être des laissés pour compte. “C’est simple, on est les derniers informés”, glisse-t-on sans pouvoir en dire plus du fait du devoir de réserve à l’école Oasis. Pourtant, les pouvoirs publics sont au courant depuis au moins 2011 (lire notre article sur l’inaction de la Ville ). Mais il aura fallut attendre 2017 pour qu’une réunion d’information soit organisée avec les parents d’élèves aux Aygalades.
Dans le local associatif au pied du bâtiment 24 de la cité des Aygalades, plusieurs mamans se souviennent de cette journée. “Ils nous ont parlé de l’amiante et du plomb. Ils ont dit qu’ils allaient faire des travaux, que l’école allait être démolie”, se rappelle Ghislaine Fernandez. “Ils ont fini par mettre une bâche sur la terre et depuis… rien ! “, complète Warda. Lors de cette réunion, un médecin, mandaté par l’agence régional de santé (ARS), était également présent.
“Juste du camouflage”
Contacté par Marsactu, Rémi Laporte explique avoir été sollicité de manière non officielle pour prévenir les parents qu’ils pouvaient faire une détection de plomb dans le sang de leurs enfants. “Je n’ai rien reçu ensuite. Seul un parent est revenu vers moi. Il s’agissait d’un cas d’imprégnation. Personne d’autre ne l’a fait”, précise-t-il avant d’ajouter que pour lui, le risque d’exposition dans cet école n’est pas catastrophique. “Mais je ne suis qu’un médecin, pas un ingénieur sanitaire”. Rémi Laporte a également travaillé sur un sujet similaire à l’école de la Madrague de Montredon. “Là bas, il y a eu un collège d’experts. Mais pas aux Aygalades.”
Aux Aygalades, on se souvient pourtant de ce médecin. “Il ne nous a pas prescrit l’analyse, c’est nous qui devions la demander à notre médecin traitant. C’est ce que j’ai fait mais il m’a pris pour une folle. Il m’a dit que je ne devais pas écouter tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux”, raconte Ghislaine Fernandez, une maman d’élève. Dans la cité, les rumeurs vont bon train. La pollution rend-elle fou ? Fait-elle perdre les cheveux ? Chacun y va de ses questions. “Les familles que je vois n’ont aucune information, si ce n’est les articles de La Provence, qui génèrent une inquiétude”, glisse-t-on encore du côté du centre social du quartier.
La sonnerie de l’école vient juste de sonner l’heure des grandes vacances. Mais déjà, des enfants jouent au foot sur le stade de l’école. Il n’y a pas vraiment d’autres équipements dans le quartier, alors le portail de l’établissement reste ouvert. Devant celui-ci, une petite fille chantonne. Elle s’étonne de voir une journaliste prendre des photos. “Elle a quoi, mon école ?” La question reste entière.
*Le prénom a été changé à la demande de l’intéressée
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Si Gaudin d maire e Marseille, faute d’argent avait eu la ferme volonté de réhabiliter cette école communale, située dans un quartier populaire il pouvait parfaitement faire appel à Vassal présidente du conseil départementale. En effet cette dernière ne lui avait pas refusé de financer des travaux à l’école Jean Mermoz (voisine du restaurant La Villa, une des cantines des « Les Républicains». Une affiche, rappelait
d’ailleurs; la générosité du département des Bouches-du-Rhône.. Cette pub attachée, sur les potelet , devant la porte appelait l’attention des électeurs du bureau de vote, installé dans l’ école maternelle la générosité de l’institution parrainée par celle, qui s’affichait à chaque coin de rue vêtue de bleu et blanc se prenait pour la Bonne Mère
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